SÉRIGNY, Mme Blanche de : [Article] Modes du Conseiller des Dames et des Demoiselles, journal d'économie domestique et de travaux d'aiguille. Novembre 1862.
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Orthographe et graphie conservées.

Texte établi sur un exemplaire (BmLx : 35071) du Conseiller des dames et des demoiselles, journal d’économie domestique et de travaux à l’aiguille Tome XVI, 1862-1863.

Modes
par
Blanche de Sérigny

Novembre 1862


Je ne sais par quel temps de soleil ou de pluie vous recevrez mon courrier, ma chère Isabelle; mais il est certain que je vous l'écris par une journée magnifique: un air tiède, un ciel pur, enfin une journée qui fait songer à la mousseline, au barége, et point, je vous assure, au drap, au velours ou à la tartanelle  ; j'ai chaud rien que d'écrire ces mots !...

Enfin, vous le voulez, chère amie, il vous faut vos renseignements dès maintenant. je me dévoue donc et me hâte de vous raconter les nouveautés.

Voyons d'abord les généralités. Pour les étoffes ordinaires, j'ai vu les reps, les épinglés, les popelines, les gros de Paris, les basins de laine ; ces tissus sont assez-épais pour se tenir ferme ; du reste, il n'en faut pas demander d'autres, tant que les jupes bouffantes seront en faveur. Les fonds de couleur sont havane ou gris, pour la plupart, sans cependant exclure les autres nuances ; mais les fonds noirs dominent. Les motifs se composent, en grande partie, de rayures satinées, dont quelques unes sont larges au plus d'un doigt et espacées d'un travers de main ; les autres sont plus fines et plus rapprochées, d'autres sont illustrées de petites mouchetures ; ces motifs sont généralement plus clairs, ceux en soie blanche ou maïs sont particulièrement très en faveur. Je mentionnerai aussi l'étoffe poudre d'or ; n'allez pas, à ce nom, chère Isabelle, vous imaginer quelque chose de resplendissant comme un vêtement de fée, certes non ; il ne s'agit que d'une sorte de reps poudré de très-petits points de soie maïs, aussi n'est-elle destinée qu'aux robes de ville, même les plus modestes.
  
Les soieries ont généralement les mêmes dispositions, je vous citerai en plus les losanges formés par de petites raies blanches ou maïs satinées, les grappes de grandeur moyenne en couleur sur fond noir, d'autres blanches et jaunes.

Les nouvelles moires antiques sont illustrées de petites lignes et de fleurettes satinées, le tout de même nuance ; souvent aussi les rayures sont noires, ce qui donne au tissu un aspect encore plus nouveau. Les semés de très-petites étoiles, ou de petites fleurs, ou de fines rayures très-rapprochées, forment les dessins ordinaires des taffetas légers.

Les façons de robes ne présentent rien de particulier : ce sont toujours les corsages à ceintures rondes ou à pointes arrondies ; ces dernières amincissent et allongent le corsage, cependant moins encore que la façon Gabrielle qui dégage la taille plus que toutes les autres et qui sied à ravi; à toutes lés personnes douées d'un certain embonpoint.
 
Les manches se font demi-larges avec le coude dessiné, et cette forme a tellement prévalu, que les autres sont surannées et donnent un air de vétusté à une toilette du reste élégante. Il est vrai que ces grandes manches écrasaient les petites femmes ; une taille un peu mignonne disparaissait entre ces énormes volants. La mode adoptée présentement me semble dans de très-justes et
très-raisonnables proportions. Les manches plates peuvent se porter encore, mais pour toilettes négligées.

Comme vêtement d'intérieur, les vestes sont à l'ordre du jour, mais on les fait de différentes façons : il y a la veste zouave fort courte, c'est-à-dire à peine plus longue que la taille ; la veste senorita, qui ne descend qu'à la ceinture et qui est plus ajustée que la précédente ; et la veste postillon, qui diffère de la dernière par une basque haute de quinze centimètres au milieu du dos et qui vient mourir sur les hanches. Toutes ces vestes sont ou en drap ou en velours, posées simplement sur le corsage de robe, ou sur un gilet, ou mieux encore sur une chemisette plissée, ce qui donne beaucoup d'élégance à la toilette ; les chemises Garibaldi en laine de couleur peuvent toujours servir de dessous.    
 
Les pardessus sont plus courts que l'année dernière ; c'était, du reste, le seul moyen de les changer, à moins cependant de les porter en traîne, ce qui eût été d'un assez mauvais effet dans le macadam. Donc, les plus grands doivent avoir de trente à quarante centimètres de moins que la robe ; quant aux saute en barque, ils auront la longueur que vous leur connaissez. Généralement toutes les confections sont moins ajustées que pour les saisons précédentes.
  
Pour les saute en barque l'étoffe nouvelle très en faveur est la peluche de couleur, la nuance grise est généralement préférée, mais on en fait aussi en havane, en violet, etc., Vous comprenez, chère Isabelle, que ceci est fantaisie et ne conviendrait aucunement pour un vêtement que l'on devrait mettre journellement, il demande une certaine élégance, tout en étant simplement demi-toilette.
  
Les draps velours sont toujours ce que je vous conseillerai le plus ; ils sont souples, chauds, légers et d'un excellent usage.
  
Comme ensemble de toilette, je vous citerai : une robe de popeline, nuance havane, garnie au bas d'une bande de velours ondulée dont les dents reposent sur un volant de popeline bordé de velours, les manches sont fendues derrière et garnies de même. Camail pareil. Chapeau de velours noir avec touffes de pervenches en velours bleu posées sur le sommet de la passe, entre des coquillés de dentelle.
 
Robe de taffetas vert foncé encadrée par une broderie de soutache noire posée au dessus de l'ourlet ; une ruche de petites guipures est placée de chaque côté de cette bande. Sur le corsage, une pareille garniture dessine une veste espagnole, les manches sont demi-larges et garnies de même. Chapeau de velours noir entièrement uni, sur le bord de la passe une touffe de plumes de coq est placée au milieu et retombe en tous sens.

Pour les enfants, je ne vous dirai point d'étoffe spéciale, car ils portent les nôtres, parmi lesquelles on leur choisi les semés, les carreaux les plus mignons ou les teintes unies.

Voici quelques jolis arrangements :

Robe de popeline gris cendre de roses, garnie au-dessus de l'ourlet par une bande de velours noirs ; cinq petits velours n° 0 sont placés de chaque côté de cette bande. Sur le corsage, berthe encadrée par un velours large ayant de chaque côté trois rangées de petits velours.
 
Robe de fantaisie à carreaux verts et noirs, au bas, un volant pareil monté à plis creux ; sur le pied est posé à plat un velours noir large de deux doigts. Berthe formée d'un volant pareil posé carrément, manches demi-larges avec garniture anologue.
  
Pour petite fille de dix ans :
  
Robe de fantaisie fond noir à fleurettes rouges; un ruban de taffetas rouge est ruché au bord, un autre forme des anneaux au-dessus de ce dernier ; sur le pied de chacun de ces rubans est placée une passementerie noire. Un ruché semblable décrit sur le corsage une veste espagnole ; les manches sont presque plates, fendues et arrondies un peu dans le bas pour laisser passer une petite bouffante blanche; dans lé haut, un jockey occupe seulement le dessus de la manche.
  
Robe de taffetas gris avec deux volants montés à plis creux espacés l'un de l'autre ; le bord de ces volants est garni par deux rangées de velours violet : un n° 4 au bord, un zéro au-dessus; entre les deux volants se dessine une grecque avec du velours n° 4. Les manches et la berthe sont brodées de même et garnies d'un volant.
  
Pour petit garçon de trois à quatre ans : Jupe et veste en popeline havane avec un large bord de velours noir, pantalon pareil avec une bande sur le côté. Chemisette bouffante en baptiste, col et manches en toile fine mise à double.
  
Pour petit garçon de cinq ou six ans: Veste, pantalon et gilet popeline gris fer ornés d'un riche dessin de soutache et de lacet mélangés.
  
Costume en velours noir garni de deux galons larges d'un doigt, une ceinture pareille nouée sur le côté.
  
Pantalon court en drap léger, nuance havane : il est resserré par un poignet au-dessous du genoux et retombe sur ce poignet ; deux bandes de velours noir sont posées sur les côtés, entre les deux une rangée de boutons pareils ; blouse courte maintenue par une ceinture, elle est ornée sus le devant de bandes et de boutons.
  
Nos chapeaux ont le bord encore plus élevé que cet été ; la nouveauté est de les garnir au milieu de la passe par une touffe de fleurs ou de plumes qui les élève encore.
  
Comme jolies créations, je mentionnerai :
  
Un chapeau de velours noir orné d'une assez haute dentelle retenue sur le bord de la passe par un pouf de gros boutons de roses presque entièrement fermés et tout moussus. Sur le côté du tour de tête, rose épanouie. Brides de taffetas noir.
  
Chapeau de velours mauve, le commencement dé la passe est composé d'un bouillonné de tulle de Bruxelles, deux plumes blanches garnissent le dessus de la passe, l'extrémité de l'une descend jusque sur le tour de tête à côté d'une touffe de pervenches lilas.

Chapeau avec fond en blonde blanche, le reste en velours noir : une fanchon de dentelle noire est posée fort en arrière et retenue sur le côté, près du fond, par un bouquet de rose à feuillage rougi. Mêmes fleurs dans le haut du tour de tête: brides: de taffetas.
  
Chapeau de velours noir avec touffe de plumes de coq placée sur le milieu du bord de la passe et retombant en tous sens ; bavolet bordé de velours rouge, un  autre ruban de velours rouge est posé sur le haut du bavolet et lié derrière avec des coques et des bouts tombants.

Pour les enfants, les chapeaux marins sont toujours en vogue.
  
Je crois, maintenant, chère Isabelle, vous avoir écrit tous les renseignements que vous pouvez désirer ; je n'y ajouterai donc que l'assurance de mon dévouement et de mon affection pour vous.

                                                             BLANCHE DE SÉRIGNY.


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