VEUCLIN, Ernest-Victor (1846-1914) : Les enfants abandonnés et la communauté des paroisses en Normandie dans les deux derniers siècles.- Bernay :  Impr. de V.-E. Veuclin,  1888.- 22 p. ; in-8
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Les enfants abandonnés et la communauté des paroisses en Normandie dans les deux derniers siècles (1888)

Les Enfants abandonnés
et la
Communauté des paroisses
en Normandie
dans les deux derniers siècles

 
PAR

V.- E. VEUCLIN

~*~

Avant-propos.

Appartenant au peuple campagnard, son histoire nous est particulièrement chère et attrayante.

Déjà, à propos de l'Instruction publique dans les deux derniers siècles, nous avons, dans plusieurs notices (1), montré combien étaient nombreuses et saines les sources intellectuelles où les enfants des pauvres, des villageois venaient puiser à discrétion les connaissances morales et humaines.

Aujourd'hui, remontant un peu plus haut, nous continuerons et compléterons une étude que nous avons commencée sur les « Enfants abandonnés » (2), et nous montrerons aussi quelles étaient, jadis, les mesures prises, dans les paroisses rurales de la Normandie, à l'égard de ces malheureux petits êtres lâchement ou fatalement délaissés à la charité publique.

 E. VEUCLIN.


Législation normande.

Outres les ordonnances royales et ecclésiastiques (3) usitées dans tout le royaume, la Coutume de Normandie contient une disposition spéciale relative aux enfants exposés ; on lit, en effet, dans l'édition de 1648 :

« Les Espaves qui sont choses sans adveu et sans seigneur, appartiennent au haut-justicier, aussi les enfans trouvez et exposez au district de sa haute justice, doivent être nourris à ses dépens. Ce qui ne s'observe entre nous. Et fut par arrest du 2 Aoust 1607, le Commandeur de Villedieu déchargé de la nourriture des enfans exposez en son territoire, & ordonné qu'ils seroyent nourris par les paroissiens s'il n'y avoit hostel-Dieu sur le lieu, à la charge de contribuër par luy comme seigneur de haute-justice.– Semblable arrest avoit esté donné en audience le 12 Mars 1597, par lequel le sieur Abbé de Fecam Snr de Heudebouville, le Bailly & Procuteur fiscal du lieu & parroissiens furent tous condamnez en général à la nourriture d'un enfant exposé en ladite parroisse, après qu'il fut demeuré connu qu'en icelle n'y avoit ny hospital, ny leprosarie ou autre lieu pitoyable. – Et encore un autre arrest du Vendredy de relevée 17 May 1596, par lequel fut dit qu'un enfant exposé à Vaucelles & sur le territoire de Caën parroisse d'Allemagne, seroit nourry par l'hostel-Dieu de Caen, comme le plus proche, & non par le trésor de ladite parroisse de Vaucelles - Par un autre arrest du 9 Juillet 1596, les administrateurs du bureau des pauvres de Rouën furens par provision condamnez nourrir un enfant exposé dans la banlieüe prez Maromme. Et sur le principal appointez au Conseil avec les parroissiens de Maromme, sur lesquels ils se prétendoyent décharger comme estant dans la banlieüe, parce que la banlieüe jouyst des mesmes privilèges que la Ville. »

L'édition de 1701 de notre Coutume ajoute ces autres détails relatifs à la nourriture des enfants exposés :

« Dans les autres lieux de la Province cette nourriture tombe en charge au Trésor de la Paroisse. Selon la disposition de quelques Conciles de France les enfans exposez étoient nouris par les Eclésiastiques des aumônes faites à l'Eglise pour la nourriture des pauvres, & depuis les Hôpitaux aiant été bâtis, ils ont été tenus de nourrir les enfans exposez & dans les lieux eu il n'y en a point, comme le Trésor de l'Eglise est composé d'aumônes cette nourriture doit être à sa charge... »

L'édition de 1771 ajoute aussi :

« Si les Trésors n'ont pas de biens suffisans, les Seigneurs de Fief et les Parsoissiens doivent fournir la dépense, pour la nourriture et entretenement des enfans exposez.... »

Enfin, un document de 1778 (4), indique en ces termes la législation alors en vigueur :

« En la province de Normandie, les seigneurs hauts-justiciers, les possesseurs de fiefs ne sont pas tenus de pourvoir à l'entretien des bâtards qui, suivant la loi municipale et la jurisprudence constante du Parlement de Rouen, sont regardés comme un fruit de la terre et une charge de la propriété foncière en conséquence, les propriétaires et possédant fonds sont obligés d'en prendre soin ; on adjuge l'enfant à celui qui offre de s'en charger à moindre frais, le montant de cette adjudication au rabais est reparti entre tous les contribuables de la communauté, à raison de leurs propriétés respectives de là ces procès ruineux entre diverses communautés qui se rejettent les enfants. »


LES
ENFANTS ABANDONNÉS
et la
COMMUNAUTÉ DES PAROISSES


FONTAINES-L'ABBÉ

Le 11e jour'août 1625, environ 3 ou 4 heures du matin, au portail de l'église, est trouvé un enfant avec un petit écriteau donnant à connaitre que ledit enfant n'aurait été baptisé. En vertu d'un mandement obtenu, ledit jour, du viconte baillival de Beaumont-le-Roger, le curé, observant les cérémonies à ce requises, baptise cet entant, lequel est nommé François, puis mis entre les mains de la femme de Jehan Cogis. afin de bien le soigner, le garder, nourrir et gouverner.

St-LÉGER-DU-BOSDEL

Le 22 avril 1646, comparaissent devant le curé de la paroisse de St-Léger-du-Bosdel 13 paroissiens dudit lieu, lesquels donnent pouvoir à Jacques Toutenel et à Jean Desplanches de cueillir deniers pour subvenir à la nourriture d'un enfant qui a été trouvé dans les bois de St-Léger, et de taxer les paroissiens suivant le mandement de justice qu'ils ont obtenu de Mr le bailli d'Evreux, pour obtenir ledit paiement ; ils donnent aussi pouvoir de « mettre justice affin d'en estre informé et de faire punir tel crime. »

GIVERVILLE

Le dimanche 6 juillet 1653, devant le curé de Giverville les paroissiens s'assemblent pour délibérer..., « entre autre de la nourriture d'un enfant orfelin estant en icelle paroisse » ; les paroissiens sont d'avis d'être cotisés pour cet effet et en ont donné plein pouvoir de ce faire au sieur curé et à Mr..... pour, en leur conscience, faire ladite cotisation sur chacun d'eux ainsi qu'ils aviseront bon, poursuivre à la dite cotisation en attendant autre pouvoir pour taxer le trésor et la confrérie de charité. – Ceux-ci sont taxés à la somme de 6 livres.

COURBÉPINE

Le 21 septembre 1671, une petite fille âgée de 6 jours, est trouvée exposée au portail de l'église de Courbépine. Un billet attaché aux langes de l'enfant indique que la mère est une fille de 30 ans, laquelle demeurant en service chez un habitant de Courbépine, a été abusée par lui. Le curé baptise l'enfant par le mandement de justice. En 1676, le trésorier de la fabrique porte sur son compte « Payé pour t'enfant trouvé, 4 l. 15 s. »

1671. Sentence condamnant un habitant de Courbépine à pourvoir à !a nourriture d'un enfant naturel reconnu être des oeuvres dudit habitant. (Voir nos Chansons villageoises ; p. 6)

1687. Les comptes du trésorier de la fabrique portent cette mention « Payé pour un enfant que l'on a trouvé sous le portail de notre église, pour la nourriture et le gouvernement. 10 s. »

1709. – Dans la nuit du 28 au 29 décembre, une petite fille est exposée à la porte du Sr Dubuisson Fontenelle. Cette enfant meurt un moment après avoir été trouvée. – Les comptes de 1709 indiquent une dépense relative à « un enfant pour Maroquesne. »

LE CHAMBLAC

Le 25 octobre 1680, vers 6 heures du matin, en la paroisse du Chamblac est trouvé un enfanrt femelle exposé dans un petit panier attaché à un des arbres de l'avenue de Bonneville. Cet enfant est visité en la présence de plusieurs personnes appelés à cet effet ; il est trouvé dans les linges de cet enfant un écrit indiquant qu'il n'est point baptisé et que son père habite la paroisse. Le curé baptise l'enfant qui eut ensuite présenté à la mère du paroissien désigné dans l'écrit, pour avoir soin de son éducation, cette femme déclare ne prétendre répondre des faits de son fils et en a fait refus ; « pour lequel refus et attendu qu'il estoit nécessaire de pourvoir à la nourriture de cet enfant il a esté mis en la garde d'une persoune particulière, sans tirer à conséquence, jusque à ce que par justice autrement il y ait esté pourveu... » – Le dimanche suivant, 27 octobre, à l'issue de la grande messe, les paroissiens s'assemblent devant le curé... ; lesquels délibérant sur l'exposition de l'enfant trouvé..., « ont nommé pour leur procureur général et spécial le porteur de la présente auquel ils ont donné pouvoir et puissance et authorité, pour eux et à leur nom, de présenter au juge royal requeste pour estre permis de faire faire taxe pour subvenir à la nourriture dud/ enfant sur tous les habitans et tenant terre et masure dans lad/ paroisse, de faire rendre lad/ taxe exécutoire sur tous ceux qui y seront compris, même en faire sortir le premier sur les redevables et d'obtenir permission d'approcher devant lesdits juges royaux les père et mère dud/ enfant s'ils sont cognus, et d'obtenir contre eux tous les despens domages et intéretz qui en tel cas seront requis, mesme d'obtenir monitoire pour avoir déclaration de ladite exposition, et généralement faire gérer et négotier tout ce qui sera nécessaire plaider appeller et poursuivre led/ jugement devant tous et les juges qu'il appartiendra jusque à jugement définitif, sans que pour cela il ait besoin d' autre pouvoir plus spécial promettant tant pour eux que pour les autres absens, tenir et avoir pour agréable tout ce que ledit leur procureur aura faict sur l'obligation de tous leurs biens présentz et advenir, ce qu'ils ont signé... » 3 signatures et marques.

1697. Le 23 octobre, sur les 5 heures du matin, un enfant femelle est trouvé à la principale porte de l'église, enveloppé dans un vieux panier. Dans les hardes de l'enfant est trouvé un écrit et du sel ; l'écrit indique le nom du père. – Les paroissiens étant appelés, le vicaire baptise sous condition cette petite fille, laquelle paraît âgée de 2 à 3 jours, elle est ensuite emportée par sa marraine, du consentement et avis desdits paroissiens, pour la garder en attendant qu'il soit pourvu à sa nourriture par la paroisse.

Le dimanche suivant, 27 octobre, les paroissiens s'assemblent devant le curé, pour délibérer entre eux sur ce qu'ils ont à faire de l'enfant précité. Sur quoi faisant, les présents faisant aussi pour les absents, ils ont été d'avis de la donner à nourrir à Noëlle Fortin qui s'en est chargée et a promis de le nourrir et soigner comme elle doit, moyennant la somme de 65 sols par mois, laquelle somme lui sera payée, par avance tous les mois par lesdits paroissiens lesquels, pour faire le recouvrement de ladite somme, ont été d'avis d'adresser un rôle à M. le bailli et à M. le procureur fiscal de Ferrières pour être autorisés de faire la taxe sur lesdits paroissiens, et ledit rôle fait être nommé deux d'entre eux pour en faire la collecte, après qu'il aura été rendu exécutoire par justice ; et ont nommé le trésorier de l'église pour se présenter à M. le bailli, pour enquérir d'être pourvu sur ce que dessus. 3 marques et signatures, dont 2 de nobles.

St-AUBIN-LE-VERTUEUX

1683.– Le 26 septembre, baptême d'un enfant qui a été trouvé dans le portail de l'église, ce jour matin allant sonner l'Angelus, « dont le pure et la mère sont inconnus. » – Cet enfant meurt le surlendemain.

1707. Le dimanche 9 juin, à l'ouverture de l'église, a été trouvé par les paroissiens dudit lieu un enfant, du sexe masculin, qui paraît né de 4 ou 5 jours, attaché à la porte de l'église dans un panier ; lesquels paroissiens ont délibéré que ledit enfant soit baptisé incessamment et mis entre les mains de Guillaume Guerin et sa femme qui s'en sont volontairement chargés, parce que lesdits paroissiens leur ont promis une récompense convenable et délibéreront après vêpres sur ce sujet ; et a ledit enfant été baptisé sous condition...

1726. Le dimanche 28 avril, une soi-disant sage-femme de la paroisse présente au curé une fille naturelle, issue de Catherine Lambert, de la paroisse de Ferrières, pour être baptisée par provision ; le curé fait aussitôt sonner la cloche en vol et au tocsin pour appeler les paroissiens afin de délibérer sur la question de savoir si cette enfant doit être baptisée incessamment et mise entre les mains de sa mère, celle-ci ayant fait, le 9 mars, au greffe de Bernay, la déclaration de sa grossesse ; aucun paroissien n'ayant comparu, le curé passe outre et baptise l'enfant, présence de deux paroissiens qui refusent da signer l'acte.

COURCELLES

Le 14 février 1701, environ 5 heures et demie du soir, Madeleine Raier, femme de Guille Adam, de la paroisse de Cerquigny, trouve un enfant en s'en retournant de la grosse forge de Courcelles, de chez le martelier de qui elle a un enfant en nourrice ; elle trouve cet enfant dans la haie de la rivière, sur le bord du grand chemin de Cerquigny à Bernay. - Cette femme retourne à la forge avertir les gens de sa trouvaille ; la mère de l'affineur et plusieurs autres personnes viennent aussitôt et, accompagnés du curé de Fontaine-l'Abbé, vont au presbytère de Courcelles chercher le curé. Puis, tous ensemble se transportent où est exposé ledit enfant ; une sage-femme est présente et déclare, après l'avoir developpé et visité, que c'est une fille pouvant avoir un ou deux jours ; on remarque que cet enfant est enveloppé de lambeaux de chemises et d'une chiffe sur son visage ; qu'il est couché sur un vieil lambeau de « calabre » sous lequel il y a de la mousse... — Après quoi on l'apporte à l'église où il est baptisé sous condition et nommé Madeleine par la femme qui l'a trouvée et à laquelle cette enfant est donnée pour la nourrir et allaiter. A ce est présent Mr de Garancière, seigneur de la paroisse.

St-OUEN-DE-MANCELLES

1707. — Le vicaire écrit cette attestation : « Louis Noblet, habitant de la paroisse, ayant trouvé un enfant à la grande porte de l'église, exposé dans un panier, avec un peu de sel, dans un lincëuil, nous en ayant aussitost donné avis et nous y estant rendu en diligence, après avoir fait assembler les paroissiens, fait diligente perquisition de père et de mère sans qu'ils se soient présentés ou voulu dire leur nom, et fait visiter ledit enfant par Catherine Martin femme de Louis Noblet, Angélique Louvigny femme de Noël Gibourdel et autres qui ont déclaré estre un enfant masle âgé viron d'hier au matin et dans péril évident de mort ; vu leur rapport, par nous susdit vicaire baptisé sous condition et nommé Louis par Louis Le Domand pris de nous pour parrain, assisté de Marguerite Blanvillain, sa marraine ; après quoy nous avons mis ledit enfant sous la garde de ladite Catherine Martin qui l'a charitablement accepté à protestation de le soigner chrestiennement jusqu'à ce que lesdits paroissiens y ayent autrement pourveu ; le tout en présence de René Massuet, Sr de la Chauvignière, syndi,... » 3 signatures et 5 marques.

1707. — Le 2 juin, à l'issue de la grande messe, devant le curé s'assemblent, en état de commun, les syndic et paroissiens, lesquels requèrent le présent certificat tendant à autoriser le syndic de présenter une requête aux fins de faire un rôle montant à 4 livres par mois, pour la nourriture et linge de l'enfant trouvé le jour St Joseph dernier, pour être sur tous les possédant terre dans la dite paroisse assis la dite somme de 4 livres chacun mois. 4 signatures et 3 marques.

1712. — Le 22 mai, baptême d'un enfant trouvé sur le cimetière. — Cet enfant meurt 8 jours après.

St-QUENTIN-DES-ILES

1710. Les habitants de cette paroisse, voisine de celle de Ferrières où se trouve une ancienne maladerie réunie à l'hôpital général de Bernay, sont chargés de 3 enfants d'un particulier de ladite paroisse détenu dans les prisons pour crime. N'ayant pas jugé à propos, après l'expiration du temps réglé pour la cotisation des pauvres, de pourvoir à la nourriture de ces 3 enfants, lesdits habitants refusent de les garder plus longtemps, sous le prétexte que les biens de ladite maladerie avaient été aussi aumônés pour les pauvres de leur paroisse comme pour ceux de la paroisse de Ferrières. L'affaire est portée devant le juge d'Orbec qui, par sentence du 6 août 1710, donne raison aux paroissiens de St-Quentin-des-Iles, et, le 11 à la requête du syndic, un huissier conduit les 3 enfants à l'hôpital de Bernay pour y être nourris et entretenus jusqu'à l'age de 10 ans. — Sur l'appel interjetté de cette sentence, la Cour, le 5 septembre, rend un arrêt qui décharge par provision l'hôpital de la garde des 3 enfants, et ordonne qu'ils seront reportés en la maison du syndic de la paroisse de St-Quentin-des-Iles, et que les habitants seront tenus de se cotiser pour fournir à leur subsistance comme ils ont fait avant leur action.

St-VICTOR-DE-CHRÉTIENVILLE.

1719. — Le dimanche 4 mai, les paroissiens en général s'assemblent pour délibérer pour la nourriture et entretien d'un enfant trouvé en leur paroisse, suivant une contrainte faite sur six paroissiens..., et par l'ordonnance donnée par MM. les officiers du baillage d'Orbec, et obéissant à ce qu'il plaira à justice à en ordonner, et consentent que rolle soit fait suivant le revenu de chacun d'eux. 15 signatures.

1763, 1774, 1778, 1779, baptême de 4 entants trouvés (5).

St-PIERRE-DE-CERNIÈRES

1719. Le dimanche 26 décembre, les paroissiens s'assemblent en état de commun ; le syndic leur communique une assignation à eux faite, à la requête de M. de Bosdroits, pour comparoir lejourd'hui à la viconté de Glos, pour être condamnés à contribuer à la nourriture et entretien de la fille de feu Catherine Morel, bâtarde âgée de 18 mois, que ledit seigneur de Bosdroit dit être à sa charge ; pourquoi ledit syndic demande que les dits paroissiens aient à délibérer sur les fins audit exploit. — Les paroissiens sont d'avis qu'il soit fait un rôle sur tous les possédants biens sur ladite paroisse, eu égard à la quantité d'iceux, dans lequel rôle sera employé le sieur curé, comme étant une charge de la paroisse ; lequel rôle sera arrête en présence de Mr de Bosdroit, de 5 paroissiens dénommés et du syndic, qui sont autorisés de choisir un paroissien pour faire la cueilte... » 10 signatures et 2 marques.

VERNEUSSES

1727, 9 et 16 mars ; 16 juillet. — Délibérations des paroissiens au sujet d'un enfant exposé (6).

CHEUX

Le dimanche 14 janvier 1759, à la réquisition du syndic, assemblée des « tres-fonciers » aux fins de pourvoir à la subsistance d'un enfant femelle trouvé exposé sous les halles de ladite paroisse le dimanche 23 décembre dernier, lequel enfant a été mis provisoirement le même jour par ledit syndic, aux mains de la femme de Pierre Bougon. Sur quoi lesd/ paroissiens présents..., ayant délibéré, sont convenus de ce qui suit : 1° lesdits sieurs délibérants approuvent ce qui a été fait par ledit syndic à cette occasion ; 2° ledit enfant sera nourri et entretenu aux frais des Srs trésoriers de ladite paroisse pendant l'espace de sept années à compter du jour qu'il a été trouvé ; 3° pour la levée des deniers nécessaires, lesdits Srs délibérants ont nommé pour députés les Srs Desmarets du Doüet Sr de St Vendrille et Savari procureur au bailliage de Caen auxquels ils ont donné plein pouvoir et autorité de pour eux et en leur nom faire un rôle de répartition sur les tresfonciers de ladite paroisse à proportion de leur revenu, de la somme qui va être ci-après liquidée, et présenter à cet effet une requête à M. l'Intendant, tendante à ce qu'il lui plaise viser le présent certificat et rendre ledit rôle exécutoire, comme aussi de faire toutes les perquisitions possibles et nécessaires pour découvrir les auteurs de l'exposition dudit enfant et être leur découverte rapportée au général de ladite paroisse pour par elle procéder ainsi qu'elle avisera bien ; 4° la nourriture et entretien dudit enfant ayant été bannie au rabais pour obvier à l'agravation desdits sieurs tresfonriers, lesdits sieurs délibérants ont adjugé la nourriture et entretien dudit enfant à Pierre Bougon et à sa femme, parce qu'il leur sera payé par chacune desdites sept années la somme de cinquante cinq livres... Cette délibération porte 17 signatures (7).

SERQUIGNY

En 1766, le 29 décembre, deux « cornoyeurs » de ladite paroisse, Jacques Louvet et Nicolas Cheruel, sont écrasés, au bas de la côte de la Bivière-Thibouville, par l'éboulement des terres ; ils laissent chacun trois enfants dans la misère, sans secours et sans subsistanee. L'Intendant donne ordre de conduire ces six enfants immédiatement à l'hôpital général de Bernay, pour y être gouvernés jusqu'à l'âge de dix ans ; l'hôpital.les reçoit le 4 janvier 1767.

MALLEVILLE-SUR-LE-BEC

1769 — Le lundi 17 avril, environ sur les 7 heures du matin, Louis Morin, âgé de 17 ans, domestique de M. Vittecoq St-Martin, prêtre habitué en ladite paroisse, venant pour servir la messe dudit prêtre, passe sous le porche de l'église pour prendre les clefs au presbytère pour sonner la messe et, sous ledit porche, il trouve un enfant dont la tête est tournée du côté de la grande porte de l'église, au coin ou angle droit dudit porche. — Morin va sur le champ trouver son maître, lequel, suivi de sa belle-soeur et d'une voisine, se rend sous le porche et sonne à la porte du curé ; tous ensemble trouvent ledit enfant qui leur parait tout nouveau né, n'ayant pour tout linge et lange qu'une petite cornette sur la tête où il paraît un petit morceau de mousseline de nulle valeur avec quatre autres mauvais morceaux dont trois de toile et le quatrième de cinq lames. — Cet enfant (fille) est porté de suite et rechauffé au presbytère ; pendant cela on bat la cloche pour assembler la paroisse. On remarque que ledit enfant a été exposé depuis peu de temps, puisque un ouvrier venant travailler chez le curé, avait passé sous le porche à 5 heures 1|2 et il certifie que ledit enfant n'était point exposé. Après quoi, il est délibéré et arrêté que, provisoirement ledit enfant serait baptisé (8) et mis en nourrice jusqu'à ce que les paroissiens aient pris parti sur ce qui sera décidé pour faire élever ledit enfant ou sur tel autre parti qu'ils jugeront plus convenable. Enfin, le curé arrête le présent procès-verbal que signent les 3 prêtres de la paroisse et 4 témoins.

1769. — Le 7 mai, à l'issue des vêpres, après 3 avertissements faits consécutivement aux prônes des messes paroissiales, après aussi l'envoi de convocation chez les propriétaires et habitants (au nombre de 15), en date du 4 de ce mois, à la diligence du sindic, et le plus grand nombre des anciens trésoriers ainsi que le général des autres propriétaires, paroissiens et habitants de la paroisse, assemblés au son de la cloche au lieu et en la manière accoutumée, pour décider sur le sort d'un enfant femelle trouvé exposé sous le porche de l'église... ; lesquels propriétaires, paroissiens et habitants ont délibéré que ledit enfant sera incessamment envoyé aux Enfants trouvés, à Paris (9) à la charge que celui qui s'en chargera pour le transporter audit lieu sera tenu d'apporter une décharge en bonne et due forme pour la paroisse, de sorte qu'elle n'en soit inquiétée en aucune façon que ce soit ou puisse être, dont ledit porteur sera responsable ; bien entendu que la femme de Jacques Vittecoq sera payée du temps qu'elle a pris ledit enfant en nourrice jusqu'au jour de son départ. A ce est intervenu Pierre Marc, de cette paroisse, lequel s'est obligé d'exécuter de point en point les conditions proposées et d'avoir dudit enfant tout le soin qu'inspire le droit naturel et paternel, parce que lesdits propriétaires, paroissiens et habitants se sont obligés de lui payer la somme de 90 livres payables au jeudi dans l'octave du St Sacrement, parce que d'ici à ce temps-là il sera fait un rôle de répartition au marc la livre sur tous les contribuables à la taille de la paroisse ; à la collection de laquelle somme de 90 livres a été nommé la personne de Toussaint Guenet, de la paroisse de St Taurin, qui joindra à la susdite somme celle qui sera décidée pour le temps de nourrice ; lesquelles sommes en total seront levées comme dit est, conjointement avec la somme de 4 livres 10 sols que lesdits propriétaires, paroissiens et habitants ont promis payer audit Guenet pour ses peines de collecte. Le tout fait et arrêté en outre présence de 13 paroissiens dénommés et plusieurs autres dont partie (19) a signé...

LA BARRE

Le 24 mai 1780, un enfant est trouvé sous le portail de l'église et envoyé à l'hôpital de Bernay. — Les administrateurs de cet établissement écrivent à l'Intendant. pour être exonérés de cette charge ; « suivant les ordonnances, disent-ils, tout enfant exposé à la porte d'une église tombe à la charge de la communauté ; les paroissiens étaient obligés de faire élever lesdits enfants. »  L'Intendant répond : « ... On a senti l'inconvénient et les dangers même qui résultoient de l'obligation où on mettoit une paroisse d'être chargée de l'éducation d'un bâtard. Les recherches que souvent elle faisoit pour découvrir les auteurs et faire tomber sur eux la dépense, effrayoient une malheureuse fille qui, dans la crainte d'être recherchée et découverte, faisoit périr son enfant... » ;  l'Intendant ordonne à l'hôpital de se charger du dit enfant et de ne pas souffrir qu'il  soit porté aux Enfants trouvés de Paris.

Les arrêts de 1775 et 1779 ayant complétement modifié la législation ancienne, les expositions d'enfants deviennent de plus en plus rares dans les campagnes ; par contre, à partir de 1782, le nombre des enfants abandonnnés et mis à la charge des hôpitaux, s'accroît chaque année à Bernay, en 1785, ce nombre s'élève à 32.


NOTES :
(1) Les Petites Ecoles et la Révolution dans les districts de Bernay et de Louviers 1886. L'Ancien Collège de Bernay ; 1886. Notes historiques sur l'Instruction publique, avant la Révolution, à Bernay et aux environs ; 1886. Notes historiques sur l'Instruction publique, avant la Révolution, à Louviers et aux environs ; 1887. Nouvelles Glanes historiques sur l’Instruction publique avant, pendant et après la Révolution ; 1888. Les Fondateurs d'Ecoles au XVIe siècle ; 1888. En préparation : Quelques Notes inédites sur les anciennes Petites Ecoles du Calvados.
(2) Voir notre étude : Le Cléricalisme n'est pas l'ennemi de l'Instruction, etc. : pages150-168. En 1887, au Congrès des Sociétés savantes, à la Sorbonne, nous avons aussi, dans la première partie de notre Mémoire sur le Paupérisme, traité la question historique des entants abandonnés.
Nous recommandons la lecture du remarquable ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales et politiques : Histoire des enfants abandonnés et délaissés... par Léon Lallemand, lauréat de l'Institut. - Paris, 1885.
(3) Parmi les prescriptions royales, rappelons l'édit de Henri II concernant la déctaration des filles enceintes ; citons aussi la recherche légalle de la paternité. –. Les Conciles de Vaison et d'Arles, en 442 et 452, s'occupèrent des enfants exposés.
(4) Arch. du Calvados ; C., 8,15. Coutances.
(5) Voir notre livre : Le Cléricalisme n'est pas l'ennemi de l'Instruction, etc ; page 161.
(6) Voir notre étude: Le Cléricalisme n'est pas l'ennemi de l'Instruction, etc. ; pages 150-168.
(7) Archives du Calvados. — G. Paroisses.
(8) L'enfant est nommée Marie-Catherine et surnommée Duporche.
(9) A cette époque, presque tous les enfants exposés étaient envoyés, comme de vulgaires colis, à l'hôpital général de Paris. Les abus et l'augmentation des expositions d'enfants mêmes légitimes, motivèrent les sages arrêts des 24 janvier 1775 et 10 janvier 1779, ordonnant de porter à l'hôpital le plus voisin les enfants exposés, à la subsistance desquels l'Etat coopère désormais dans une large mesure.

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