[MAZARINADE] Lettre d'un normand aux fendeurs de nazeaux de ce temps, qui ont peur de mourir pour leur patrie. A Paris : Chez Claude Huot, rue S. Jacques, proche les Jacobins, au pied de Biche, MDCXLIX [1649].- 10 p. ; 22 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (07.III.2009)
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm Bur)

Lettre d'un normand
aux fendeurs de nazeaux de ce temps,
qui ont peur de mourir pour leur patrie

A Paris,
Chez Claude Huot,
MDCXLIX.

~*~

page de titre : Lettre d'un Normand

AU LECTEUR

Mon esprit a juré sur les sacrez Autels,
De n'offenser jamais personne des mortels,
Mais si quelqu'un icy sent sa galle eschauffée
Il pourra se galler pendant toute l'année.


ESPRITS qui ne respires que les armes, & qui n'avez rien tant en horreur que les combats, vostre temps est arrivé, vous pourrez maintenant faire paroistre avec éclat, combien Mars boüillonne dans vos veines ; dont vous ignorez neantmoins le nom. Vous ne faites sortir hors de vostre bouche, & vos poulmons ne font raisonner qu'assauts, que pillages, que surprises : Il est vray que vous estes furieusement surpris quand vous entendrez crier aux armes, & que vostre imagination pille à merveille ce que vos mains n'ont jamais fait, les stupides vapeurs qui embroüillent vos testes, vous semblent estre ces fumées de canons qui ravissent le jour aux combattans, & les combattans à eux-mesmes. Jusques à present je vous avois veu plongez dans la tristesse, qui accompagne ordinairement les esprits steriles ; mais le bruit des tambours vous réveille, vous surprend, & vous glace le sang dans les veines. Je sçay que vous ne voudrez pas advouer, que c'est la peur qui vous inspire ces frenetiques convulsions. Je sçay aussi que vous ne dirés jamais, que ce soit masle courage, qui vous anime à la defence de vostre pays. La generosité loge dans des esprits nobles, qui font & ne disent jamais rien.La temerité ne les fait point courir aux combats. Si la necessité les y engage, ils en sortent les derniers victorieux, ou succombent à la force, ou quelque-fois à la temerité. Il n'est pas question de s'entretenir d'occasions de guerre ; mais quand elles se presentent, il faut leur donner la vie, ou leur oster la victoire. Lors que j'entends raisonner vostre voix qui n'a rien de masle, & vostre poulmon qui tremble mesme, lors que vous parlez des choses qui font trembler, quand elles arrivent. Il me semble voir ces certains mauvais chiens qui abbayent lors qu'ils ne voyent, n'y entendent rien, & qui quand le voleur approche ont des pieds pour fuyr, & point de langue pour éveiller leurs maistres. Certes j'ay pitié de vous, vous seriez capable de quelque chose, si vous aviez un peu plus d'effect, & moins de parole. La voix nous est commune avec les autres animaux, mais les actions nous rendent hommes. Je sçay que vous voudriez avoir fait les pillages, que vous vous forgez dans vos testes mal timbrées, & que vous souhaiteriez avoir esté dans les rencontres que vous descrivez si mal, que nous pouvons dire, que si vous excellez en quelque chose, c'est à mentir. Quand vous voyez que nous prenons plaisir à entendre vos mensonges, vous discourez des mieux, vostre langue fait rage. Tantost vous donnez combat, mais je croy que c'est à bacchus : tantost vous faites passer tout par le fer, mais je croy que c'est des poulets. Vous vous trouvez dans d'estranges rencontres, mais je crois que vous estes si malheureux que de n'avoir rien rencontré que des coups de baston. Quoy pensez vous que vos discours discours nous charment ? qui feroient vomir une furie. Quoy croyez-vous que nous croyons les productions de vostre imaginations, vos combats, vos pillages ? helas vous avez esté plus battus à la cuisine qu'à la guerre. Il vous semble que vous nous intimidez par vos discours fantastiques. Helas vous pouvez seulement vous faire peur, & empuantir l'air de vostre haleine, comme fait un dragon qui sort d'un marests, & porte la peste & la mort par tout ou il vole. Ces nobles actions auront des recompenses propotionnées à leur grandeur, elles ont leur fondement dans l'air, jugez quel doit estre le vostre. Quoy vous parlez de batailles ? vostre mine me fait pitié, plustost que peur. Vous parlez de canons ? le seul bruit d'un seroit capable de vous faire mourir six fois. Vous parlez de cavalerie ? ouy fort bien vostre rangs doit estre entre les chevaux legers. Vous parlez de dangers ? prenez garde que le seul souvenir de danger ne vous ravisse le courage, & vous fasse mourir. Vous vantez vostre adresse ? mais c'est à fuyr. A quoy bon tant de discours malfaits, qui ne font que laisser une meschante opinion de vous dans l'esprit de ceux qui les escoutent. Ils ressemblent à ces ampoulles faittes de savon & d'eau, qui semblent belles à ceux qui les font, mais qui ne laissent que de la boüe & de l'ordure dans les mains de ceux qui les reçoivent.



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