BÉBIAN, Roch.-Ambr.-Auguste (1790-1839) : Éducation des sourds-muets mise à la portée des institutions primaires et de tous les parents : Prospectus d'édition.- Paris : Imprimerie de Béthune, [ca1826].- 8 p. ; 21 cm.
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ÉDUCATION DES SOURDS-MUETS MISE A LA PORTÉE
Des institutions primaires et de tous les parents ;
Méthode naturelle
Pour apprendre les langues sans traduction.
 
Par M. BÉBIAN,
 
ANCIEN CENSEUR DES ÉTUDES DE L'INSTITUTION ROYALE DES SOURDS-MUETS,
AUTEUR DU MANUEL D'ENSEIGNEMENT PRATIQUE DES SOURDS-MUETS, etc., etc.
 

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Prospectus

« Il faut adopter pour l'éducation du Sourd-Muet la marche que suit la mère qui apprend à parler à son enfant » : tel est le précepte que proclament tous les instituteurs. Mais quand, des vagues généralités de la théorie, nous descendons dans la pratique, nous ne trouvons pas qu'on se soit sérieusement mis en peine des conséquences de cet axiome fondamental. Après ce vain hommage rendu à un principe dont on n'a, peut-être, mesuré ni la portée ni les restrictions, chacun rentre dans le système qu'il s'en fait ; ceux-ci suivant un plan méthodique, ceux-là marchant à l'aventure, au jour le jour, attendant leurs inspirations du hasard des circonstances ; la plupart, à l'exemple d'un célèbre instituteur, déployant un fastueux appareil d'analyse, qui contraste et avec la faiblesse intellectuelle du jeune Sourd-Muet, et avec l'éducation maternelle qu'on propose pour modèle.

Dans le Manuel d'enseignement pratique (adopté et publié par le conseil d'administration et de perfectionnement de l'institution royale des Sourds-Muets), je me suis attaché à dégager la méthode de toutes les subtilités dont une fausse métaphysique l'avait enveloppée.

Ce n'était qu'un premier pas vers le but où tendent tous mes travaux. Cet ouvrage ne s'adressait qu'aux instituteurs ; et les Sourds-Muets sont en général trop pauvres pour trouver beaucoup d'instituteurs qui veuillent se vouer à un enseignement si pénible et si ingrat ; ils sont trop nombreux pour que le gouvernement puisse jamais songer à faire, pour tous, les frais d'une éducation qui ne coûte pas moins de quatre à cinq mille francs par chaque pauvre cordonnier, tailleur ou menuisier que forme l'Institution Royale de Paris. Ainsi l'instruction élémentaire, ce bienfait auquel tous les Sourds-Muets semblent avoir droit, comme à une dette sacrée de la société envers le malheur, n'a été jusqu'ici qu'une rare exception en faveur d'un petit nombre d'élus. Pour l'étendre à tous, il faut en réduire les procédés à une telle simplicité qu'ils puissent entrer dans l'enseignement des écoles primaires. C'est le vœu qui part de tous les cœurs, quand on considère la cruelle condition du Sourd-Muet dans la société ; vœu jusqu'ici stérile, souhait sans espérance, que nous entreprenons de réaliser. Si cette tentative paraît téméraire, c'est qu'on n'a pas assez de confiance dans l'intelligence de l'enfant. Les merveilles qu'elle opère sans cesse sous nos yeux attestent combien elle est active et puissante. Mais nous n'y prêtons pas plus d'attention qu'à la lumière du soleil qui nous éclaire tous les jours.

La parole, ce monument le plus prodigieux de la raison humaine, cet art si merveilleux, que beaucoup de philosophes n'ont cru pouvoir en expliquer l'institution que par l'intervention de Dieu même... l'enfant en possède le secret, il en fait un usage régulier et rationnel à un âge où on lui refuse encore la raison. Quel est le savant professeur, aux leçons de qui il a puisé cette admirable connaissance ? - Une Nourrice ignorante, institutrice improvisée et sans diplôme, dans l'enseignement le plus important.

Cette première éducation n'exige donc pas de bien grandes connaissances. Nous n'en demanderons pas beaucoup plus pour celle du Sourd-Muet. Seulement, comme l'écriture lui doit tenir lieu de la parole, il est nécessaire que celui qui veut le diriger, sache lire et écrire ; voilà tout. La Grammaire même n'est pas indispensable.

Il y a bien peu de familles dont l'un des membres au moins ne sache lire et ne puisse chaque jour sacrifier une heure, en deux fois, à l'éducation d'un fils ou d'un frère Sourd-Muet. Si une ignorance absolue ou la nécessité de subvenir aux besoins de chaque jour, ne laisse pas à certains parents cette satisfaction ; l'intérêt qu'inspire le sort des Sourds-Muets, et l'attrait de la bienfaisance éveilleront le zèle de plus d'une personne charitable. Quel est, dans les campagnes, le ministre de la religion qui ne s empresse de concourir à cette œuvre digne de l'esprit évangélique, quand il saura combien elle est facile ? Une expérience prochaine, publique, attestera, que le Sourd-Muet, muni du livre que nous publions, pourra avec avantage se rendre à l'école avec les autres enfans. Et ce ne sera pas celui de la classe qui donnera au maître ni le plus d'embarras ni le moins de satisfaction. Là, au milieu de ses jeunes camarades, qui auront bientôt appris son langage, il fera, sous la discipline d'une éducation commune, l'apprentissage de la vie sociale, à laquelle les Sourds-Muets restent trop étrangers dans les institutions spéciales, où ils sont comme sequestrés du reste du monde pendant tout le temps de leur éducation.

Si les Sourds-Muets se montrent souvent inférieurs aux autres enfans, ce n'est pas que la surdité affecte directement le principe des facultés intellectuelles ; mais cette infirmité, mettant celui qui en est atteint en dehors des relations sociales, condamne son entendement à une longue inaction qui paralyse ses forces.

Cette inégalité de longue date ne peut se corriger entièrement par une éducation tardive. Il faut la prévenir de bonne heure par des moyens d'instruction plus simples, appropriés à la force et au goût de l'enfant, et dont l'attrait stimule l'activité de son esprit.

Pour compléter cette éducation et effacer la dernière ligne de démarcation entre le Sourd-Muet et les parlants, il lui faut apprendre à articuler et à lire la parole dans le mouvement des lèvres. Nous exposerons aussi, dans le cours de cet ouvrage, les principes de cet enseignement qui n'est ni long ni difficile ; mais qui exigeant une grande patience et une attention continuelle, semble appartenir plus particulièrement aux attributions de la tendresse maternelle. Le succès dépend d'un exercice de tous les instants ; c'est donc surtout au sein de la famille et au milieu des parlants que cette partie essentielle de l'enseignement du Sourd-Muet produira les résultats les plus satisfaisants.

Le Sourd-Muet, même le plus pauvre, pourra donc, sans quitter sa famille, recevoir de bonne heure et sans frais, une instruction appropriée à sa position sociale. Et quand ce genre d'enseignement primaire sera devenu populaire, les grandes institutions comme celles de Paris (nous la citons comme le plus haut point de comparaison), où maintenant le cours des études ne répond pas même aux besoins d'un artisan, pourront, sous une direction convenable, se changer en écoles de perfectionnement, où l'éducation recevra les améliorations et le développement qu'on doit trouver dans un établissement royal.

Je ne me suis pas dissimulé les difficultés de l'entreprise où je m'engage ; mais j'y entre avec un puissant motif d'encouragement. Si, pendant quinze ans, au milieu d'entraves et de dégoûts de toute espèce, la constance de mes efforts ne s'est jamais démentie ; quel sera mon zèle aujourd'hui que j'ai à justifier les expressions de la plus auguste bienveillance dont mes travaux ont été l'objet, et qui en sont la première et la plus précieuse récompense !

Le Ministre de l'Intérieur (M. de Montalivet), appréciant l'utilité de mon travail, en a provoqué la publication, et a voulu la favoriser par une souscription. C'est grâce à ces encouragements que ce livre va être mis aux mains des Sourds-Muets. Je me suis déterminé à le faire paraître par livraisons, pour ne pas en différer l'application, et, en même temps, pour profiter des conseils et des observations que voudront bien m'adresser les instituteurs, les parents et les amis des Sourds-Muets. Je recevrai avec reconnaissance tous les avis, et même les critiques. Je compte sur l'assistance de quiconque a dans le cœur quelque sympathie pour l'humanité souffrante ; de quiconque porte un sentiment assez élevé de sa dignité d'homme, pour ne pas rester indifférent à la dégradation morale et intellectuelle de son semblable. Je craindrais de ternir la pureté de cet intérêt généreux, si, par un retour sur nous-mêmes, je faisais observer que personne n'est à l'abri de ce malheur pour les siens. La nature, dans ses rigueurs, ne fait acception du rang ni de la fortune. Qui est-ce qui peut dire que demain il n'aura pas à compter un Sourd-Muet parmi les objets de ses plus tendres affections ?

Mais il est une considération d'une toute autre nature qui doit rendre notre compassion sinon plus vive, du moins plus active.

D'après les relevés qui ont été faits dans diverses contrées, on porte le nombre des Sourds-Muets à un sur 1,800 ou 2,000 habitants. En Autriche, où les recensements paraissent avoir été plus exacts, on en compte un sur 1,000 ; dans le Tyrol un sur 500 ; et la proportion et encore plus forte dans certaines localités de la Suisse, et même de nos départements. On peut donc, sans exagération, évaluer le nombre des Sourds-Muets en France, à 18 ou 20,000, dont les neuf dixièmes au moins, privés de toute instruction, sont condamnés à traîner dans un profond abrutissement leur inutile et morne existence. Étrangers à nos usages, à nos institutions, à notre culte, à tout ce qui donne quelque prix ou quelque dignité à la destinée humaine, ils passent dans le monde comme à travers une vaste solitude. Ils ne semblent tenir à la société que par leurs passions, et n'ont aucun frein qui en modère les emportemens ; ils se trouvent livrés sans défense, à l'entraînement du vice, à la contagion de l'exemple et même aux sollicitations du besoin. Aussi ne se passe-t-il guère une session de la Cour d'assises, où l'on ne voie des Sourds-Muets traînés sur le banc des accusés pour venir expier quelqu'infraction à nos lois dont ils n'ont aucune idée. Là du moins leur malheur les protége, et la pitié fait fléchir pour eux l'inflexibilité de la justice. Le jury, appelé à prononcer sur leur sort, absout le crime de l'ignorance, et par l'acquittement de coupables avérés, il semble protester avec énergie contre l'abandon où languissent ces infortunés. Pour un mal qui paraissait au-dessus de tout remède, la pitié n'a eu jusqu'ici que des regrets stériles. Nous n'aurons plus, j'espère, à gémir long-temps sur un état de choses si affligeant. Si ma longue expérience, mon constant dévouement aux Sourds-Muets, peuvent inspirer assez de confiance à leurs parents et à leurs amis, j'espère que, dans peu d'années, de ces 20,000 malheureux que l'on compte en France, il n'y en aura pas un qui ne connaisse ses devoirs d'homme et de citoyen, et ne puisse devenir un membre utile à la société, où sa présence est souvent une cause de désordre, et, presque toujours, l'objet d'une douloureuse compassion.

  [voir les planches des livraisons 1 à 3]

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Cet ouvrage sera approprié, un peu plus tard, à l'étude de la langue Allemande et de la langue Anglaise. Nous dirons alors comment on peut en faire l'application aux enfans ordinaires.

Cet ouvrage, composé de 6 à 800 pages in-8° oblong, et d'environ 3,000 figures, paraîtra, de mois en mois, en 16 livraisons, les unes de 12 planches avec 16 ou 24 pages de texte, les autres de 60 à 80 pages de tableaux et texte.

Prix de chaque livraison, I f. 50 c., avec les figures coloriées 3 fr.
A Paris, chez l'auteur, rue des Cannettes, n°.13.
Treuttel et Wurtz, libraires, rue de Lille.
Louis-Colas, rue Dauphine.
Moutardier, rue Gilles-Cœur.
Charles-Béchet, quai des Augustins.
 
La première livraison est sous presse.
La seconde paraîtra le 15 mai.
Les lettres doivent être affranchies.
 
Pour paraître à la fin de mai :
Lecture instantanée, ou méthode nouvelle pour apprendre à lire sans épeler,
in-8° oblong, avec figure, 3e édition, I fr.50 cent

 
IMPRIMERIE DE BÉTHUNE, RUE PALATINE , N.5, A PARIS

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