Un don généreux : les Collections de M. Anfrie (1912).
Numérisation du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (25.IV.2013)
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 31bis) de la Revue illustrée du Calvados, 6e année n°5 - Mai 1912.
 
UN DON GÉNÉREUX
Les Collections de M. Anfrie

~*~

Emile Anfrie M. Anfrie, le naturaliste Lexovien bien connu, se propose d'offrir gracieusement à la ville de Lisieux ses admirables collections, contribuant ainsi à la construction d'un musée zoologique municipal, sous la condition d’un local convenablement approprié et de quelques dispositions accessoires. Avant que les vitrines du savant collectionneur aient quitté sa maison de la rue Paris, nous sommes allés voir les salles où M. Anfrie a réuni les centaines d’animaux qu'il a lui-même patiemment naturalisés.

Avec une bonne grâce parfaite M. Anfrie accueille notre demande. Derrière lui nous montons, au second étage qu'il a aménagé tout spécialement pour ses chères bestioles.

Autour de la vaste pièce et dans son milieu, des vitrines laquées les recèlent.

Elles sont là, bien en ordre sur leur perchoir ou leur socle, mais tellement pressées, faute de place, qu'il a été impossible de répéter sur une étiquette apparente, la savante description habilement calligraphiée sous la planchette qui les porte.

Ces collections comprennent pourtant 27 vitrines : mais il a fallu y loger 1800 oiseaux, représentant les exemplaires de la plupart des espèces observées en Europe et dans le Nord de l'Afrique, ainsi que quelques pièces exotiques, rares et très belles. Y ont pris place encore 200 mammifères, 100 reptiles, 300 coquilles d'œufs d'oiseaux, 300 espèces de mollusques depuis les conques gigantesques jusqu'aux imperceptibles coquilles nacrées guère plus grosses que des grains de sable, des crustacés, des ossatures, quelques curieux moulages. De nombreuses années de recherches et un labeur persévérant et désintéressé ont été nécessaires pour compléter autant que possible cet ensemble.

Le vieux savant nous montre la première pièce qu'il tua, alors qu'il n'avait qu'une quinzaine d'années, c'est un émouchet qu'il abattit à l'aide d'un vieux fusil « qui ne partait pas toujours ! ».

M. Anfrie nous explique comment lui vint la passion des préparations naturalistes. Il apprit seul cet art difficile, non sans déboires, ni longs essais.

Les débuts assez laborieux de cette collection remontent à plus de 60 années, dont la dernière moitié de beaucoup plus active.

« Ma prédilection, nous dit-il, a toujours été pour les Oiseaux que j'aimais à étudier et à comparer dans leurs formes si attrayantes et si variées. Naturellement j'ai réuni tout d'abord les espèces locales et régionales, puis ensuite, l'ambition aidant, je me suis étendu à celles observées en Europe et au Nord-Africain, qui sont complètes, sauf quelques-unes introuvables. C'est là que, par mes seuls moyens et unique préparateur, j'ai éprouvé le plus d'ennuis et de difficultés de toutes sortes. Pour plusieurs raisons, j'ai dû me borner à ces faunes, quoique la plupart des Oiseaux exotiques qui sont l'objet d'un commerce beaucoup plus étendu, surtout pour les modes, se trouvent plus facilement que ceux d'Europe. Cependant, comme curiosité, quelques-uns des plus  remarquables font partie de la collection ».

Et il nous détaille ses trésors. Dans l'angle d'une vitrine, un curieux oiseau présente la silhouette d'une dame en grande toilette, robe noire doublée de blanc, plastron strié de blanc et de brun et sur la tête rosée, un véritable toquet orné de somptueuses amazones.
Radieux, M. Anfrie va d'une pièce à une autre et nous fait un cours d'histoire naturelle beaucoup plus intéressant que ceux que nous entendîmes jadis au collège et qui sont bien oubliés, hélas !

Voici les oiseaux d'Europe et du Nord de l'Afrique, voici trois Gypaëtes barbus (dont un aux ailes étendues), la plus belle espèce et une des plus grandes chez les Rapaces ; la série des Aigles complète, 27 exemplaires de tailles diverses, dont l'Aigle pygargue à tête blanche ; la Chouette des neiges ; la Chouette lapone, la plus grande et la plus rare qui existe, (0 m 68 de longueur) et un énorme Grand-Duc de Sibérie. Tous les Pics d'Europe et d'Afrique-Nord, 37 exemplaires, dont le Pic à dos blanc et le Pic doré ; une belle série de Merles dont plusieurs variés de blanc, de cendré et d'isabelle ; deux Pies complètement blanches ; tous les becs fins et gros-becs, dont nombre de sujets tares et quelques Albins.

Un coin de la Galerie de M. Anfrie Le couple et le poussin du grand Coq de Bruyère ; le Syrrhapte paradoxal, la grande Outarde (trouvée prés Lisieux) ; l'Outarde Houbara, très remarquable.

Tous les petits Echassiers en nombre et en plumage d'hiver et de noces. Oui de noces, car certaines espèces se parent magnifiquement pour la saison des amours.

M. Anfrie nous montre encore une Cigogne noire peu commune ; la série complète des Hérons, dont 3 aigrettes et 3 garzettes ; toutes les Sternes ou Hirondelles de mer d'Europe (46 exemp.) ; 3 Albatros, (dont un en plein vol); un magnifique Pélican frisé ; un grand Plongeon et tous les Grèbes en habit d'hiver et de noces, etc., etc.

Parmi les Oies, voici l'oie à cou roux et l'oie de neige toute blanchie ; les Canards sont complets (sauf cependant 3 espèces qu'il n'a pu trouver) au nombre de 30 espèces et de 74 exemplaires, etc.

En Oiseaux exotiques, nous admirons un superbe Paradis rouge qui semble sur son perchoir un miraculeux chapeau de théâtre ; le Martin-Chasseur géant, le Calao Rhinocéros ; le curieux Apterix, espèce confinée dans la Nouvelle-Zélande et en voie d'extinction, etc.

La collection de Mammifères comprend entre autres le Castor du Rhône, si difficile à se procurer aujourd'hui (les derniers sont protégés) ; le Lièvre des Alpes qui devient blanc pur en hiver ; l'Ornithorynque d'Australie, un singulier mammifère à bec de canard et d'autres.

C'est pour assurer la conservation de ces pièces si passionnément réunies et pour éviter qu'à sa mort elles ne soient dispersées, que M. Anfrie s'est résolu à s'en dessaisir dès maintenant pour en doter la ville de Lisieux.

Le geste, assurément généreux par lui-même, s'augmente encore du sentiment désintéressé qui le dicte.

La jeunesse lexovienne qui est surtout appelée à en profiter ne saurait témoigner trop de respectueuse reconnaissance à son auteur pour le remercier de son sacrifice.

L.


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