RUEL, Georges.- Un vieux logis à Honfleur.- Rouen : Impr. Lecerf fils, [s.d.].- 3 p-1 f. de pl. : ill. ; 32 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (18.VIII.2005)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : norm 1487) qui porte ces notes manuscrites : « Don de M. Daussy, Lisieux 14 mai 1944. Etienne Deville » ; « Restauration malheureuse. F. Cottin ». Marque d’Etienne Deville. 
 
UN VIEUX LOGIS
A
HONFLEUR
par
Georges Ruel

Page de titre (426 ko)

HONFLEUR, autrefois « la rude et maîtresse place de guerre » « refuge de pirates et de hardis marins », maintenant la calme et sympathique petite ville aimée des peintres et des touristes, est devenu, sous l'action énergique de la société Le Vieux Honfleur, le centre du mouvement traditionniste en Normandie.

C'est à l'influence de cette Société, et grâce à la bonne volonté d'un propriétaire ami des arts, M. Maurice Duchemin, secondé par un jeune architecte au talent averti et consciencieux, que nous devons la conservation et la restauration de la curieuse demeure que reproduit notre planche hors texte (1).

L'oeuvre de résurrection a été complétée par une notice où M. Ch. Bréard, l'historien si documenté sur tout ce qui touche au passé de sa ville natale, a rappelé de pittoresque manière les souvenirs qu'évoque le Vieux Logis (2) :

« Si, comme au pays des fées et des enchanteurs, notre Vieux Logis avait une voix, il dirait d'un ton fier qu'il date de loin, qu'il a été dans la seconde moitié du XVIe siècle la demeure d'un officier, Pierre de Chauvin, qui, en qualité de capitaine de deux compagnies de gens de pied, puis de mestre de camp, c'est-à-dire de colonel, avait guerroyé dans le pays de Caux avec les troupes de Henri IV. Les époques de guerre passées, l'officier s'était fixé à Honfleur et y avait organisé des expéditions maritimes.....

« Chauvin ne fit point de découvertes. Ses navires furent employés à poursuivre un but mercantile..... Il avait vu qu'au milieu des forêts canadiennes il y avait chemin pour le commerce et voie pour les marchandises. On sait aujourd'hui qu'il ne s'était pas trompé, et on place ce hardi navigateur au nombre des premiers colonisateurs du Canada. C'est pour conserver la mémoire de son nom, et celle des Français qui, les premiers, ont atteint les rives du Saint-Laurent, qu'une plaque commémorative a été apposée sur le Vieux Logis ». Cette plaque porte une inscription ainsi conçue :

ICI, AU XVIe SIÈCLE,
PIERRE DE CHAUVIN, SIEUR DE TONNETUIT,
CAPITAINE DE LA MARINE ROYALE,
LIEUTENANT GÉNÉRAL AUX PAYS DE CANADA,
CÔTE DE L'ACADIE
ET TERRE DE LA NOUVELLE FRANCE,
MORT EN L'AN 1603,
FAISAIT SA DEMEURE.

Quels ont été les hôtes les plus marquants du Vieux Logis ? M. Ch. Bréard cite le marquis de la Roche, chef et conducteur d'une entreprise de colonisation restée célèbre, organisée à Honfleur ; Dupont-Gravé et Pierre du Guast, sieur des Monts, qui, en l'an 1600, accompagnèrent Chauvin dans un de ses voyages au Canada ; et il ajoute : « Riche en souvenirs, le Vieux Logis peut nous donner beaucoup. Le poste est bon pour y observer la variété des hommes qui s'y assemblaient et qui rêvaient d'échanger, avec des peuplades vivant dans l'état sauvage, des bimbeloteries européennes contre des dents de morse, des peaux de castor et des jambons d'ours. L'évocation de la vie du Vieux Logis aurait plus  encore d'intérêt si l'on pouvait s'arrêter sur le temps où y séjourna le plus illustre de ses hôtes. Nous voulons désigner Samuel Champlain. »

Le fondateur de Québec vint en effet à Honfleur, en 1603, pour organiser une nouvelle expédition au Canada. En cette même année mourait Pierre de Chauvin.

Que devint sa demeure ?

Le vieux Logis, avant (439 ko)
De nos jours, elle était encore habitée par des marins ; mais la pluie tombait à travers son toit, ses fenêtres sans vitres laissaient passer le vent, et de ses colombages disjoints tombaient les hourdis humides : le Vieux Logis semblait près de sa ruine complète.

Cependant, de sa richesse passée subsistaient quelques témoins : des fragments de profils, une fenêtre, à panneaux de verre, à balustres et à petits volets, encore garnie de nombreuses ferrures de formes amusantes ; une porte à parchemins plissés, une cheminée à hotte en pierre et manteau en bois porté sur deux colonnettes de proportions trapues. Sous la chaux, dont on avait peint les solives et les entrevous, on découvrit des semis de fleurs de lys et de gracieux ornements dans le goût des nielles de Petit-Bernard. Enfin, l'on savait par des pièces d'archives que Pierre de Chauvin prêta pour décorer l'Hôtel des Echevins, lors d'une visite de Henri IV à Honfleur, les cuirs basanés qui décoraient sa demeure.

Le Vieux Logis après (391 ko)

De tous ces documents, notre confrère C. Colignon sut tirer parti, et sa restauration du vieux logis honfleurais, sobrement conçue, habilement exécutée par de bons entrepreneurs, peut, en son genre, être considérée comme un modèle.

G. R.


Notes :
(1) Cette maison date de la fin du XVIe siècle, et fut probablement construite pour Pierre de Chauvin.
(2) Revue France-Amérique. - Octobre 1911.

retour
table des auteurs et des anonymes