Pau Hervieu
Paul HERVIEU, romancier et dramaturge français né à Neuilly le 2 septembre 1857 et décédé à Paris le 25 octobre 1915.
Oeuvres principales : Diogène le chien (1882), Peints par eux-mêmes (1893), Les tenailles (1895), La loi de l'homme (1897),...
Les nouvelles présentées sur cette page sont extraites du recueil : Oeuvres de Paul Hervieu.-Paris : A. Lemerre, 1894.-265 p. ; 19 cm.
(notre exemplaire : 1 des 15 sur sur papier de Chine avec le portrait front. en double état)

Diogène le chien : "VERS l'an 412 avant l'ère chrétienne, Icèse, riche banquier de Sinope, ayant mené sa femme aux autels d'Ilithyie, devint père d'un jeune garçon. Il voulut l'appeler Diogène et fit valoir son droit. Sa femme aurait préféré le nom plus harmonieux d'Alcathoos ; mais elle fut bien forcée de reconnaître qu'elle n'était que la mère..."

L'Esquimau : "AU DELA du cercle polaire arctique et du 70e degré de latitude, non loin de l'Alaska, sur la mer Glaciale, se trouve le village d'Irgonok..."

Guignol : "DE son nom, il s'appelle Jean Varce. Bien que son âge soit d'une soixantaine d'années, avec sa taille d'un mètre dix à peine, ce n'est qu'un galopin étique, toujours lancé sur la grande voie, entre Aix et Grenoble, ou d'Annecy à Moutiers. L'opinion unanime de ses concitoyens a classé Jean Varce, dès sa prime enfance, dans la catégorie des idiots. Et les voituriers, les aubergistes, ceux de la montagne ou des vallées, reconnaissent de loin la tournure naine de ce squelette agile qui, sans y jamais déranger un atome de poussière, ne cesse d'arpenter l'étendue infinie des routes blanches..."

Prologue de l'incendie de Sodome : "LA lune étant pleine dans le signe du Cancer, une lumière limpide et souple inondait Tanis, la capitale choisie par l'Hiq-Sous vainqueur. Parvenue à l'apogée de son ascension nocturne et gardée par la constellation du Grand Chien, la divine Isis dormait dans le ciel pur. La lueur de son ventre arrondi par la fécondation d'Osiris illuminait, sur le bord des avenues, la barbe grise des sphinx de granit..."

Argile de femme : "Dès que Villevray a eu hérité de son père, il a donné sa démission d'inspecteur des Finances. Lorsqu'il a eu hérité de sa mère, il s'est marié avec la jolie Germaine de Courbières, dans un dépit de celle-ci qui avait été à moins de deux doigts d'épouser Saint-Arc. Quand Villevray a été installé en ménage, la première année, il a donné à Germaine un petit garçon ; la deuxième année, il y a ajouté une petite fille. La troisième année, ce fut une fausse couche. Et, maintenant, il ne saurait plus être, entre eux, question de quoi que ce soit qui pourrait renouveler rien de tout cela..."

Une scène de collège : "Son compte, je le lui réglerai pendant une récréation de midi, avant les congés de Noël !... Qui des deux avait, le premier, proféré cette menace ? Était-ce Grutch qui s'était ainsi exprimé à l'égard de Bonchon ? ou bien Bonchon à l'égard de Grutch ? Le propos, d'ailleurs, fut-il seulement tenu à l'origine par celui-ci ou par celui-là ? Quel témoin en aurait-on pu citer ?..."

La matrone adultère : "Un dimanche de juin, vers une heure de l'après-midi, ceci se passa dans un carrefour de mon quartier. Sans motif, je m'étais arrêté à l'angle d'un trottoir ; et, là, je m'employais à contempler tantôt le dallage environnant, tantôt les objets loin à gauche ou à droite, ayant conscience de ne rien attendre et de ne rien regarder précisément. Un bien-être régnait en moi par l'unique idée présente que j'étais libre de tout rendez-vous, de tout travail, de tout projet. Je venais de déjeuner, seul et frugalement. Je ne pensais à personne, ni même à moi. Je fumais. J'étais content..."

Attentat à la pudeur : "Un de mes premiers empressements lorsque j'eus revêtu la robe de stagiaire, fut d'en profiter pour assister à une audience de huis clos. Dans la grande salle de la Cour d'assises, où l'appareil de la justice donne impassiblement la question à des âmes humaines, nous étions une dizaine d'avocats, vieux ou jeunes, en apparence graves et sceptiques, au fond agités par les caprices de l'attente obscène qui sèche un peu la langue et met une lueur spéciale sous la paupière des plus hypocrites..."


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