Mandement de Monseigneur l'Evêque et Comte de Lisieux qui ordonne des prières pour le repos de l'âme du roi.- Lisieux : Mistral, [1774].- 6 p.
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Mandement de Monseigneur l'Evêque et Comte de Lisieux Qui ordonne des prières pour le repos de l'Ame du ROI

Jacques-Marie de Caritat de Condorcet, par la grace de Dieu, & du Saint Siege Apostolique, Evêque & Comte de Lisieux, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, &c. Au Clergé Séculier & Régulier, & à tous les Fideles de notre Diocese, Salut & Bénédiction en notre Seigneur.

Le Ciel, mes très chers Freres, a été inflexible à nos voeux. Nos prieres, nos gémissements, nos larmes, n'ont pu obtenir la guérison du ROI. Il n'est plus. Le Seigneur l'a appellé à lui, après l'avoir purifié par les souffrances d'une cruelle maladie. La patience qu'il y a fait éclater, son empressement à demander lui-même, de bonne heure, les Sacrements de l'Eglise ; les sentiments de foi & de piété avec lesquels il les a reçus ; sa résignation à la mort ; son héroïque fermeté à l'envisager ; les assurances qu'il a voulu être données, de sa part, que si Dieu prolongeoit ses jours, il les emploieroit à protéger la Religion, à faire fleurir la piété, à soulager les Peuples & à les rendre heureux : tant & de si édifiantes dispositions, en nous faisant tout espérer de la divine miséricorde pour ce Prince, doivent redoubler nos regrets de l'avoir perdu.

C'est à sa seule modération, que nous devons, M.T.C.F. cette longue paix dont nous avons le bonheur de jouir. Les conquêtes rapides qui avoient précédé & suivi ses victoires, ne le séduisirent jamais. L'Europe admira avec quelle grandeur d'ame il en fit le sacrifice entier, pour rétablir la tranquillité des Nations. Son affabilité, sa douceur, sa bonté lui gagnoient tous les coeurs. Mais pourquoi, en vous retraçant ainsi ses qualités aimables, venons-nous augmenter votre douleur ! Ne sait on pas que le Peuple François, lorsqu'il perd son Roi, n'a besoin que d'être consolé ? Hé ! quelle plus grande consolation le Seigneur pouvoit-il nous donner, qu'en nous préparant de loin, pour succéder au Trône, un Prince formé dès sa plus tendre enfance, par les mains d'un Pere qui étoit la vertu même, dont les leçons, ainsi que les exemples, ont été l'exacte regle qu'il a toujours suivie.

Nous pourrions, M.T.C.F. vous rappeller mille traits qui caractérisent la rectitude d'esprit & de coeur de notre jeune Monarque, sa prudence, sa fermeté, sa sagesse, son amour pour l'ordre, son attachement à ses devoirs, son respect pour Dieu & pour la Religion, sa compassion pour les malheureux, sa piété filiale : &, pour vous donner un exemple bien touchant de l'héroisme où il a porté cette dernière vertu, il nous suffira de vous dire, que, pénétré du danger où il voyoit le Roi, & cherchant tous les moyens d'intéresser le Ciel en sa faveur, il recourt aussi tôt aux prières des Pauvres, qu'il sait être si agréables à Dieu, ordonnant qu'on verse dans leur sein une somme de deux cents mille francs, qu'il veut qu'on prenne sur sa cassette & sur celle de son Auguste Epouse, si on estime que l'Etat puisse en être surchargé.

Dans ce seul trait que de vertus ! que de sentiments admirables ! & que ne devons-nous pas attendre d'un Prince qui sait sentir & penser de la sorte ! Issu de saint Louis, c'est-à-dire, du plus grand de nos Rois, il s'en montrera digne : la Religion environnera son Trône ; elle en fera le plus ferme appui. La justice & la bonté seront assises à ses côtés ; il jettera un coup d'oeil favorable sur ceux qui sont fideles à Dieu, & regardera d'un oeil sévere les impies, dont les principes & les crimes se montrent avec scandale.

Seigneur, Dieu des Vertus, ordonnez à vos Anges de le garder dans toutes ses voies : qu'il régne sur nos derniers neveux : que son nom surpasse celui de nos plus grands, de nos plus saints Monarques : que l'Auguste Princesse que vous lui avez donnée pour compagne, fasse toujours le bonheur de ses jours, comme elle fait les délices de ses sujets : qu'il sorte de leur union des Rejettons qui leur ressemblent : & que leur Empire soit, dans les Annales de la France, une époque mémorable par sa gloire & par sa durée.

A CES CAUSES, pour nous conformer aux pieuses intentions de SA MAJESTE, pour remplir le devoir de notre Ministere, & celui que nous imposent la reconnoissance, le respect & l'amour dont nous étions pénétrés pour notre Auguste Monarque après en avoir conféré avec nos vénérables Freres les Doyen, Chanoines & Chapitre de notre Eglise Cathédrale ; Nous ordonnons que le 24 du présent mois, après les Vêpres du jour, on dira, dans notredite Eglise, les Vigiles ; & que le lendemain 25, immédiatement après la Messe du jour, on fera un Service solennel pour le repos de son Ame : que le Clergé Séculier & Régulier de la Ville & Fauxbourgs se trouvera à l'un & à l'autre ; & que les Corps qui ont coutume d'y assister, y seront invités : qu'il sera fait ensuite, à la même intention, au jour le plus prochain de la réception de notre présent Mandement, & le plus convenable, un Service également solennel dans toutes les Paroisses de notre Ville Episcopale, des autres Villes & Bourgs de notre Diocese, ainsi que dans toutes les Communautés Séculieres & Régulieres : & que dans chaque Eglise Paroissiale de la Campagne, il sera célébré par le Curé une Grand'Messe, à laquelle les Fideles seront invités d'assister, pour unir leurs prieres à celles des Ministres du Dieu vivant. Nous enjoignons enfin à tous les Prêtres Séculiers & Réguliers, de dire chacun une Messe Basse, & à toutes les Religieuses de notre Diocese, de communier une fois pour la même intention.

Si mandons à nos Doyens Ruraux, & autres qui en sont chargés, d'envoyer incessamment notre présent Mandement à tous Abbés, Prieurs, Couvents, Communautés, Curés, Desservants, & autres Supérieurs des Eglises, se disant Exempts ou non Exempts, tant de notre Ville Episcopale & Fauxbourgs, que du reste du Diocese, à ce que lesdits Supérieurs des Eglises & Communautés aient à y satisfaire, & lesdits Curés & Desservants, à le publier au Prône de leur Messe paroissiale.

Donné à Lisieux, dans notre Château des Loges, les seize du mois de Mai mil sept cent soixante-quatorze.

J.M. Ev. de Lisieux.

Par Monseigneur

NAUDIN.

[annexe]

LETTRE DU ROI

Mons. l'Evêque de Lisieux, le Roi, mon très-honoré Seigneur & Ayeul, vient de mourir. La piété & la fermeté qu'il a marqué pendant sa maladie, sont la suite des graces que le Seigneur a bien voulu lui faire pendant son Regne, & qu'il lui a continuées jusqu'au dernier moment. Il eût été à souhaiter que sa vie eût été aussi longue, qu'elle a été remplie de gloire & de modération, & qu'elle m'eût donné le temps d'acquérir l'expérience nécessaire pour lui succéder : mais la Divine Bonté en a autrement disposé. Je ne peux, dans l'état où il est, lui donner d'autres preuves de mon respect, de ma tendresse & de ma reconnoissance, que celle d'implorer pour lui la Miséricorde infinie, & joindre mes prieres à celles de mes Sujets, pour demander à Dieu le repos de son ame. Ainsi je vous écris cette Lettre, pour vous dire, qu'aussi-tôt que vous l'aurez reçue, vous fassiez faire des Prieres publiques dans l'étendue de votre Diocese, & que vous ayez à convier, à celles qui se feront à votre Eglise, les Corps qui ont accoutumé d'assister à ces sortes de cérémonies : & m'assurant que vous exciterez, par votre exemple, le zele & la piété de tous mes Sujets de votre Diocese, je prie Dieu qu'il vous ait, Mons. l'Evêque de Lisieux, en sa sainte garde. Ecrite à Versailles le 10 Mai 1774. LOUIS. Et plus bas. BERTIN. Et au dos est écrit. A Mons. l'Evêque de Lisieux.


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