DEVILLE, Etienne (1878-1944) : Honfleur.- Paris : H. Laurens, 1923.- 64 p. : ill. ; 18 cm.- (Memoranda. Les Visites d'Art).

Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (30.XI.2010)
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HONFLEUR
par
Etienne Deville

~*~

I. – HISTOIRE DE HONFLEUR

Honfleur, Honnefleu, comme on disait jadis, c’est un repli charmant de la côte sur la baie, à la fois à la fin de la Seine et au commencement de la mer.

Bien que des antiquaires se soient efforcés de lui attribuer une origine romaine en plaçant sur son sol l’antique Noviogamus (1), Honfleur n’a pas encore retrouvé ses titres de noblesse.

L’historien et le héros de la guerre des Gaules parle fréquemment des Lexoviens, mais ne dit pas un mot de Honfleur, dont la position avantageuse à l’embouchure de la Seine dût cependant faciliter l’établissement d’un village, simple refuge pour les pêcheurs à son origine.

Au XIIIe siècle, Honfleur était déjà un centre important puisque quatre églises s’élevaient sur son territoire et, en 1204, lors de la réunion de la Normandie à la couronne de France, son nom figure parmi les villes dont la reddition est accomplie.

Ce n’est qu’à partir de 1346 qu’on peut suivre l’histoire de Honfleur. Cette année, les troupes d’Edouard III le prirent et le pillèrent. Ce prince vint s’y embarquer avec ses enfants, le 19 mai 1360, après la conclusion du traité de Brétigny. A peine avait-il quitté le rivage qu’Honfleur devint la proie d’une de ces compagnies franches dont les armées étaient alors composées, bandes de pillards habitués aux déprédations et aux ravages que la guerre semblait alors autoriser. Ce ne fut qu’à force d’argent que la ville parvint à s’en libérer.

Deux armements qu’y fit Yvain le Gallois, en 1372 et 1373, contre Guernesey et La Rochelle, témoignent de l’importance maritime que la ville avait acquise.

En 1387, alors que Charles VI songeait à une descente en Angleterre, une flotille anglo-flamande s’étant présentée à la rade, fut détruite par les marins du port et l’amiral Hugues Spencer qui la commandait fut fait prisonnier. Ces mêmes marins eurent l’honneur d’une victoire complète sur les Anglais en face de Plymouth. Ces succès ne devaient pas tarder à avoir leurs revers !

En 1417, Henri V étant débarqué à l’embouchure de la Touques, envoya le comte de Salisbury mettre le siège devant Honfleur qui ne possédait qu’une faible garnison. Cette poignée de braves tint pourtant en échec l’armée anglaise pendant cinq semaines, supportant un siège poussé avec énergie par une armée victorieuse. Le 20 avril, les murailles étant ruinées, l’ennemi emporta la place et ne fit aucun quartier aux habitants qui furent, ou passés par les armes, ou expulsés ou rançonnés.

Honfleur resta entre les mains des Anglais pendant trente-deux ans. Ce ne fut seulement qu’en 1450 que Charles VII, qui se trouvait alors à l’abbaye de Grestain, envoya, le 19 janvier, le comte de Dunois investir la ville. Les attaques furent poussées avec une telle vigueur que la garnison ouvrit les portes le 18 février suivant.

Olivier de Clisson, Charles d’Albret, Armagnac furent les héros des combats aux XIV et XVe siècles et c’est au large de Honfleur, sous le commandement du grand sénéchal de Normandie, Pierre de Brézé, qu’a été joué le dernier acte de la guerre de cent ans. Une ère heureuse s’ouvrit alors pour les honfleurais ; « madame Jehanne de France admiralle », Ango, Louis de Bourbon, faisaient partie de la confrérie maritime dite de la « Charité Notre-Dame » et ces noms voisinaient sur le matrologue avec ceux des obscurs artisans et manouvriers.

Sous Louis XI, Honfleur prit parti pour les princes contre le roi dans la guerre du Bien public ; le monarque oublia cette injure et, en 1465, se trouvant dans la ville, prenant en considération la misère et pénurie de ses « bonnes gens de Honnefleu », leur vint en aide pour la réparation des fortifications en les dispensant même de la taille. Dix ans plus tard, visitant l’enceinte, s’intéressant vivement au développement de la cité, il ne se faisait pas faute d’imposer ses « grands amis » pour subvenir aux réceptions du roi de Castille, de Léon et de Portugal et du duc de Bourbon.

Charles VIII séjourna quelques jours à Honfleur en 1487. A deux reprises différentes, en 1490  et 1494, la ville était tenue de fournir au roi des sommes importantes pour subvenir aux frais de la conquête du royaume de Naples.

Avec le XVIe siècle, revient une nouvelle ère de prospérité : en 1503 Binot Paulmier, sieur de Gonneville, commence ses grands voyages de découvertes continués et poursuivis par le capitaine Denis qui aborda le premier sur la côte de Terre-Neuve.

En 1517, le port était tellement obstrué que « les bourgeois de Honnefleu furent contraints à présenter requêtes pour demander secours d’hommes » afin de les aider dans les travaux de dévasement qu’ils ne pouvaient seuls entreprendre. A cette époque, l’amiral de France, Bonnivet, était capitaine de Honfleur.

Viennent les guerres de religion, ce sont alors des calamités sans nombre qui s’abattent sur la ville. De 1562 à 1594, Honfleur subit quatre sièges et six pillages ; les luttes épiques entre catholiques et protestants, surtout dans le quartier Saint Léonard, appauvrissent et ruinent la malheureuse cité.

Le dimanche 26 avril 1562, toute la bourgeoisie de la ville qui avait embrassé la Réforme, ayant à sa tête un nommé Chaudet, qualifié de capitaine, s’empara de Honfleur et en chassa le gouverneur. Ce ne fut pourtant pas sans lutte qu’ils l’emportèrent ; les habitants du faubourg Saint-Léonard soutinrent un siège en règle dans le clocher de leur église. Les agresseurs se virent bientôt contraints de battre en retraite devant Claude de Lorraine, duc d’Aumale, récemment nommé lieutenant-général de Normandie lequel, sous prétexte de délivrer Honfleur, s’y logea avec ses troupes et y vécut à discrétion. Cotigny s’en rendit maître de nouveau, en 1563, mais ses troupes ne purent y demeurer plus de trois mois.

Pendant les guerres de la Ligue, Honfleur fut successivement pris et repris par les catholiques et les royaux et chaque fois, pillé et brûlé.

La paix de Vervins, en 1598, mit fin à ces déplorables exactions.

Depuis ce moment, la ville n’a plus à subir d’aussi regrettables événements et c’est alors que, reprenant leurs courses aventureuses, suivant les exemples de leurs devanciers, les marins honfleurais volent vers de nouvelles conquêtes. Le 13 mars 1603, Samuel Champlain part pour le Canada. En 1608, il fonde la ville de Québec et conduit dans la suite les diverses expéditions qui partirent de Honfleur pour ce pays durant les premières années du XVIIe siècle.

A la même époque, d’autres navigateurs se dirigeaient vers les Indes orientales, notamment le capitaine Lelièvre qui revint avec une riche cargaison après avoir établi de nombreuses relations commerciales à Java et à Sumatra. En 1619, le capitaine Beaulieu, faisant le même voyage, arriva à Madagascar, aux îles Tricon et à Achem. Un de ses lieutenants, Pierre Berthelot, devint lui-même un habile navigateur. Entré ensuite dans l’ordre des Carmes, il fut fait prisonnier par le sultan d’Achem, qui le fit massacrer en 1638. Léon XIII a béatifié le moine-marin dont Honfleur s’honore à juste titre.

En 1620, Augustin Beaulieu partit de Honfleur avec trois bâtiments et 273 hommes d’équipage et relâcha à Madagascar. C’est la dernière expédition des marins honfleurais avant la création de la Compagnie des Indes, en 1642, qui établit au Havre ses comptoirs et ses armements.

Dès les premières années du XVIIIe siècle, le commerce de Honfleur avait pris un tel accroissement que le port fut ouvert à la navigation avec les colonies à l’instar des autres grands ports.

Louis XIV avait en vue de grands projets pour Honfleur et Colbert fit transformer en bassin à flot le fossé Sainte-Catherine, réparé et agrandi de 1720 à 1725. Enfin des lettres-patentes autorisèrent la création d’un nouveau bassin en 1786.

Bonaparte, premier consul, vint à Honfleur le 8 novembre 1802 et passa plusieurs heures à parcourir la ville et le port, pour juger des améliorations dont cette place était susceptible. Il donna une certaine impulsion à ses chantiers de construction, mais le port resta négligé par les gouvernements qui se succédèrent jusqu’en 1837. L’avant-port fut agrandi sous la direction de l’ingénieur Tostain, en 1848 et un troisième bassin à flot fut livré à la navigation en 1860.

Le mouvement commercial du port de Honfleur est considérable, surtout en ce qui concerne les bois, et ses chantiers sont réputés. L’exportation : beurre, fruits, oeufs, volailles à destination de la Grande-Bretagne est également très importante.

Les marins honfleurais furent en grand renom. Lorsqu’une paix salutaire permit aux spéculateurs de tourner leurs regards vers un trafic avantageux avec les pays lointains ; lorsque la recherche d’une route plus facile, avec les Indes, répandit dans le monde le goût des aventures et des grandes entreprises, ce fut à des marins honfleurais « maistres experts dans le mestier de la mer », suivant l’expression du Grand Routier, publié en 1483, que les négociants français vinrent demander des pilotes.

Rappeler les noms de Paulmier de Gonneville, Jean Denis, Despineville, Berthelot, Lelièvre, Doublet, Beaulieu, l’amiral Hamelin, les Motard et Le Thuillier, c’est évoquer tout un passé de gloire, mais ce n’est pas tout encore.

Il y a, dans le caractère ancien de Honfleur, dans toute la tradition tenace de sa vie maritime et normande, dans toute l’ambiance de cette nature puissante et merveilleuse de la mer et du sol, il y a une vertu inspiratrice pour les artistes, une tentation sans trêve pour les peintres.

Aussi la vieille cité des aventureux navigateurs d’autrefois est-elle aujourd’hui tout ensemble une école de peintres honfleurais et une colonie de peintres venus d’ailleurs, d’enfants adoptifs, conquis par sa beauté, par ses spectacles éducateurs et tentateurs du pinceau.

Saint-Siméon, d’abord simple maison champêtre, avant de devenir l’hôtel à la mode, fut, pendant plus de quarante ans, le rendez-vous des artistes, surtout des peintres. Isabey fut un de ses premiers familiers avec sa Vue de la plage de Honfleur, exposée au salon de 1827 : Garneray, Paul Huet, Daubigny, Français, Ménard, Sauvageot, Achard, Troyon, Courbet et beaucoup d’autres, ont passé à Saint-Siméon, qui fut peut-être le berceau de l’école honfleuraise dont les plus brillants représentants : Boudin, Hamelin, Dubourg, Marais, Renouf, Voysard, Margerie et Léon Le Clerc sont les dignes continuateurs de cette phalange artistique.

Honfleur est une cité privilégiée entre toutes, car elle peut encore revendiquer l’économiste Le Play, l’historien Albert Sorel, l’humoriste Alphonse Allais et les poètes Henri de Régnier et Lucie Delarue Mardrus.

En cherchant bien, on en trouverait encore : Pierre Le Boutiller, auteur du XVe siècle ; l’orfèvre Taisson, auteur d’un curieux traité d’alchimie, publié en 1584 ; le graveur Alix ; l’aéronaute Romain, mort avec Pilâtre de Rozier, en traversant la Manche ; le député à la Convention Taveau et le maréchal Chauvel.


II. – LES ÉGLISES

Au XIIIe siècle, Honfleur possédait quatre églises au vocable desquelles le peuple avait ajouté des surnoms distinguant leurs emplacements, c’étaient Sainte-Catherine des Bois, Saint-Etienne des Prés, Notre-Dame des Vases et Saint-Léonard des Champs.

Il n’en subsiste que deux aujourd’hui : Sainte-Catherine et Saint-Léonard.

L’église Notre-Dame, entièrement disparue, passait, au témoignage des historiens du début du siècle dernier, pour un monument très intéressant. Nous ne le connaissons que par des textes très imprécis qu’aucun dessin ne vient malheureusement corroborer. Elle se trouvait dans la partie nord de la ville ; le rempart n’étant pas encore construit, les vases s’étendaient tout près d’elle, d’où son surnom de Notre-Dame des Vases. Le nom de cette église n’apparaît pas dans les textes avant la fin du XIIe siècle.

On présume que l’église Saint-Etienne, dont la tradition désigne l’emplacement dans la rue des Prés, fut la première qui existait pour la population groupée dans un village sur le bord de la rivière nommée la Claire.

C’était la plus ancienne église, celle dont le titulaire fut plus tard revêtu de la dignité de doyen. Le premier document qui en fasse mention est une charte du XIe siècle, qui peut se placer entre 1055 et 1060, portant donation de cette église à l’abbaye de Saint Ouen de Rouen ecclesiam Sancti Stephani de Hunnefloth. Elle fut abandonnée en 1432 et le culte fut transporté dans la petite chapelle encore existante qui fut alors agrandie. Sa construction paraît en effet appartenir à deux époques. Les murs latéraux, bâtis en grand appareil, sont soutenus par des contreforts peu saillants. La première travée n’offre aucune ouverture, excepté au midi, où l’on aperçoit les vestiges d’une petite porte à arc surbaissé. Chacune des trois autres travées est percée d’une fenêtre à remplages flamboyants. La dernière travée et le chevet, à pans coupés, offrent de larges ouvertures à plein cintre entourées de moulures. Le portail, flanqué de deux contreforts sur les angles, est percé d’une fenêtre à remplage également flamboyant. C’était dans Saint-Etienne que les capitaines revenus de la pêche de la morue, rendaient le pain bénit.

Cette église est aujourd’hui la propriété de la Société du Vieux Honfleur qui y a installé son musée.

Eglise Sainte-Catherine. – Placée à la jonction des principales voies antiques aboutissant à Honfleur, l’église actuelle de Sainte-Catherine en remplace une autre dont la construction remontait aux premiers temps de la période romane. Son nom ne se rencontre dans aucun document ancien, mais des découvertes archéologiques, faites en 1872, permettent de lui attribuer une haute antiquité. Faut-il, comme l’ont prétendu certains historiens, faire remonter la destruction de la première église au siège de Honfleur par le comte de Salisbury, en 1418 ? Quoi qu’il en soit, elle fut reconstruite au milieu du XVe siècle, d’une façon très originale, par les vieux maîtres charpentiers honfleurais.

Certainement unique en son genre, Sainte-Catherine offre un très curieux spécimen de la construction en bois appliquée à un édifice religieux. Ce grand vaisseau de bois, avec ses voûtes soutenues par des piliers de chêne, semble « une carêne renversée de navire revenu des mers océanes inconnues, retourné sens dessus dessous et amarré définitivement sur le quai » suivant la pittoresque comparaison de Léon Le Clerc.

Primitivement, elle ne comprenait qu’une nef, celle du nord, flanquée de collatéraux. Plus tard, elle fut agrandie et embellie, du consentement du seigneur de Roncheville, et devint ce que nous la voyons aujourd’hui : deux nefs jumelles terminées par deux absides à pans coupés, flanquées de collatéraux.

Au début du siècle dernier, elle fut odieusement défigurée par des plâtrages qui masquaient toute la charpente ; les maîtresses poutres de la nef furent noyées dans le plâtre de façon à simuler des colonnes et la façade ouest défigurée par un affreux portail de style grec qui la déshonore encore.

Dès 1869, la question de la restauration de Sainte-Catherine fut envisagée, mais ne put être effectuée qu’en 1881. L’Annuaire normand de 1887 (p. 162-170), a décrit les travaux qui furent alors opérés, travaux qui ont rendu à ce curieux monument son véritable caractère artistique et assuré sa solidité pour longtemps.

Avec ses colombages, ses poutres, ses sablières largement moulurées, ses anges décorant les potences des arcades, Sainte-Catherine se rattache aux vieilles maisons de bois ses contemporaines. Le petit porche sud ne manque pas d’élégance avec ses piédroits délicatement ouvrés de rinceaux appartenant à la Renaissance.

On voit dans cette église certaines oeuvres d’art qui ne manquent pas d’intérêt. C’est d’abord un petit lutrin en cuivre, travail de ciselure remontant au XIIIe siècle, et un autre, de date plus récente, dont le socle triangulaire représente des scènes de la vie de sainte Catherine.

Dans le sanctuaire, deux grands tableaux, justement appréciés, attirent l’attention : le premier représentant le Portement de la croix, est une oeuvre d’Erasme Quellin le Vieux ; l’autre, Jésus au jardin des Oliviers, par Jacques Jordaens dont la signature J. Jord. F. 1654, se lit, à gauche, près des apôtres endormis. Ces deux tableaux sont dus à la munificence de Louis Le Chanteur qui, entré dans l’administration de la marine en 1784, profita de son séjour à Anvers en 1809, pour y faire l’acquisition de magnifiques tableaux. Plusieurs de ces toiles remarquables ornent l’église de Saint-Pierre Azif, paroisse natale de Le Chanteur (2). Un autre tableau, représentant sainte Catherine, passe pour une oeuvre de Zurbaran.

Un rétable et des statues en bois polychrome du XVIIe siècle complètent le mobilier de cette église si pittoresque.

La boiserie de l’orgue est digne d’attention ; elle offre de petites arcatures à pilastres renfermant chacune une statue en pied jouant d’un instrument. Cette balustrade, qui appartient au XVIe siècle, ne semble pas être à sa place primitive.

L’orgue, qui passe pour un des meilleurs de la région, a été construit en 1772 par les frères Lefèvre, célèbres facteurs rouennais ; le souvenir de deux grands artistes se rattache à cet instrument.

En 1778, Grétry vint à Honfleur pour y rétablir sa santé altérée. Il y reçut l’hospitalité chez Mme Rolland, femme de l’ingénieur alors chargé du service du port. L’organiste de Sainte-Catherine Panseron s’offrit à Grétry en qualité de secrétaire. Sa proposition ayant été acceptée, Panseron écrivit, sous la dictée du maître, les deux opéras l’Amant jaloux et les Evénements imprévus, représentés en 1778 et 1779.

Ce fut pendant le séjour de Grétry que le célèbre Desmazure, organiste de la cathédrale de Rouen, donna dans l’église Sainte-Catherine une de ces auditions dont il était si avare. C’était le jour de la Pentecôte ; Grétry et Desmazure luttèrent, le premier avec son génie de compositeur, le second avec son talent d’organiste. On assure que les deux maîtres n’oublièrent jamais l’accueil cordial qui leur fut fait, Grétry surtout n’en parlait jamais sans attendrissement.

Devenu l’ami de Grétry, Panseron quitta l’orgue de Sainte-Catherine et suivit son maître à Paris, où il devint organiste à Notre-Dame de Lorette. Conduit par le souvenir de son père et de Grétry son premier professeur, Auguste Panseron devenu à son tour professeur au Conservatoire, vint à Honfleur le 26 septembre 1834. Sa première visite fut pour l’orgue que son père avait fait longtemps résonner. Il y improvisa quelques-unes de ses plus délicieuses mélodies.

Le clocher de Sainte-Catherine est complètement détaché de l’église dont il est séparé par une petite place. Tous les artistes le connaissent et l’on reproduit à l’envi, ce clocher si amusant de lignes. C’est une tour en bois surmontée d’une flèche, le tout ardoisé, posé sur un large soubassement en colombages formant la maison du sonneur, avec une grande porte au linteau en accolade décorée de sculptures.

Ce qui achève de donner une apparence hétéroclite à ce clocher si original, déjà si pittoresque dans son entourage de vieux toits, ce sont quatre poutres qui l’étayent obliquement sur chaque face, des béquilles partant du toit de la maison et recouvertes d’ardoises comme la tour.

La cure de Sainte-Catherine était autrefois à la nomination de la puissante famille des seigneurs Roncheville.

EgliseSaint Léonard. – Le nom de cette église n’apparaît dans les textes qu’à partir de la fin du XIIe siècle.

De l’édifice primitif, il ne subsiste rien, les guerres des XIVe et XVIe siècles lui causèrent de tels ravages, qu’il fallut le reconstruire en partie au XVIIe siècle. La prise de la ville par les Anglais, en 1357, les luttes avec les calvinistes, en 1562, et enfin le siège mémorable, dont l’historien Davila nous a retracé les opérations, furent très préjudiciables à ce monument. Placé sous le feu des canons de Henri IV, mis en batterie sur le versant de la côte Vassal, il devint un véritable théâtre de combats.

Un pignon gothique appartenant au XVIe siècle, à la décoration élégante et aux statues mutilées, a été surmonté au XVIIIe d’un clocher octogone dont la lourdeur ne s’harmonise nullement avec le style du portail. Divisé en deux étages, percé à sa base d’ouvertures carrées garnies d’évents, il est agrémenté, dans chacun des huit pans, de fenêtres à cintres surbaissés, décorées de cartouches emblématiques. Une calotte hémisphérique percée d’oeils-de-boeuf, coiffée d’un petit toit, lui sert de couverture.

L’église se compose d’une nef flanquée de collatéraux se terminant en chapelles à la naissance de l’abside. L’intérieur n’offre pas un grand intérêt. Les murs ont été badigeonnés d’une façon déplorable et les tableaux qui les décorent ne méritent pas une description.

A remarquer pourtant, dans le choeur, un beau lutrin en cuivre de style rocaille, oeuvre des frères Béatrix, fondeurs à Villedieu, en 1791, et une inscription obituaire, encastrée dans le mur du collatéral nord, rappelant que les frères Marais ont contribué à l’achèvement de cette partie de l’édifice.


III. – LA CHAPELLE DE GRACE

C’est au sommet de la côte de Grâce dominant Honfleur, sur un plateau ombragé d’ormes plusieurs fois séculaires, que s’élève la chapelle, objet d’un pèlerinage célèbre en Normandie. Elle se dresse petite, menue « comme un beau petit manoir d’été, ronde et basse, face au large entre les arbres du plateau, foncés au-dessus des pelouses claires, parc seigneurial. Un autre arbre : le calvaire et son Christ, lequel tourne le dos à l’horizon pour pouvoir regarder les humains (3) ».

C’est une des plus anciennes chapelles de marins dressées sur les falaises, signal d’espérance et point de repère pour la coquille de noix ballottée par les vagues, cruelles mangeuses de matelots.

La fondation de ce sanctuaire se rattache à un souvenir historique : la tradition rapporte que, vers l’an 1034, Robert le Magnifique faisant voile vers l’Angleterre fut assailli par une violente tempête et qu’au plus fort du danger il promit de fonder trois chapelles dédiées à Notre-Dame, s’il revenait sain et sauf dans ses États. La tempête ayant cessé, le prince put continuer sa route et, dès son retour en Normandie, s’empressa d’accomplir son voeu : Notre-Dame de Grâce fut une des trois chapelles fondées par le fastueux duc.

Elle fut d’abord desservie par des chapelains désignés par le fondateur et ne tarda pas à devenir un lieu de pèlerinage très fréquenté. Le premier document authentique se rapportant à cet oratoire sont des lettres patentes de Louis XI, du 28 janvier 1478, par lesquelles il donnait cette chapelle à la collégiale de Notre-Dame de Cléry.

Un violent tremblement de terre, survenu le 29 septembre 1538, fit écrouler la chapelle et engloutit la partie de la falaise sur laquelle s’élevaient les dépendances. Seul un pan de muraille, un autel et une statue de la Vierge restèrent debout. La dévotion populaire était si grande que de nombreux pèlerins continuaient à venir près de ces débris, sans se rendre compte du danger qu’ils couraient, les éboulements ne s’arrêtant pas.

Afin d’éviter les accidents, on finit, en 1602, par enlever les derniers vestiges du sanctuaire ruiné et on s’occupa de sa reconstruction.

L’édifice actuel fut élevé grâce aux offrandes de Mademoiselle de Montpensier, comtesse de Roncheville et dame de Honfleur, et grâce aussi aux libéralités des habitants de la ville ainsi qu’en témoigne une inscription placée à l’entrée extérieure de la chapelle.

Les Capucins, appelés à Honfleur sur l’invitation du gouverneur Etienne de La Roque, la desservirent jusqu’en 1791. A l’époque de la tourmente révolutionnaire, les honfleurais s’efforcèrent de la sauvegarder ; leurs efforts ne purent empêcher les regrettables déprédations dont le sanctuaire fut alors victime.

A l’époque du Concordat, l’oratoire fut rendu au culte et désormais un chapelain y fut attaché.

Longue serait la liste des personnages qui visitèrent la chapelle depuis cette époque : prélats, pèlerins de marque et d’obscure condition.

Par une froide matinée de février 1848, alors que les vents d’hiver ébranlaient les arbres qui gémissaient autour de la petite chapelle, une femme pauvrement vêtue, belle encore quoique au déclin de l’âge, vint s’agenouiller devant la Vierge de Grâce. Elle entendit la messe, communia et quitta la chapelle après une longue prière. Personne ne l’avait remarquée à cette heure matinale. De ce front qui s’inclinait venait de tomber une couronne : Marie-Amélie fugitive était venue confier à la Mère de douleurs ses dernières espérances avant de partir pour l’exil.

Depuis ce moment, la chapelle de Grâce a retrouvé l’éclat des anciens jours. Chaque année, depuis les cérémonies du couronnement de la Vierge (15-20 juin 1913) des manifestations, toujours imposantes, commémorent le souvenir de ces solennités si chères aux honfleurais. Il faut avoir assisté à ces fêtes pour se faire une idée de leur majestueuse simplicité, se déroulant dans un décor grandiose ayant comme fond la mer lointaine.

La chapelle de Grâce, construite au XVIIe siècle, a la forme d’une croix latine que précède un petit porche pittoresque couvert en dôme. Une tour à campanile le surmonte et, de chaque côté, deux bas-reliefs représentant l’Annonciation et la Visitation de la Vierge.

L’intérieur n’offre pas à l’archéologue de grands sujets d’étude, à l’artiste des oeuvres à admirer, pourtant l’ensemble de la chapelle, sombre et mystérieux, a quelque chose de calme et de reposant. Des verrières historiées ont remplacé les panneaux de verre blanc qui répandaient une lumière trop crue, et leur coloration, fraîche et gaie comme les peintures des vieux missels, anime et réchauffe l’ambiance de crypte qui tombe de la voûte très surbaissée.

Sa décoration est toute dans ses ex-voto : « plaques de marbre, petits bateaux suspendus, bouteilles-fées remplies par un minuscule trois-mâts gréé comme les vrais, tous cadeaux offerts par les rescapés des longs courriers revenant de Terre-Neuve et même par les simples pêcheurs de cette baie de Seine qu’on a nommée tragiquement le cimetière des navires (4) ».

La statue de la Vierge miraculeuse, couronnée d’or, de diamants et de pierres précieuses, occupe un pan coupé du croisillon du côté de l’évangile. Recouverte d’un voile de riche dentelle ou vêtue de soie brodée, elle attire tout de suite les regards, par le luminaire sans cesse renouvelé qui brûle à ses pieds.

C’est Elle en effet l’Etoile de la mer qui déferle ses vagues houleuses jusqu’au pied de la colline.

Quelle colline admirable que ce cap dominant l’embouchure de la Seine dans le large estuaire sillonné de navires et de barques de pêche, limité à l’horizon par la longue ligne de falaises verdoyantes aux belles cassures blanches, remontant, de ressaut en ressaut, jusque vers les tours orgueilleuses du castel des sires de Tancarville !


IV. – LES MAISONS ANCIENNES ET AUTRES MONUMENTS

Une vieille gravure anonyme nous montre sous un large blason « de gueules à la tour donjonnée d’argent, accostée de deux fleurs de lys d’or au chef cousu de France », une civitas Honflorii vraiment bien pittoresque.

Pour évoquer le souvenir du vieux Honfleur du XVIe siècle, il suffit de parcourir le quartier Sainte-Catherine qui a conservé, dans bon nombre de ses rues, de très anciennes demeures se recommandant surtout par le pittoresque de leur construction. Les rues Varin, des Lingots, de l’Homme de bois, font toujours le bonheur des aquafortistes qui ne manquent jamais de s’inspirer de leurs perspectives folles et de leurs clairs-obscurs sans transition.

Les maisons de bois de Honfleur sont moins riches d’ornementation que celles de Lisieux ; à part quelques-unes où les larges sablières décorées de rageurs et de torsades, soulignent et accentuent les encorbellements, ce sont de simples colombages dépourvus de potelets et de tournisses qui constituent toute la structure des vieux logis.

On trouve bien, çà et là, quelques sculptures frustes, un écusson bûché, un motif en partie effacé, mais il faut les découvrir au hasard dans une ruelle ou quelque cour perdue. Les maisons de Honfleur sont plus curieuses que belles, plus mal bâties que bien alignées, offrant les nuances foncées du bois vermoulu ; elles attirent et retiennent l’attention par l’assemblage de leurs pièces de bois en saillie, cachant le plus souvent leurs façades sous un sombre revêtement d’ardoises qui produit un effet singulier pour des yeux accoutumés à ne voir cette couverture que sur les toits.

S’il plait au promeneur d’errer dans la rue Haute et d’en examiner les vieilles constructions, qu’il veuille bien se reporter au temps des courses sur mer et qu’il soit assuré que chaque habitation évoque un souvenir, que de chacune d’elles sont sortis des marins lesquels, obscurément, mais non sans mérite, ont servi notre pays depuis cinq siècles sur ses flottes ou dans ses colonies. Ici, les maisons serrées les unes contre les autres, sont moisies, crevassées, délabrées ; ailleurs, elles sont à l’aise dans des cours pavées en cailloux de grève, construites en silex noir, surplombées par des galeries dont la solidité inspire un sentiment d’inquiétude.

Cette rue était jadis protégée par des murailles, que des travaux de remblai ont fait disparaître ; le fameux « cordon royal » s’y voyait encore il y a quelques années.

Malgré les transformations, ce quartier ne manque pas d’intérêt ; le touriste y trouvera toujours de quoi satisfaire sa curiosité, surtout s’il prolonge sa promenade jusqu’au phare de l’Hopital. Il parvient alors en face d’un paysage toujours le même depuis des siècles : la grève naturelle.

« Là, le sable est incrusté, le sable est farci de méduses rondes, glauques, lumineuses, verreries inquiétantes. La vase qui devient la mer ; les barques de pêche qui ont l’air, à toutes voiles de glisser sur la vase ; les reflets longs dans la vase désolée ; l’estuaire ; et, devant, la verdure normande qui descend, qui, retenue par une palissade de bois, déborde pourtant jusque sur la grève, jusque sur la vase ; à deux pas, le port, les rues, tout cela hybride, tout cela trouble et lucide, sain et malsain, énergique et mou, positif et halluciné, tout cela, brume vaporeuse et forte saumure, herbages et marécages, ville et campagne, barques mortes et barques vivantes, tout cela forme l’âme, l’âme profonde, rare, insoupçonnée de ce pays si connu, si méconnu... (5) ».

C’est là, au pied de la côte de Grâce, sur le bord de la mer, que fut édifié, vers 1530, un établissement modeste destiné à secourir les malheureux. Ses débuts furent très difficiles et la Maison-Dieu demeura dans un état de gêne pendant plus d’un siècle. La chapelle, anciennement sous le vocable de saint Firmin, a été remaniée au XVIIe siècle. Elle a conservé un tableau ancien, une Descente de croix qu’on attribue à Philippe de Champaigne.

L’ensemble des constructions de l’Hôpital forme un petit groupe très pittoresque, étant donné sa situation « hors la porte de la Grande Rue près la Roque » lisons-nous dans un ancien document.

Les vieilles maisons du quai Sainte-Catherine sont célèbres, et c’est assurément cette agglomération de demeures étroites et hautes, carapacées d’ardoises, qui constitue la physionomie la plus originale de Honfleur. Ce sont elles qui frappent l’esprit du touriste, de l’artiste ; ce sont elles aussi qui ont vu la vieille marine, les navires de jadis à hautes carênes et poupes si curieusement décorées.

Quand on examine le plan de Gomboust, dressé en 1662, on constate que deux portes donnaient accès dans la ville : la porte de Rouen, disparue vers 1682, lors des premiers aménagements du port ordonnés par Colbert et la porte de Caen, connue aujourd’hui sous le nom de Lieutenance.

Ce nom de lieutenance lui vient de ce que les bâtiments qui la surmontaient furent affectés, de 1684 à la Révolution, au logement du lieutenant du roi. C’est l’un des derniers vestiges des fortifications que le XIVe siècle vit élever ; « fantasque barraque avec ses bouquets d’arbustes accrochés aux murs massifs, débris des remparts ; son jardinet suspendu entre les pignons superposés ; son mélange de pierres grises et de briques effritées ; sa voûte et sa bonne Vierge à manteau de mousseline empesée à diadème de chrysocale, au bouquet de fleurettes toujours renouvelées (6) ».

Telle qu’elle se présente aujourd’hui ce n’est plus qu’un massif d’épaisses murailles dont l’ensemble a perdu tout caractère : pâté de maisons écornées et entaillées en avant desquelles s’ouvre une vieille porte flanquée de deux échauguettes sous un grand comble. Une niche romane pratiquée au-dessus de la porte abrite une statue ancienne de la Vierge vénérée sous le nom de Notre-Dame du Port. Retrouvée dans une cave en 1861, cette image a été restaurée et remplacée solennellement dans sa niche le 3 mai 1863.


V. – LES MUSÉES

1° Le Musée municipal. – En 1869, le peintre Alex. Dubourg, d’accord avec la municipalité, installa dans la salle des mariages, à l’Hôtel de Ville, une collection de 40 tableaux dont 20 avaient été prêtés par la ville de Rouen, ce fut l’origine du musée de Honfleur.

Douze années furent employées à remplir la salle qui lui avait été primitivement affectée ; il fallut alors songer à un agrandissement. Des salles furent aménagées dans les combles de l’Hôtel de Ville et furent inaugurées en 1886, lors du congrès de l’Association normande.

La ville de Rouen ayant réclamé ses tableaux, le vide causé par leur départ fut bientôt comblé par de généreux donateurs, au nombre desquels il convient de citer le baron Alphonse de Rothschild et Paul Leroi, rédacteur de la revue l’Art, qui enrichirent les collections honfleuraises d’oeuvres qui ne sont pas sans valeur.

Après la mort de Dubourg, survenue en 1892, la conservation du musée fut confiée au peintre Léon Le Clerc sous la direction duquel les collections furent considérablement augmentées. En 1899, elles avaient rempli complètement les cinq salles qui leur avaient été assignées.

Le musée de peinture est maintenant installé dans l’ancienne chapelle des Augustines, rue Boulard, monument sans style, construit vers 1840, permettant une mise en valeur et un classement méthodique des oeuvres. L’école honfleuraise y est brillamment représentée par des artistes comme Boudin, Cals, Dubourg, Hamelin, Marie Coignet, Renouf, Voysard-Margerie, Léon Le Clerc.

Peinture. – Bassano. Jésus chez Marthe et Marie. - Bertin. Vue d’Italie. - Boudin. Portrait de Boudin père ; Nature morte, poissons ; Etude à Anvers ; le village de Fervaques ; Vue de Trouville. - Bourdon (Sébastien). Saint Sébastien. - Cals. Portrait de jeune homme. - Court. Portrait du général Heymès. - Dubourg.  Assemblée de village ; la Jetée de Honfleur ; Un fumeur ; Jeune paysanne au repos ; Portrait ; Marché Sainte-Catherine. - Frechon. Le chemin de l’école, effet de neige. - Hamelin. Vieux marin ; la Moulière ; Intérieur de cabaret. - Iwill. Dans la dune. - Kug. Le père Morel. - Le Clerc. Le vieux bassin à Honfleur ; Vapeur charbonnier dans le port. - Marais. Paysage ; au Retour. - Mettling. Portrait du peintre Eug. Boudin. - Mignard. Portrait d’homme. - Rame. Eglise de Canon. - Renouf. Le pont de Brooklyn ; sur la digue à Guernesey. - Ribot. Vieille normande. - Tattegrain. Vérotières au petit jour. - Van der Faes. Portrait de jeune fille. - Van Dyck. Tête de Vieillard. - Voysard-Margerie. Septembre. - Vollon. Portrait de Mme D.... - Zucarelli. L’ange et Tobie.

Dessins. – Augustin. Portraits. - Bida. Vénitienne. - Boudin. Œuvres diverses. - Clouet (Ecole de François). Claude de Lorraine duc de Guise ; Marguerite de France. - Dubourg. Œuvres diverses. - Nitty (de). Portrait.

Sculpture. – Coutant. Eros. - Descat (Mme). Abel.

2° Le Musée régionaliste du « Vieux Honfleur ». – Ce musée, créé vers 1897, est la manifestation par excellence de la vitalité de la Société normande d’Ethnographie et d’art populaire Le Vieux Honfleur, fondée l’année précédente par Léon Le Clerc. C’est au centre même de la ville, parmi le grouillement des maisons vétustes, mirant leurs charpentes dans les eaux d’un bassin creusé par Vauban, que sont venues s’abriter les collections de cette société. Les locaux font partie intégrante du quartier : une église de pierre, un logis de bois, un charmant manoir et une prison rébarbative.

L’Eglise, c’est Saint-Etienne, devant la façade de laquelle continuent, comme autrefois, de s’amarrer les bateaux ; sur les bancs de son porche viennent, ainsi que leurs ancêtres, deviser les marins.

A peine êtes-vous entré dans l’intérieur de ce sanctuaire, que la religion du passé et le culte du souvenir vous saisissent tout entier. La coquette église est devenue le Panthéon honfleurais et certes, les grands hommes n’y manquent pas. Dans les pans coupés de l’abside scintillent des verrières rappelant les exploits des marins de la noble cité, encadrant un grand rétable Louis XIV sculpté et doré. Tout près se dressent les bustes du corsaire Jean Doublet, l’ami et l’émule de Jean Bart ; du commandant de vaisseau François Motard, un héros de la Révolution ; de son fils l’amiral baron Motard, l’un des meilleurs chefs d’escadre de l’Empire ; de l’amiral baron Hamelin qui s’illustra par son voyage d’exploration autour du monde ; de Chauvel, décoré à Austerlitz et qui prit part à 104 batailles ; de l’armateur Lacoudrais ; du constructeur de navires Augustin Normand ; de l’économiste Le Play. A côté se trouvent les portraits peints de Jean de Vienne, premier gouverneur de Honfleur ; de Pierre Berthelot, pilote royal des Indes ; du marquis de Matharel dernier gouverneur de Honfleur. Des inscriptions lapidaires conservent le souvenir des prouesses des plus fameux voyageurs que citent avec orgueil les fastes de l’histoire maritime de Honfleur. Ça et là, de petites navires en miniature, de diverses époques et de tous les genres, depuis l’humble barque jusqu’au vaisseau de haut bord. Aux murs, des peintures, dessins et estampes offrant des vues de Honfleur, collection iconographique de tout premier ordre. A l’entrée, la vieille cuve baptismale travaillée au XVIe siècle ; des inscriptions et des statues du moyen âge ; et aux entraits fleurdelysés des charpentes sont accrochées les anciennes bannières corporatives.

La Société du Vieux Honfleur a réalisé son musée d’une façon très vivante. Elle ne s’est pas contentée de réunir des objets ; elle a voulu les replacer dans leur véritable cadre, reconstituant des intérieurs qui frappent bien plus l’esprit des visiteurs que la classification la plus savante.

C’est ainsi que l’on voit successivement la boutique d’un marchand, avec un étal sur rue, où sont entassés les produits les plus divers : étoffes, rubans, broderies, fichus, ustensiles domestiques, poteries, vanneries.

La maison d’un bourgeois, l’atelier d’un artisan et la demeure d’un marin, reconstitués avec une fidélité scrupuleuse, vous permettent d’admirer de fort belles collections d’objets d’art décoratif de la contrée : céramique du Pré d’Auge, bahuts, coffrets de mariage, panneaux, armes, costumes, vastes houppelandes, habits brodés et pailletés, gilets fleuris, uniformes militaires, mantes brochées, corselets rigides, cotillons de droguet, châles et mouchoirs multicolores, bonnets et coiffes, dentelles, bijoux régionaux de Rouen, de Caen et de Saint-Lô, chasubles, chaperons et statues des XVIe, XVIIIe siècles.

A remarquer, dans la cour de la prison, au rez-de-chaussée du manoir Vigneron (transporté de Lisieux à Honfleur) la sépulture, avec tous ses accessoires, d’une femme, tourneuse en boutons au XVIIIe siècle.

Ajoutons enfin que le Vieux Honfleur a fondé, en 1902, l’école des marins de la Basse-Seine, dont l’importance s’accroît chaque jour davantage.

Honfleur est devenu une ville essentiellement maritime. Ce sont des bateaux et des bassins encadrés dans un superbe moutonnement de verdure, un entassement de vieilles maisons et un fourmillement de matelots au pied d’une côté admirable ; des voiles de pêcheurs qui frissonnent, des tubes de steamers qui soufflent de la fumée, des poulies qui grincent, la vague qui clapote au bout des longues jetées, une odeur de poisson qui monte.

Plus encore que l’activité de son commerce, la richesse de ses vallées, le charme des coteaux qui l’entourent et les souvenirs du passé qui se dégagent de cette ville privilégiée, attirent et retiennent les touristes, séduits par ce merveilleux enchantement : la poésie de la nature, la poésie de la mer !


NOTES :
(1) Voir notamment A. de Ville d’Avray, dans Annuaire Assoc. normande, 1887, p. 117-161.
(2) Voir Abbé Brunet. Notice sur l’origine des tableaux flamands de Saint-Pierre-Azif dans Bull. Soc. hist. de Lisieux, n° 18, 1910, p. 13-32.
(3) Lucie Delarue-Mardrus. L’Ex-voto, p. 1.
(4) Lucie Delarue-Mardrus. Loc. cit., p. 31.
(5) Lucie Delarue-Mardrus. Loc. cit., p. 17-18.
(6) Albert Sorel. Pages normandes, p. 258.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :
Annuaire Association normande, 52e année, 1887, in-8. – Catalogue des peintures du musée de Honfleur, Honfleur, s. d., in-8. – Compte rendu des fêtes du couronnement de N.-D. de Grâce, 15-20 juin 1913, in-8. – Normandie illustrée, t. II. p. 50. – BALLÉ (G.), L’organisation municipale et les finances de Honfleur sous l’ancien régime, Paris, 1909, in-8. – BRÉARD (Ch.), Les églises de Honfleur, dans La Normandie monumentale. Calvados, t. II, p. 204 ; Le Vieux Honfleur et le Cordon royal, dans Le Pays normand, t. I, p. 33 ; Le quartier du Vieux Honfleur, loc. cit., II, p. 123 ; Les Archives de la ville de Honfleur, Paris, 1885, in-8 ; Les marins honfleurais, 1884, in-8 ; Vieilles rues et vieilles maisons de Honfleur, 1900, in-12 ; Essai bibliographique sur Honfleur et son canton, 1913, in-8. – BRÉARD (Paul), Coutume et Prévôté de Honfleur, dans Bull. Soc. hist. de Lisieux, n° 7, p. 5. – CATHERINE (A.), Histoire de la ville et du canton de Honfleur, 1864, in-8. – CAUMONT (DE), Statistique monumentale du Calvados, t. IV, p. 323. – DALIBERT (abbé), Eglise Sainte-Catherine, recherches sur ses origines, 1887, in-8. – DECHAUME (P.), La ville et les gens de Honfleur au XVIIe siècle, Paris, 1910, in-8. – LABUTTE (A.), Essai sur Honfleur, 1840, in-8. – LAVERGNE (Claudius), Notice historique sur la chapelle N.-D. de Grâce, 1865, in-12. – LE CLERC (Léon), Le Musée du Vieux Honfleur, dans Le Pays normand, t. II, p. 113 ; Honfleur et ses Musées, dans Annuaire Assoc. normande, 1904, p. 355. – MASSELIN (abbé), Honfleur et N.-D. de Grâce, Caen, 1917, in-8. – RUEL, Notes biographiques et bibliographiques, Caen, 1886, in-8. ; Notes historiques et archéologiques sur la ville de Honfleur, 1891, in-8. – THOMAS, Histoire de la ville de Honfleur, 1840, in-8. – VATEL (abbé), Notice historique sur l’ancienne et la nouvelle chapelle de N.-D. de Grâce, Honfleur, 1833, in-12.

PLANCHES :

Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches
Vue générale de Honfleur.
Vue prise vers la côte de Grâce.
Le vieux bassin.
Le quai Sainte-Catherine.
Vieilles maisons du quai Sainte-Catherine
(Lithographie de Jean-Charles Contel).
Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches
Le port.
Arrivée du bateau du Havre.
Vieilles maisons Rue Varin.
La rue de l'Homme-de-Bois.
La rue Gambetta.
La Lieutenance et le vieux quai.
Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches
La Lieutenance.
Le phare de l'Hôpital.
Eglise Sainte-Catherine.
Façade sud ; Portail occidental
Eglise Sainte-Catherine. Les deux absides.
Le clocher de l'église Sainte-Catherine.
Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches
Eglise Sainte-Catherine.
Intérieur. Statues.
Eglise Sainte-Catherine. Statues.
Eglise Saint-Léonard. Façade ouest
Eglise Saint-Léonard. Détail du portail.  Intérieur.
Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches
Chapelle Notre-Dame de Grâce.
Vue sur la mer : Côte de Grâce.
Porche et Façade de l'ancienne église
Saint-Etienne
Un coin du vieux bassin et le musée du Vieux Honfleur.Autour du Vieux Honfleur
(Dessins de Léon Le Clerc).
Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches Deville-Honfleur-Planches
Musée du Vieux Honfleur, rue de la Prison
Musée du Vieux Honfleur Musée du Vieux Honfleur
Deville-Honfleur-Planches

Musée du Vieux Honfleur




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