NUS, Eugène (1816-1894)  :  L’Huissier de campagne (1841).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (28.VI.2014)
Texte relu par : A. Guézou
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Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : 4866 ) du tome 9 des Francais peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du XIXe siècle publiée par L. Curmer  de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9 vol. 
 
L’Huissier de campagne
par
Eugène Nus

~ * ~

ENFANT du canton qu’il exploite, le praticien en herbe, à peine arrivé à l’âge de raison, consacre les blondes années de sa jeunesse au culte des expéditions et à l’adoration du code civil. Le rêve doré poursuivi par son âme ardente, l’ambition qui germe et mûrit dans son cœur, se résument dans l’espoir d’ajouter au nom que lui ont transmis ses aïeux la qualification d’huissier patenté de troisième classe sous n’importe quel numéro, et de voler glorieusement sur la trace de ses prédécesseurs. – Voler est employé ici dans le sens purement figuré. – Enfin, il parvient à ce but constant de ses désirs, et dans la carrière que son patron ne poursuit plus, il va secouer la poussière des nombreux exploits de ses devanciers, tout en héritant de leur science et de leurs vertus sous forme d’un volume ayant pour titre le Parfait huissier. Une fois en possession de sa charge, le nouveau titulaire se choisit une femme, ce qui fait dire aux mauvais plaisants du lieu qu’il a pris à la fois une charge et un fardeau.

Représentez-vous une bonne figure d’homme paisible, figure souriante, joviale, surmontée d’une casquette et encadrée dans un col de chemise qui semble vivre en parfaite intelligence avec les deux oreilles qui le caressent : c’est l’huissier de campagne qui, étalé dans son fauteuil, rédige à la hâte les exploits du jour, ou écoute gravement les doléances de quelques plaideurs qu’il tâche de mettre d’accord, avant que la justice n’ait fourré le nez et la griffe dans leurs affaires.

Car l’huissier de campagne n’est pas un de ces fauteurs de chicanes comme on en rencontre encore parfois dans les grandes villes. Il est lui-même une espèce de juge de paix, et joue souvent le rôle de conciliateur : il met les parties en présence ; il discute avec elles ; il établit le fort et le faible de chaque cause ; il atténue les torts de l’un par la comparaison des torts de l’autre, et bien souvent des procès qu’un homme moins probe et plus avide aurait pu exploiter longuement au détriment de deux familles ont expiré dans l’étude de l’huissier, avant qu’une seule démarche irritante eût commencé les hostilités.

Quelquefois ce n’est pas une besogne facile que de mettre d’accord deux enragés plaideurs que l’amour-propre, la mauvaise foi, ou même le seul besoin de plaider, excitent l’un contre l’autre ; car les paysans sont chicaneurs par instinct. Ils aiment la poussière des paperasses et l’atmosphère des tribunaux. Les disputes judiciaires sont le plus doux délassement de leur vie laborieuse et pénible. Depuis que la civilisation et le code pénal ont réprimé ces haines d’homme à homme et de pays à pays qui ensanglantaient nos villages, les habitants des campagnes ont reporté sur les querelles moins sanglantes, mais plus ruineuses des procès, ce besoin d’activité et de lutte que la nature a mis au fond du cœur de tous les hommes. On pourrait peut-être rencontrer dans chaque bourgade de notre France plus d’une copie parfaite de Pierre Peables, ce type original et comique de plaideur que Walter Scott a jeté dans son roman de Redgauntlet.

Quand tous les moyens de conciliation sont épuisés, l’huissier est obligé de subir les exigences de son client : c’est son état, c’est son devoir. Alors les frais commencent. Pour un choux arraché dans un jardin, pour quelques branches coupées à une haie, pour une poignée d’herbe mangée par un mouton, assignations, jugements, commandements, saisies, oppositions pleuvent, s’échangent, se succèdent. Le procès voyage du canton au chef-lieu, du chef-lieu à la cour royale, de la cour royale à la cour de cassation. Les paperasses s’amoncellent, les frais se gonflent comme ces boules de neige que les écoliers roulent dans la cour de leur collége. Huissiers, avoués, greffiers, avocats, chacun tire à soi tant qu’il peut ; le trésor public engouffre la plus grande partie des frais dans ses caisses voraces, et aux pauvres plaideurs ballottés, tiraillés, rongés jusqu’aux os, souvent tous ces vampires ne laissent pas même pour consolations les coquilles de l’huître.

Mais l’huissier de campagne réussit presque toujours à empêcher ces ridicules procès. Il gronde, il se fâche, il jette parfois les clients à la porte, et ceux-ci reviennent le lendemain, confus et repentants, lui annoncer qu’ils ont arrangé leur affaire.

Aussi il est fêté, choyé, respecté à l’égal du médecin et du notaire : même on le préfère au notaire, qui est plus froid, plus roide, plus monsieur ; et au médecin dont la brusquerie et la science redoutable imposent à ces simples et crédules natures ; tandis que l’huissier, c’est un ami qui entre sans façons, s’assied à table, coupe un morceau de pain bis à la miche commune, une tranche de lard dans le buffet, avale un verre de piquette, fait danser les marmots sur ses genoux, lutine les grosses servantes, et a toujours le petit mot pour rire au service de la ménagère qui file sa quenouille au soleil, ou trempe la soupe aux choux dans les écuelles de terre peinte.

Le cabinet n’est que la plus pâle moitié de l’existence de l’huissier de campagne ; c’est dans ses tournées presque quotidiennes qu’il étale aux yeux de l’observateur tous les détails saillants de son caractère. Quand il a réuni un certain nombre de copies à porter dans le même groupe de villages, il se lève avant le soleil, donne ses instructions à sa femme, et se met en route. Son équipement de voyage est simple et ne nécessite guère que quelques frais de blanchissage au retour de chaque course. Un chapeau de paille à larges bords, une blouse de toile grise, un pantalon de coutil, des guêtres de peau pour traverser les boues, et de gros souliers ferrés, composent son costume. Ajoutez à cela un énorme bâton de vigne sauvage qui peut lui servir au besoin d’appui ou de défense, et un immense portefeuille dépassant de moitié la poche de sa blouse, et s’élevant à la même hauteur que le col de sa chemise. Ce portefeuille contient les copies qu’il doit distribuer ; du papier blanc pour les commissions qu’il pourra trouver sur sa route ; un crayon, une règle, une plume métallique, et une petite fiole de verre habillée d’une robe de peau et qui remplit les fonctions d’écritoire. En hiver, il met pour tout supplément de toilette une toile cirée sur son chapeau, une veste sous sa blouse, et un pantalon de gros drap au lieu du pantalon de courtil.

Le voilà parti. Il se hâte ; car il a une longue tournée à faire, et ne rentrera peut-être pas avant la nuit. Voyez comme il marche vite ; avec quelle aisance il combine et harmonise les mouvements de ses jambes, de ses bras et de son bâton ! C’est que pour cet homme habitué à faire quelquefois quinze et vingt lieues dans une journée, la marche a été une étude et est devenue une science. Il connaît la manière de poser le pied sur un terrain marécageux ou hérissé de roches ; il sait de quelle façon on doit se reposer pour ne pas engourdir dans l’inaction les muscles tendus par un violent exercice ; il gouverne et modère son pas, pour se ménager les forces et la respiration, comme un cavalier habile règle et tempère les mouvements d’un cheval qui doit accomplir une longue course.

L’huissier de campagne possède à fond tous les détours, tous les sentiers, toutes les échappées des terrains qu’il parcourt ; il marche indifféremment sur la route, à travers champs, ou dans les mille replis des bois ; il va à vol d’oiseau, suivant la ligne droite, se frayant un chemin au milieu des marais, escaladant les haies vives, franchissant les ruisseaux gonflés par les pluies, pour arriver aux hameaux, aux maison écartées dont il sait la position bien mieux que l’arpenteur-géomètre du pays. Et, au milieu de ces fatigues, de ces luttes incessantes contre les difficultés du sol, on le voit toujours gai, alègre, dispos, jetant de joyeux bonjours aux paysans échelonnés sur sa route, répondant aux sourires par des sourires, aux plaisanteries par des quolibets, poursuivant de ses bons mots le laboureur qui trace lentement un sillon, appuyé sur sa charrue, la faneuse qui amoncelle en tas le foin odorant, ou le braconnier qui guette un lapin sur la lisière d’un bois.

Quand il traverse un village, les bonnes femmes viennent à la porte pour le voir passer ; les chiens aboient à sa rencontre avec un air de connaissance ; les buveurs attroupés dans les cabarets l’appellent et l’invitent. Et lui salue les bonnes femmes avec un moulinet gracieux de son bâton ; appelle les chiens par leur nom respectif, et répond aux buveurs sans ralentir sa marche. Puis il entre chez un des pauvres diables auxquels il doit laisser une citation ou un commandement.

« Eh bien ! père Thomas, vous vous laissez mettre l’huissier aux trousses

- Qu’est-ce qu’il y a donc, monsieur Despré ?

- Il y a 40 francs que vous devez à Jérôme, mon vieux, et dont il ne peut pas vous arracher un sou.

- Ah ! monsieur Despré, les temps sont si durs !...

- Et les créanciers aussi, n’est-ce pas ? Prenez garde, mon brave homme, il ne faut pas vous laisser manger en frais pour si peu de chose. Tenez, prenez ce poulet, et apportez vos écus à l’audience. »

Tous les devoirs de l’huissier ne sont pas aussi faciles et aussi agréables à remplir. Quelquefois il faut saisir le mobilier d’une pauvre famille, mission pénible et douloureuse qu’il n’accomplit qu’avec dégoût et que pourtant il faut accomplir. Dans ces occasions, il se munit de deux recors, et inventorie à la hâte tous les ustensiles du malheureux ménage, en ayant bien soin de fermer les yeux sur quelques provisions qu’on lui cache, sur quelques instruments de cuisine ou de culture que le débiteur indigent fait évader par une porte de derrière. Puis il arrive aussi, mais plus rarement, qu’il faut vendre les objets saisis. Alors l’huissier se cuirasse le cœur de son mieux contre les larmes des femmes, les cris des enfants et la muette désolation de l’homme. Mais, malgré son stoïcisme affecté et son impassibilité résolue longtemps d’avance, les paysans des alentours accourus à la vente sur la foi des affiches reconnaissent bientôt à ses regards émus, à sa voix entrecoupée, combien il déplore en lui-même les tristes rigueurs de son ministère.

Mais tous ne font pas ainsi la part des exigences de son devoir. Il arrive parfois que quelques débiteurs intraitables et rancuniers enveloppent dans la même haine et dans la même vengeance le créancier impitoyable qui use de son droit en les poursuivant, et l’homme inoffensif qui n’est là qu’un instrument passif de la loi.

Cela se résume, pour le malheureux huissier, en quelques coups de bâton distribués par une main vigoureuse, en guet-apens dressés au détour d’un sentier obscur, en meubles, casseroles et poêlons lancés à sa tête, à l’époque d’une saisie ou d’une vente. Heureusement que de tels épisodes ne sont pas communs dans sa vie, et qu’un bon arrêt de police correctionnelle lui fait justice du malfaiteur.

Nous avons dit que l’huissier se hâtait de prendre une femme, dès son entrée en fonctions. Cette femme est pour lui quelque chose de plus qu’une épouse vulgaire. Elle ne lui sert pas seulement à perpétuer sa race, à raccommoder ses chaussettes, à faire cuire sa soupe, et à laver son pantalon de coutil ; l’épouse de l’huissier de campagne est à la fois un clerc intelligent et fidèle, un associé habile à soutenir ses intérêts, un second lui-même qui le remplace pendant ses courses, reçoit les clients, prend les commissions, et quelquefois même, après plusieurs années d’exercice, familiarisée avec la routine des matricules et le style barbare des exploits, rédige à l’avance la besogne qu’il faudra distribuer le lendemain. Plus tard, immiscée par une longue habitude aux détours tortueux de la chicane, elle donne des consultations aux paysans ; indique la marche à suivre pour les procès ordinaires, et son mari lui-même ne dédaigne souvent pas de lui demander ses conseils dans les affaires les plus embrouillées.

Un grand philosophe l’a dit, et beaucoup d’autres l’ont répété après le grand philosophe : La science est fatale au bonheur ! Une fois que la compagne de l’huissier est arrivée à cet apogée d’utilité et de savoir, elle abuse ordinairement de son importance, pour empiéter sur le terrain des droits conjugaux ; elle se construit peu à peu dans le ménage une autorité sourde et occulte qui sape insensiblement l’autorité du maître. Ce sont d’abord des bouderies sans importance, de légères contradictions, des bouffées de mauvaise humeur que le mari imprévoyant laisse passer en courbant la tête. Mais bientôt les bouderies se transforment en longues rancunes ; les contradictions se changent en disputes, et les bouffées rares et passagères deviennent des bourrasques terribles, d’interminables tempêtes. Ce n’est plus une servante soumise, une épouse attentionnée, un associé indulgent ; c’est une moitié qui veut devenir le tout, un tyran domestique, un frondeur impitoyable des faiblesses dont le fragile huissier n’est pas plus exempt que les autres individus de son espèce et de son sexe.

Adieu les parties de billard et de piquet au café du lieu, en compagnie du percepteur, du greffier, de l’employé aux contributions indirectes et du brigadier de gendarmerie ! Adieu les bouteilles de vin blanc, les tranches de jambon et les rôties de fromage grillé que l’on consomme le matin, dans la petite salle de l’auberge, en racontant les chroniques de la veille, et en attendant l’arrivée du journal ou de la voiture publique !...

Madame a mis le veto sur toutes ces petites jouissances, vu que l’argent se dépense plus vite qu’il ne se gagne ; que la besogne ne se fait pas en buvant et en jouant au piquet, et qu’il ne manque pas de fainéants et de mange-tout pour alimenter les mauvais lieux, sans qu’un père de famille, un homme en place aille courir les cafés et les auberges comme un libertin et un débauché. L’huissier n’a d’autre alternative que de céder pour avoir la paix, ou de se résigner à des orages quotidiens, en transgressant les ordres de son implacable moitié ; mais, comme il tient beaucoup au vin blanc du matin et aux parties de billard de l’après-midi, il se résigne ordinairement aux orages.

Du reste, quand arrive le dimanche, l’huissier échappe à l’autorité usurpatrice de sa femme, et recouvre complétement son libre arbitre jusqu’à cinq heures du soir.

Avant 1830, le dimanche était simplement pour l’huissier un jour de repos, attendu que, par insinuation du procureur du roi, il était tenu d’assister régulièrement à la messe et aux vêpres de son village respectif ; mais, depuis la révolution de juillet, le café a empiété sur l’église, les cartes sur le Paroissien, et la demi-asse sur le sermon. Depuis que des considérations ministérielles ne l’astreignent plus aux devoirs de piété, l’huissier est devenu frondeur, sceptique et voltairien ; il a placé sur son bureau Volney en regard du code civil, l’Origine des cultes à côté du Parfait huissier, et il se livre à de violentes diatribes contre les calotins et les marguilliers. En outre, il a cessé entièrement de dire bonjour au suisse, et il ne soulève plus son chapeau de paille lorsqu’il rencontre le curé. Quant à ses opinions politiques… il n’a pas d’opinions politiques.

Sa femme, qui n’a pas fait autant de chemin que lui dans la voie du progrès, passe une grande partie du dimanche à l’église, et oublie, en travaillant à son salut, de faire damner son mari : c’est la seule raison qui détermine celui-ci à ne pas abolir entièrement le culte extérieur.

Puis viennent les jours d’audience, dans lesquels, sous prétexte de causer avec ses clients et de faire la pratique, il escamote encore quelques heures de bon temps et quelques verres de bon vin, jusqu’au moment où l’on se rend à la grande salle de la mairie où le juge de paix tient ses séances. Là l’influence de l’huissier l’éclipse presque totalement derrière une influence supérieure ; ce n’est plus qu’un pâle satellite qui réfléchit les rayons de l’astre autour duquel il gravite : les paysans n’ont d’yeux et d’oreilles que pour les gestes et les paroles du juge de paix, de ce dépositaire peu imposant parfois de la justice civile, qui prononce en dernier ressort sur les dettes vulgaires, la vente d’un habillé de soie, et les coups de poing donnés et reçus dans une dispute. La fonction de l’huissier se borne simplement à appeler les causes, à crier silence aux plaideurs obstinés, et à donner des coups de pied aux chiens du voisinage qui viennent mêler leurs accords aux bruyantes plaidoiries des avocats rustiques.

L’huissier possède encore un ennemi intime avec lequel il entretient une guerre non moins acharnée qu’avec sa femme : c’est le fisc, représenté par le contrôleur du lieu. On ne saurait se figurer quelles ruses adroites, quelles petites perfidies, quels machiavéliques détours l’huissier emploie pour tromper le fisc, pour enlever au trésor royal le coût d’un enregistrement ou les trente-cinq centimes que ne vaut pas une demi-feuille de papier timbré. Par une adresse inconvenable, et qu’il serait trop long d’expliquer ici, il fait servir souvent la même demi-feuille à trois exploits consécutifs, après quoi cette demi-feuille, déchirée en deux, lui fournit encore une de ces affiches qu’il expose à la porte des églises et des mairies pour les ventes par contrainte ou par décès. L’escamotage des frais d’enregistrement s’exécute en attendant jusqu’au dernier jour pour faire enregistrer les exploits et en donnant ainsi aux parties le temps de s’arranger à l’amiable ; du reste, cette dernière opération est entièrement dans l’intérêt des plaideurs et ne rapporte pas un centime à l’huissier.

Il est encore une foule d’abus dégénérés en usage par l’habitude, une quantité de petites licences pour lesquelles il faut sinon l’autorisation ouverte, du moins l’acquiescement tacite du contrôleur : aussi l’huissier ne néglige-t-il aucun sacrifice pour se mettre dans les bonnes grâces de ce redoutable surveillant. Dès qu’un contrôleur nouveau est envoyé dans le canton, l’huissier assiste immanquablement à son arrivée : il s’empare du nouveau débarqué, le flaire, l’examine ; nouveau Lavater, il étudie sur sa figure les angles saillants et rentrants ; il observe toutes les rides, tous les plis qui peuvent trahir ses penchants, ses vertus et ses faiblesses ; il analyse chaque parole ; il scrute chaque mouvement ; il devine chaque pensée. Puis, quand il connaît son homme, quand il sait quel appât il doit mettre à ses hameçons, quel gâteau il doit jeter à la gueule de ce cerbère, il s’en retourne en se frottant les mains d’un air triomphant, et dit en rentrant à sa femme : « Encore un que je ferai au même. »

L’huissier de campagne continue invariablement le même genre de vie, jusqu’à ce qu’il ait amassé deux ou trois mille francs de rente à la sueur de son front ; après quoi il vend sa charge, et tombe dans la classe des bourgeois ordinaires.       

EUGÈNE NUS.


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