DELORME, René (1848-1890) : Les Singes (1882).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (06.II.2009)
Texte relu par : A. Guézou
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Texte établi sur un exemplaire (BmLx : nc) de l'ouvrage Les Animaux chez eux illustré par Auguste Lançon (1836-1887) paru chez L. Baschet à Paris en 1882.
 
Les Singes
par
René Delorme

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Où finit l’Homme ? Où commence le Singe ?

Voilà des questions terriblement embarrassantes !

Il faut cependant les examiner avant de rien dire.

Si, par hasard, il était démontré que le Singe est un arrière-petit-cousin de l’homme, quel regret n’éprouverions-nous pas en effet d’avoir parlé avec irrévérence d’un de nos parents éloignés !

Si, au contraire, il était avéré que le singe n’est qu’un simple animal, alors nous aurions libre carrière et nous ne nous exposerions à aucun remords en risquant quelques critiques.

Qu’est-ce donc que le Singe ?

Herder répond : « Mon frère aîné. »

Faut-il s’en tenir à cette opinion d’un Allemand modeste ?

Faut-il croire ceux qui partagent cette idée : le célèbre Darwin, les deux Tudesques Wagler et Scheitlin, le grand savant français Littré, et l’humoriste Parisien Ernest d’Hervilly ?

Ce dernier a rimé son credo en un sonnet que voici :

            L’ANCÊTRE

                    A Ch. Darwin.

        A l’ombre des forêts je suis rasséréné ;
        Oui, j’aime comme un fils ces vertes solitudes ;
        Là, des temps primitifs que vit mon humble aîné
        Je trouve l’innocence avec ses quiétudes.

        Dans les bois je reprends d’antiques habitudes ;
        Tout un passé renaît en mon corps étonné ;
        Et, gai, vous oubliant, humaines lassitudes,
        Vers les arbres je cours d’un élan spontané !

        J’y grimpe avec folie ; - et je mange des baies ;
        Et je hume l’eau vive à même le ruisseau ;
        Et j’écoute, ravi, chanter l’oiseau des haies.

        Tel l’écouta jadis, penché sur un berceau
        Pauvre et grossier, construit dans le creux d’un érable,
        Mon aïeul aux longs bras, le Singe vénérable !

Ainsi, il y a des savants et des poëtes qui s’accordent à reconnaître dans le Singe l’ancêtre de l’espèce humaine.

Cette opinion, qui froisse l’amour-propre de quelques personnes flatterait au contraire énormément notre orgueil.

L’important, en effet, n’est pas de savoir d’où l’on vient, mais de savoir où l’on va. Nous estimons qu’il est plus glorieux de monter que de descendre, de s’élever que de s’abaisser et le mot « parvenu » nous semble le titre le plus désirable qui soit en ce temps-ci.

Malheureusement pour notre vanité, il n’est pas démontré que nous soyons des Singes parvenus au rang de citoyens, d’employés, d’agents voyers, d’avoués et autres professions qui dénotent, sinon une situation très enviable pour un homme, du moins un degré de civilisation très avancé pour un Singe.

Ici le besoin d’une comparaison s’impose.

Puisque nous voulons nous éclairer, prenons un Homme et un Singe et plaçons-les à côté l’un de l’autre.

L’Homme sera, si vous le voulez bien, - un bel homme, un Européen.

Le Singe appartiendra à une espèce infime.

Ce sera par exemple un Maki mococo.

Nous aurons ainsi devant nous les types extrêmes de deux races. L’un plane au sommet de l’échelle humaine ; l’autre finit médiocrement l’échelle simiesque.

Entre ces deux êtres, il n’y a aucune ressemblance.

C’est évident.

Mais, au-dessous de l’Européen, à l’intelligence ouverte, à la peau blanche, aux formes pures et aux pieds atrophiés, combien de degrés s’échelonnent ! C’est l’Asiatique rabougri au teint jaune ; c’est l’Indien couleur d’olive ; c’est le Mulâtre, anneau de transition dans la grande chaîne des hommes ; c’est le Nègre, qui se carde au lieu de se peigner ; c’est le Hottentot difforme ; c’est le Canaque anthropophage ; c’est le Lapon à la taille exiguë ; c’est enfin l’Aztèque minuscule au front déprimé, au cerveau étroit.

Au-dessus du Maki mococo, au-dessus des Loris, des Propithèques et des Indris, qui sont des Singes de peu, des faux Singes, nous voyons au contraire se dresser une série d’individus supérieurs : les Hapaliens, qui comprennent les Ouistitis et les Tamarins ; les Nyctipithèques douroucoulis ; les Sakis, les Callitriches à collier, les Sajous cornus, que nous appelons familièrement les Sapajous, les Atèles, auxquels nous avons donné des surnoms diaboliques, les Hurleurs noirs et les Hurleurs rouges. Au-dessus de ces familles de Platyrrhiniens nous découvrons d’autres espèces : la tribu des Cynocéphales, qui se compose des Babouins, des Mandrills et des Drills.

Au-dessus encore, voici les Macaques, puis les Cercothèques, vêtus de gris ou de rouge ; les Colobes, les Semnopithèques, les Gibbons. Toujours plus haut, nous apercevons avec effroi la race géante des Pithéciens : l’Orang-Outang, le Chimpanzé et le Gorille.

Ainsi, il y a des dégénérescences dans la famille humaine et des croissances dans la famille simiesque. L’Européen est le frère de l’Aztèque. Le Maki est le cadet du Gorille. Qu’est-ce que l’Aztèque peut être au Gorille ?

Entre nous, - bien entre nous, - nous pouvons reconnaître que le Gorille a sur l’Aztèque une foule de supériorités. Il est plus grand, plus fort, plus intelligent et il n’est pas beaucoup plus laid.

Diable !

Vous avez quelquefois visité des musées ethnographiques.

N’avez-vous pas alors été frappé de la différence d’aspects que présentent les divers squelettes humains entre eux et de la ressemblance qui existe entre certains squelettes de Singes et certains squelettes d’Hommes de race inférieure ? Franchement, la distance est bien petite d’un squelette de Cafre à un squelette de Chimpanzé.

Le squelette de Chimpanzé est troublant.

La Vénus hottentote aussi.

Entre ces Nègres difformes, qui ne nous ressemblent presque pas, et ces Singes, qui ne nous ressemblent nullement, il y a comme un mystérieux point de contact.

Les Nègres ont pour les Singes une admiration qu’il faut noter ici.

Ils disent en secouant la tête :

- Li Singes, pas di Singes ! Li Singes, di Nègres. Li pas vouloi’ pa’ler pou’ pas été fo’cés t’availler.

Pour le Nègre, le Singe est un malin.

Quelquefois même, c’est un rival.

On a vu des Singes débauchés enlever des Négresses et consommer au fond des bois des unions qui les rapprochaient singulièrement de l’espèce humaine.

A défaut de la parenté naturelle qu’on leur conteste, ils ont parfois acquis une parenté par alliance avec l’Homme.

Dans ces conditions et dans le doute où me laisse la science, je parlerai du Singe avec une certaine déférence.

En cela je me conformerai à de très anciennes traditions. Les Indiens ont bâti pour les Singes des palais, des temples même, où ces intéressants quadrumanes régnaient et règnent encore en maîtres absolus.

Les Egyptiens, qui avaient la manie de tout adorer, ont adoré le Singe après le Boeuf et l’Oignon. Dans les sables de Thèbes on retrouve des images et des amulettes de porphyre figurant les dieux simiesques.

Seuls, les Arabes ont toujours méprisé les primates, qu’ils considèrent comme des réprouvés. D’après leurs légendes, Allah métamorphoserait en Singes les Hommes méchants et diaboliques.

Métamorphosés ou non, les Singes n’en constituent pas moins une grande et intéressante famille. Après le premier ordre des mammifères, qui se compose des Hommes, le second rang appartient aux Singes.

Comme tous les animaux, ceux-ci gagnent à être observés dans leur milieu, en pleine nature, dans les bois qui leur sont familiers.

La domesticité les déprave.

Libres, leur intelligence éclate en mille faits. Le plus important de tout est qu’ils aiment vivre en société, - à quelques exceptions près.

Les Singes se réunissent par grandes bandes et choisissent un domaine fixe qu’ils ne quittent que si la nourriture vient à manquer.

Ils reconnaissent l’autorité d’un chef à poigne, c’est-à-dire du mâle le plus robuste de la troupe. Ici la force fait le droit ; mais il n’y a que demi-mal, car la noblesse oblige en leur monde comme dans le nôtre.

La position du chef de bande a ses avantages et ses inconvénients.

Parmi ses privilèges, conquis à la longueur des dents et à la vigueur des bras, le plus agréable est la possession indiscutée de toutes les femelles.

Le chef est un sultan jaloux et adoré. Les Guenons lui font des grimaces provocantes et le pouillent avec amour. Il se laisse faire avec une majesté bouffone.

Quand la bande va marauder dans les champs de cannes à sucre ou dans les melonnières, le chef qui a dirigé l’expédition choisit sa part du butin.

C’est encore lui qui rétablit l’ordre, qui termine les querelles fréquentes en battant les batailleurs, et qui punit vertement les indisciplinés.

Sa position lui crée aussi des devoirs.

Il est le guide exercé de sa troupe et il doit veiller constamment sur elle. C’est lui qui pousse le cri d’alarme : un cri saccadé et tremblé. C’est lui qui dirige les fuyards et les conduit loin du danger. Dans ces retraites, tous ses sujets le suivent avec la plus grande confiance.

Mais le Singe n’est pas seulement un être sociable ; c’est un animal gai, qui aime le plaisir.

Parisien de la forêt vierge, gouailleur et farceur, il ne pense qu’à s’amuser et à satisfaire ses caprices. Se moquer du voisin, lui tirer la queue, bondir sur un arbre, se faire donner la chasse, se suspendre la tête en bas, croquer des fruits, casser des noyaux, jeter des morceaux de bois aux autres, s’agiter, se gratter, cajoler les Guenons, voilà les menues distractions de ces mauvais sujets de Singes.

On leur reconnaît presque tous les vices : la sensualité, la gourmandise, la colère, la perfidie, la méchanceté, la haine, le despotisme, l’irritabilité. En captivité, ils ajoutent encore à cette collection l’ivrognerie.

D’autre part, ils ont bien quelques qualités : la gaieté, la prudence, l’amour de leurs petits, qui est immense, l’adresse, la bonté envers les faibles et le courage envers les forts.

En somme, ils ont beaucoup de l’homme en bien et en mal, au physique et au moral.

Ceci dit pour l’espèce en général, nous allons aborder les différentes familles et tracer rapidement un tableau de leurs moeurs, une peinture de leurs caractères :

Voici  d’abord les Catarrhiniens, ainsi nommés parce que leurs narines sont rapprochées et ouvertes au-dessus du nez. Ceux-là sont les géants et les hercules de la forêt. Il n’est pas bon de les rencontrer au coin du bois. Outre qu’ils ont de mauvaises figures, des dents inquiétantes, des bras longs et forts, MM. les Gorilles poussent des rugissements qui rappellent le bruit du tonnerre. Il y a plus de deux mille ans qu’Hannon a découvert cette espèce sauvage, qui n’a été bien décrite que de nos jours, par Paul du Chaillu. Le Gorille atteint 5 pieds et demi de hauteur. Un seul coup de son énorme pied, armé d’ongles, éventre un homme, lui brise la poitrine ou lui écrase la tête. Sa férocité est extraordinaire. La captivité le rend intraitable.

Un gros ventre et pas de queue, treize paires de côtes, 1 mètre 52 de hauteur à l’âge adulte, un cerveau et une main qui se rapprochent  du cerveau et de la main de l’Homme, tel est le Chimpanzé, singe presque aimable, qui se construit un nid dans les arbres, qui n’attaque pas l’homme, et qui devient son ami au besoin. M. A. Lançon a possédé une Chimpanzette qui était une charmante personne, fort bien élevée et très attachée à ses maîtres.

L’Orang était déjà connu au temps de Pline.

Canines saillantes, mâchoire inférieure développée, lèvres ridées et gonflées, nez aplati, barbe inculte, cet habitant de Bornéo a une assez mauvaise figure ; cependant, il n’est pas méchant. On en a vu qui se sont très bien apprivoisés. Paris n’a pas oublié le spectacle touchant que lui ont donné les deux Orangs-outangs amenés au Jardin d’acclimatation en 1880. Les caresses enfantines du plus petit, embrassant son père mourant, nous ont ému personnellement outre mesure.

Les Gibbons, qui atteignent trois pieds de hauteur, sont aussi des singes intelligents et doux, que la nature n’a pas armés pour la guerre. Matin et soir, ils saluent le lever et le coucher du soleil par des cris épouvantables.

Parmi les Semnopithèques, l’espèce la plus remarquable est le Houlman, que les Indous ont divinisé.

Voici pourquoi :

Schri-Rama avait une femme, Sita, qu’il aimait fort. Le géant Ravan la lui enleva et l’emporta dans l’île de Ceylan. Ce fut le Houlman qui la délivra et qui la ramena à son époux, non sans peine, car il dut traverser le feu. S’il a la figure et les mains noires, c’est qu’il s’est brûlé à la flamme.

C’est de là que vient la vénération des Indous pour le Semnopithèque Entelle, qu’ils entretiennent et nourrissent dans des palais spéciaux, qu’ils soignent dans des hôpitaux particuliers, qu’ils gâtent de toutes les manières, si bien que cet animal est devenu le plus voleur et le plus impudent de tous les Singes.

Charmantes bêtes d’ailleurs, élancées et gracieuses, au pelage blanc jaunâtre, à barbe courte, au nez violet. Ils se rapprochent beaucoup des Colobes d’Afrique.

Or, le Colobe Guériza est le plus beau de tous les Singes.

Imaginez un corps d’un beau noir velouté sur lequel tranche le pelage blanc tacheté de gris des tempes, du diadème, des favoris, de la ceinture. Notez que les poils blancs de la ceinture sont très longs, très fins, très doux et qu’ils étoffent d’une manière très heureuse les membres grêles et distingués de l’animal. Absolument inoffensif, très agile, faisant facilement des sauts de 40 pieds de hauteur, le Colobe Guériza ne se laisse pas facilement prendre ; captif, il meurt en très peu de temps.

Avec les Colobes, nous avons abordé la série des jolis singes d’Afrique. Nous devons une mention aux Cercopithèques, qui vivent en grandes troupes, font gaiement la maraude en commun et soignent ceux des leurs que les épines ont blessés pendant l’expédition, avec l’adresse de chirurgiens consommés. Des queues interminables distinguent ces intéressants animaux, qui se subdivisent en une quantité de familles : les uns, les Grivets, paraissent teintés de vert sombre, bien que leur pelage soit en réalité composé de poils jaunes et noirs. Les autres, les Ascagnes, ont le nez blanc. Les Patas sont habillés de jaune d’or et de blanc ; et enfin les Cercopithèques-Diane ont le masque noir d’Arlequin orné d’une longue moustache et d’un grand collier blanc.

L’élégance est chez tous ces singes une qualité naturelle. En cela, ils se distinguent essentiellement des Macaques trapus du Japon, de l’Inde et de l’Afrique. Ceux-là sont simplement hideux. Ils rachètent leur laideur par des talents d’imitation qui tiennent du prodige. Le Magot, le seul Singe qui vive encore à l’état libre en Europe, sur le rocher de Gibraltar, appartient à la famille des Macaques.

Nous descendons l’échelle d’un grand degré pour arriver aux Cynocéphales, qui n’ont en général rien de bien attrayant ni au physique ni au moral.

Formes hideuses, aspects repoussants, moeurs grossières, ces Africains, qui se risquent jusque dans l’Arabie heureuse, sont de véritables monstres. « Les Cynocéphales, dit Scheitlin, sont tous plus ou moins méchants, sauvages, colères, impudents, lascifs, astucieux ; leur museau n’est qu’un grossier museau de chien ; leur postérieur est tout ce qu’il y a de plus dégoûtant. Le regard est rusé, l’âme méchante. » L’amour sensuel de ces vilaines bêtes est absolument hideux et se manifeste à chaque instant par des gestes et des contorsions qui dénotent d’étranges et d’insatiables passions. Ce sont ces Singes-là qui enlèvent des Négresses.

Hamadryas, Géladas, Babouins, Uchaknas, Papions et Mandrills, vous êtes de vilains Singes. Nous ne nous occuperons pas davantage de vous.

Aussi bien sommes-nous appelés par les Singes du nouveau monde : les Platyrrhiniens

Petits, pas beaux, paresseux, maladroits, inoffensifs, tranquilles, tristes et moins intelligents que leurs frères de l’ancien continent, voilà en quelques mots le portrait général des Singes d’Amérique.

Leur famille comprend un grand nombre de variétés. Il y a d’abord les Hurleurs, voisins incommodes s’il en fut, qui doivent leur nom aux cris insupportables qu’ils poussent ; les Atèles sans pouce, les Sajous pleureurs, les Sajous cornus, etc., etc.

Les Callitriches sont plus agréables : Saimiris Viuditas (petites veuves), Sakis à queue de renard, Sakis satan, Sakis à tête noire et Sakis à tête blanche, il y a dans le nombre des petites bêtes qui meublent agréablement une singerie.

La revue des Singes touche à sa fin.

Nous voici en présence des Nyctipithèques ou Singes de nuit, découverts par d’Azara au début de ce siècle. Ces animaux à tête ronde, aux yeux de hibou, sont des chasseurs d’oiseaux. La lumière les éblouit et c’est dans l’obscurité qu’ils cherchent leur nourriture.

Avons-nous cité, parmi les Hapaliens, les Ouistitis du Brésil et les Tamarins Oedipe, gentilles petites bêtes qui ne viennent chez nous que pour y mourir misérablement de la poitrine ? Si nous l’avons fait, il nous resterait encore à dire un mot des Lémuriens ou faux Singes, des Indris, des Makis, des Loris, des Galagos et des Torsiers.

Mais ne nous attardons pas en compagnie de ces espèces infimes. Après cette longue revue des petites espèces, revenons à la grande famille pour élucider une dernière question d’ordre général.

A quoi sert le Singe ?

Le Singe est le bouffon de l’homme. Il fallait un éclat de rire dans la nature. C’est le Singe qui y joue le rôle du comique.

Pendant les quarante jours et les quarante nuits où l’arche de Noë flotta sur les eaux ; le Singe fut évidemment la gaieté de l’arche.

Aujourd’hui encore, coiffé d’un tricorne, habillé d’une robe rouge, monté sur l’orgue de barbarie, il est la gaieté de la rue. Bateleur, cabotin, charlatan, voilà son sort et son rôle dans le monde.

Gille, ainsi que le nomme La Fontaine, est né imitateur et comédien,... moins que l’Homme cependant, qui souvent s’est essayé à imiter le Singe. Rappelez-vous le succès du drame : Jocko ou le Singe du Brésil. Rappelez-vous les Japonais de l’Hippodrome. C’est l’un d’eux, croyons-nous, qui racontait cette anecdote :

« Voulez-vous savoir le plus grand succès de ma carrière ?

- Oui.

- C’était un jour à Yeddo, dans le grand Cirque. Déguisé en Singe, j’avais exécuté vingt tours d’adresse étourdissants, quand je m’aperçus qu’il y avait dans l’assistance un Singe, un vrai Singe, qui me regardait avec attention. Je redoublai d’efforts, je fis des merveilles, et, quand j’eus fini, savez-vous ce qui arriva ?... Le Singe se leva de sa stalle, descendit dans l’arène et vint me serrer la main. »


RENÉ DELORME.

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