CLÉRY, A. : L’Hélicoplane Paul Cornu  (1909), [précédé de] L’Hélicoptère Paul Cornu (1908)
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (20.III.2007)
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 31 bis GF) du numéro d'avril 1908 de La Revue lexovienne illustrée, et de février 1909 de La Revue illustrée du Calvados publiées à Lisieux par l'Imprimerie Morière.

L’Hélicoptère Paul Cornu

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Couv. de la Rev. Lex. Illustrée (Avril 1908) - [644 ko]

Au mois de juillet 1906, MM. Cornu et fils exposaient dans le préau du Collège de Lisieux, au moment de l’Exposition des Beaux-Arts, ouverte à l’occasion des grands concours agricole et horticole, un appareil d’aviation des plus curieux.

Depuis longtemps, les habiles mécaniciens, qui comptent parmi les représentants les plus distingués de l’aéronautique, poursuivaient leurs recherches de perfectionnement et d’application pratique de l’intéressante découverte de M. Paul Cornu.

Le jeudi 4 octobre 1906 eurent lieu, en présence d’une centaine d’invités, les premiers essais concluants de l’appareil installé à l’ancienne usine Gillotin.

Le Lexovien du 6 octobre donnait de cet appareil une photographie que nous reproduisons et qui permettra de se rendre compte, par la comparaison avec l’hélicoptère de 1908, des perfectionnements réalisés par l’habileté et la volonté du jeune inventeur.

L’appareil de 1906 se composait, comme on le peut voir, d’un moteur à pétrole de 2 chevaux. Un cylindre actionnait par une courroie unique deux hélices de 2 m. 25 de diamètre tournant en sens inverse. Le châssis était formé d’un tube d’acier de 30 millimètres de diamètre et de 5/10 de millimètre d’épaisseur, armé par des cordes à piano. Les hélices et les plans inclinables disposés sous ces dernières pour recevoir l’air refoulé par elles et assurer l’avancement de l’appareil, sont de toile tendue sur des armatures en tubes d’acier de 2/10e et soudés à l’étain.

La transmission, brevetée, était obtenue par courroie plate d’un seul bout et c’est à cette disposition que les inventeurs attribuaient le bon rendement de leur appareil. Le poids de ce dernier en ordre de marche était de 13 kilog. 750.

La sustentation était obtenue quand les hélices atteignaient 30 tours à la minute ; à ce moment le moteur développait 1 cheval ½. L’avancement horizontal était obtenu par les deux plans en toile placés sous les hélices ; le courant d’air refoulé par les hélices agissant sur ces plans, on obtenait en moyenne une poussée de 2 kilog. suffisante pour le déplacement de l’appareil à 20 kilomètres à l’heure.

Les expériences faites ont été des plus concluantes. L’appareil s’est élevé verticalement, de ses propres forces, à une hauteur de trois mètres. Les plans ayant été inclinés, l’appareil a franchi horizontalement, sans arrêt et sans heurt un cercle de 25 mètres environ.

La solidité du principe était victorieusement établie.

Depuis ces essais, M. Paul Cornu s’est préoccupé d’agrandir les dimensions de l’appareil de façon à permettre l’enlèvement d’un poids équivalant où à peu près à son propre poids. Il a modifié certaines parties, sans altérer le principe même, a multiplié les essais pendant plus d’une année avec une rare ténacité et a opéré plusieurs ascensions dont la réussite l’a décidé à convier toutes les personnes qui s’intéressent à ses travaux et le soutiennent de leur concours à venir se rendre compte des résultats obtenus.

Les nouvelles expériences de l’hélicoptère transformé, que représente notre gravure, ont eu lieu le jeudi 26 mars à l’usine de Goulafre, propriété de M. Duchesne-Fournet, au Breuil, en présence de plus de deux cents personnes.

L’appareil, complètement modifié, repose sur deux paires de roues : il se compose d’un bâti d’une longueur de 6 mètres en tubes armés de câbles. Au centre se trouve le siège de l’aviateur et le moteur (Antoinette). Ce dernier, par une transmission spéciale (courroie plate), actionne deux hélices de six mètres de diamètre, fixées aux deux extrémités du bâti. Ce sont elles qui assurent la sustentation de l’appareil qui mesure 12 mètres de longueur.

Les organes de propulsion et de direction se composent de deux plans montés aux extrémités avant et arrière de l’appareil, immédiatement au dessous des hélices. Au moyen d’un levier, l’aviateur règle l’inclinaison de ces plans, la vitesse et le sens de la marche en avant ou en arrière ; un deuxième levier commande le déplacement latéral de ces mêmes plans qui font alors l’office de gouvernail, et permet de virer à droite ou à gauche.

Le poids de l’appareil, l’aviateur compris, est de 260 kilos.

La sustentation de l’ensemble est obtenue par la rotation des deux hélices à 90 tours par minute ; la propulsion s’obtient par réaction de l’air refoulé par les hélices sur les plans.

Au cours des expériences, M. Paul Cornu a donné des explications sur de très nombreux essais faits antérieurement et les ascensions de 1 mètre et 1 mètre 50 qui ont eu lieu. Les organes de l’appareil auxquels le constructeur avait donné une légèreté qu’il jugeait nécessaire, se sont, pendant ces essais multipliés, fatigués au point de ne pouvoir résister sans accidents à de nouveaux efforts.

L’appareil s’est élevé de trente centimètres et la propulsion se serait opérée très régulièrement si le vent assez fort qui soufflait n’eut pas contrarié la marche de l’appareil.

Il est utile de faire ressortir l’importance des résultats acquis au point de vue de l’aviation :

La surface portante de l’appareil étant de 6 mètres carrés, son poids, aviateur compris, de 260 kilos et la force dépensée de 12 chevaux, le poids soulevé par force de cheval est de 20 kilos et le poids soutenu par mètre carré de surface portante 45 kilos. Ces deux chiffres sont supérieurs à ceux obtenus jusqu’à ce jour et permettent d’espérer que l’on arrivera à réduire dans des proportions considérables le volume des hélicoptères - qui seront les véhicules pratiques de l’avenir.

Dès maintenant, les très sympathiques ingénieurs sont décidés à construire un appareil de même principe modifié suivant l’expérience, plus petit, plus simple encore et plus résistant, dont la construction exigera environ 4 mois.

Nous souhaitons à MM. Cornu et fils le succès le plus complet qui doit récompenser légitimement la haute intelligence, les patients efforts et l’habileté pratique d’un inventeur dont le nom mérite d’être inscrit parmi les glorieux promoteurs de l’aviation.

L'appareil en 1906 - M. Paul Cornu, inventeur de l'hélicoptère - (363 ko) L'Hélicoptère Paul Cornu (413 ko)


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Nos inventeurs
L’Hélicoplane Paul Cornu
par
A. Cléry


M. Paul Cornu, dont les lecteurs de la Revue connaissent les intéressants travaux dans la recherche des meilleurs moyens d’aviation, poursuit avec une inlassable persévérance ses études et ses expériences.

Il vient de construire un appareil dans lequel sont combinés les systèmes de l’aéroplane et de l’hélicoptère, appareil présentant sur l’aéroplane simple l’avantage de pouvoir s’élever du sol verticalement sans appareils ni roues de lancement.

Nous sommes heureux de pouvoir reproduire les clichés démonstratifs du nouvel appareil de l’inventeur qui a été exposé au Salon de l’Aéronautique en décembre dernier, et aussi la biographie que consacre à notre compatriote M. A. Cléry, dans le n° 9 de 1908, de la revue technique de la locomotion aérienne : l’Aérophile.


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PAUL CORNU

M. Paul Cornu (314 ko)

Né à Glos-la-Ferrière (Orne), le 15 juin 1881, Paul Cornu est l’aîné d’une famille de travailleurs intelligents, qui ne comptait pas moins de 15 enfants. Le grand-père et le père de notre aviateur étaient de ces esprits ingénieux et originaux, plus fréquents en France qu’ailleurs, qui suppléent aux études spéciales, par l’intuition et par la vivacité de leur imagination mécanique. Son père, notamment, a construit plusieurs couveuses électriques et établi dès 1884, un projet de dirigeable qui présente plusieurs analogies avec certains dispositifs du Zeppelin.

Héritier de ces aptitudes, Paul Cornu se trouva  tout naturellement encouragé par sa famille lorsque se dessina sa vocation de mécanicien-praticien.

Etabli constructeur et représentant de cycles et autos à Lisieux, où il est bien connu et estimé des nombreux chauffeurs parisiens qui roulent vers la côte normande, le démon de l’invention ne tarda pas à le tenter à son tour. Son bagage, déjà considérable, est des plus intéressants.

En 1899, en collaboration avec son père, il construit et brevète un rotatif à pétrole et en 1902, un tricycle à vapeur avec système d’alimentation automatique. En 1901, il avait exposé seul, au Salon de l’automobile, un moteur à pétrole à course de piston variable, breveté en Allemagne. Un an plus tard, il produit une horloge thermique et plusieurs appareils hydrauliques. La très curieuse voiturette à deux moteurs indépendants à ailettes, sans changement de vitesse ni différentiel, qu’il établit en 1904, en collaboration avec son père, intéresse vivement les spécialistes.

C’est en 1905, après avoir assisté au concours de petits modèles d’aéroplanes organisé à la galerie des machines par l’Aéro-Club de France que Paul Cornu, encouragé par son père, oriente ses recherches vers l’aviation, plus spécialement vers l’hélicoptère. En 1905, il prend un brevet pour un système de propulsion et direction pour hélicoptères, (brevet allemand) complété, en 1906, par un dispositif de transmission pour hélicoptère et un système pendulaire pour l’équilibre automatique des appareils d’aviation.

Entre temps, il construisait et essayait plusieurs appareils complets pour en arriver à ses démonstrations publiques de 1906, avec un petit modèle d’hélicoptère muni d’un moteur de 2 chevaux.

A la suite de ces essais réussis, Paul Cornu trouva parmi ses amis le concours financier qui lui permit d’exécuter l’hélicoptère à vraie grandeur dont il relatait dans notre dernier numéro, avec une si instructive probité technique, les récentes expériences en public.

Sans méconnaître, loin de là, les qualités de l’aéroplane, Paul Cornu demeure, on le sait, « hélicoptériste » convaincu. Peut-être un avenir qu’il s’efforcera de rapprocher lui donnera-t-il raison.

Quant à nous, nous considérions comme un devoir de faire mieux connaître, et partant mieux estimer à son mérite, l’oeuvre considérable de ce chercheur de 27 ans, isolé en province, loin de tout centre d’études et d’industrie, de tout conseil sinon de tout appui, aussi capable d’exécuter que de concevoir. Ce court passé, si bien rempli, dénote une intelligence et un caractère dont nous pouvons encore espérer beaucoup.
                           

A. CLÉRY.


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L’Hélicoplane Paul Cornu

Par les sensationnelles expériences auxquelles nous venons d’assister, notamment celles de W. Wright, l’aéroplane a fait preuve des qualités de premier ordre au point de vue pratique : jusqu’à présent nous n’étions pas partisans de ce genre d’appareil, mais l’aéroplane ayant fait preuve d’un grand pouvoir sustentateur, d’une grande vitesse de translation, d’une facilité de conduite et sécurité suffisante, qualités indispensables à tout véhicule aérien. Nous avons essayé de supprimer ses défauts en lui apportant les qualités spéciales à l’hélicoptère : c’est dans ce but que nous avons étudié l’appareil que nous allons décrire, qui offrirait cet avantage sur l’aéroplane ordinaire de pouvoir s’élever, évoluer et atterrir sur un terrain quelconque, cet appareil pouvant quitter le sol verticalement et se maintenir en l’air sans être obligé de soutenir une vitesse de translation rapide et constante.


Vue du mécanisme dans sa position de sustentation (179 ko) Vue du mécanisme dans sa position de propulsion (177 ko)
  

Description. - L’appareil ne présent rien de particulier au point de vue aéroplane, ses plans ont seulement été disposés de façon que le centre de poussée coïncide bien avec le centre de résistance, la partie nouvelle réside dans les hélices qui sont disposées de telle façon, qu’elles assurent d’abord la sustentation, puis la propulsion. Pour bien en comprendre le fonctionnement examinons une pale (e), le bras (d) qui la porte peut pivoter sur lui-même dans le moyen (a) : à l’extrémité de ce bras est fixé un petit levier (f) terminé par une sphère (g) s’engageant dans la gorge d’une poulie circulaire (h), cette poulie ne tourne pas, mais elle peut pivoter autour d’un axe horizontal (i), ce mouvement est commandé par l’aviateur au moyen de tringles et leviers tels que (k).

L'Hélicoplane Paul Cornu (250 ko)

Fonctionnement. - Supposons l’hélice en mouvement : si la poulie à gorge est maintenue dans une position horizontale, la sphère du petit levier suivra la gorge et tournera autour de la poulie sans aucun mouvement spécial : en conséquence la pale se comportera comme celle d’une hélice ordinaire à laquelle on aura donné l’incidence la meilleure pour la sustentation, elle donnera une poussée verticale contribuant à l’enlèvement de l’appareil, mais si l’on incline la poulie, l’hélice, tournant, la sphère du petit levier, pour suivre le gorge, devra s’élever pendant un demi-tour et s’abaisser pendant l’autre, ce mouvement de va et vient aura pour effet de faire pivoter le bras sur lui-même et d’augmenter ou diminuer l’incidence de la pale (ce mouvement peut être comparé à celui d’une rame, pendant son déplacement dans le sens de la marche elle présente sa grande face et prend point d’appui sur la couche liquide et pendant son mouvement de retour elle ne présente que la tranche, n’offrant ainsi aucune résistance) le pivotement de la pale se fait sans aucun à coup et la force dépensée pour obtenir ce mouvement sera presque nulle si l’on a eu soin de placer le bras au centre moyen des pressions de l’air sur la pale à ses différentes incidences : l’incidence de la pale étant bien plus grande pendant un demi-tour que pendant l’autre il en résulte deux réactions, perpendiculaires à l’axe de rotation, de sens opposés et de forces différentes ; c’est la différence de force de ces réactions qui constitue la poussée assurant la propulsion à l’appareil, de une vitesse proportionnelle à la différence d’incidence obtenue par l’inclinaison plus ou moins grande de la poulie à gorge. Si l’on incline la poulie en sens opposé, on renversera le sens des réactions, ce qui produira la marche en arrière de l’appareil ou, ce qui sera plus utile, le freinage dans la marche en avant : suivant le degré d’inclinaison des poulies le pouvoir sustentateur des hélices diminuera mais leur pouvoir propulseur augmentant en même temps l’appareil se déplacera horizontalement, les plans commenceront à assurer la sustentation : à 75 kilom. à l’heure, les plans contiendront à eux seuls le poids total et les hélices seront exclusivement propulsives.

Le poids de l’appareil grandeur réelle est de 400 kilogr. monté. Les deux hélices ont 6 mètres de diamètre : la surface totale des 4 pales est de 4 m. 2/5. Le grand plan a une longueur de 12 mètres et 1 mètre de large. La surface totale des plans, gouvernails et queue, est de 17 mètres. A 260 tours, les hélices soulèveront 400 kilogr. avec 45 à 50 H. P. ; la vitesse moyenne d’attaque de l’air par les pales est de 69 mètres à la seconde, soit 216 kilom. à l’heure (la vitesse périphérique est de 80 mètres à la seconde, soit 288 kilom. à l’heure), mais étant donné la faible surface d’air attaquée, il faut compter un recul de 50 % en moyenne, ce qui donnerait encore plus de 100 kilom. à l’heure.

Paul CORNU.

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