ARAGO, Jacques (1790-1855) : Une maison de fous (1832).
Saisie du texte et relecture :S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (14.IV.2009)
Texte relu par : A. Guézou.
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Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : nc) de  Paris ou le livre des cent-et-un. Tome quatrième.- A Paris : Chez Ladvocat, libraire de S.A.R. le Duc d'Orléans, MDCCCXXXII.- 401 p. ; 22 cm.
 
Une maison de fous
(Maison du Docteur Blanche)
par
Jacques Arago

~*~

         
Deux belles choses, deux choses curieuses à voir et à étudier dans notre vieille Europe : un palais de rois, une maison de fous.

De ces deux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter ? Les insensés qui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones ; ceux qu’on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblent moins à plaindre. On a pitié de leur état ; ils mangent, à leur gré, assis ou debout ; ils saluent sans se courber jusqu’à terre ; il leur est permis quelquefois d’avoir une volonté, de la manifester, de la soutenir. Ils parlent haut ; ils contrôlent les actions du chef ; ils résistent aux menaces, ils ne cèdent qu’à la force... Ce sont presque des hommes.

Dites-moi la vie des fous qui naissent et meurent dans les palais des rois ; moi, je vous dirai celle des êtres qui s’agitent dans des cabanons. Il y aura peut-être de la morale dans mon récit. Je les ai vus d’abord avec effroi, puis avec intérêt, plus tard avec un sentiment de commisération qui n’était pas sans douceur. La raison nous est souvent funeste, en ce qu’elle nous éclaire sur nos maux, sans avoir la puissance de nous en guérir... Ces gens ne sont donc pas tant à plaindre, puisqu’ils n’ont pas toujours le sentiment de leur infortune.

Qui n’a point d’égal n’a point d’ami ; c’est un axiome, vrai seulement pour ceux qui voient loin dans le coeur humain. Un ami me souriant d’un sourire de protection, me serrerait le coeur ; je ne l’aimerais plus. Tant pis pour moi si je suis ainsi organisé. De l’amour, de l’amitié, voilà ma vie.

L’historique d’une maison de fous, tracé par un fou, est une chose assez bizarre. J’étais fou quand j’ai écrit ces pages... Ma raison revenue, j’ai voulu les lire... Tout y est vrai, précis ; il m’a semblé sage de n’y rien retrancher ; c’est un portrait que je gâterais en le corrigeant ; je vous le livre.

M. Blanche a trente-cinq ans. Sa taille est moyenne, son embonpoint atteste un corps robuste. Il a le verbe bref, rapide, acerbe. Un homme en parfaite santé serait toujours prêt à lui demander raison de la crudité de certaines expressions dont il a l’habitude de se servir ; un fou les redoute et se tait devant les menaces. Une blessure grave reçue à l’oeil droit donne à son regard un caractère équivoque, de sorte qu’on dirait qu’il médite, qu’il étudie, quand il en fait que voir. Il produisit sur moi une fâcheuse impression ; cela devait être : je me sentis sous sa verge de fer, moi qui n’ai jamais su obéir qu’à une volonté de femme...

Elle est grande, svelte, blonde, un peu pâle. Son regard est plein de bienveillance, il rassure. Le son de sa voix console ; il y a de la poésie dans son langage. Elle a vu tant de misères, elle a entendu tant de gémissements ! Elle sait plaindre. Ce n’est point une mère tendre ; son âge vous défend cette douce illusion ; ce n’est pas simplement une amie ; vous éprouvez pour elle plus que de l’amitié, moins que de l’amour... Parlons peu de l’amour. J’ai habité plus de deux mois la maison du docteur Blanche ; fou et raisonnable, j’ai pu apprécier les qualités de la femme modeste et généreuse dont je vous parle. Cette femme est l’épouse du docteur. Vous voyez qu’on peut garder quelque souvenir aimable d’une maison de fous.

Je fus arrêté à six heures du soir, dans la rue de Grammont, par quatre robustes estafiers, qui s’emparèrent de moi par derrière, me serrant de leurs bras vigoureux. Je voulus essayer de me défendre... Vains efforts ! J’étais malade, très-souffrant, à l’agonie. Au nom du Roi ! Faut-il avoir le délire pour résister à cet ordre ? Je n’avais point le délire, et pourtant je résistai ; mais, en deux secousses, je me trouvai jeté dans une voiture, prête à me recevoir. Tout était bien calculé, prévu d’avance.

Le trajet fut long. Les estafiers causaient de la beauté de la ville, de la fraîcheur de la nuit ; et si je soupirais, ils m’invitaient à montrer du courage, à être homme. Leçons de courage données par un mouchard ! qui peut y croire ? Un mouchard sait-il ce que c’est qu’un homme, si ce n’est pour l’arrêter par derrière ? Je crois me rappeler pourtant que je leur dis que je n’avais pour eux aucune espèce de mépris... On fit bien de m’arrêter comme un fou.

Nous cheminions lentement, car nous avions des rues rapides à gravir ; et déjà, dans ce coeur horriblement torturé par une passion violente, avait pénétré un autre sentiment, l’indignation. Être colleté par un mouchard ! quel outrage ! Aux jours des émeutes j’avais éprouvé un semblable affront. Sans existence morale, le mouchard est l’homme du pouvoir ; lâche, il est l’homme de la force. Je me trompe, le mouchard est l’homme le plus courageux du monde, puisqu’il brave ce que les autres redoutent le plus, le mépris public.

Cependant nous arrivâmes à la porte de la maison de santé ; et je me rappelle les plus petites circonstances de ces lentes heures qui me torturaient si cruellement. Nous avons tant de fibres pour la douleur ! Je croyais entrer chez un juge d’instruction, chez un procureur du roi. On me l’avait vingt fois répété en route, en me parlant de poignards, d’incendie, de meurtres. J’écoutais mes gardiens en homme qui regrette de n’avoir pas fait assez pour justifier les rigueurs dont il est l’objet ; et quand j’interrogeais mes souvenirs confus, j’étais presque furieux d’avoir eu assez de raison pour ne pas briser tous les liens qui m’attachaient à la société. Le désespoir, comme la douleur, a ses degrés.

Après avoir traversé une petite cour ombragée par quelques arbres au feuillage triste et sombre, je pénétrai dans une vaste salle, occupée presque en entier par une table en fer-à-cheval. Je supposai, au premier coup d’oeil, que c’était la salle de la question, et je cherchais déjà, d’un regard curieux et ferme, les instruments des tortures... On me pria poliment d’avancer.

Quel tableau !... Des figures souffrantes, des figures hébétées, des figures riant sans gaîté, pleurant sans larmes, une seule figure de pitié, celle de madame Blanche ; et tout cela aggloméré pour ainsi dire dans un espace de dix pieds carrés... Ma tête n’y était plus, je crus rêver ; je voulais savoir, je craignais d’apprendre ; vous voyez que j’avais un peu de raison.

J’eus le temps d’observer. La faiblesse de mon corps donnait, je crois, de l’énergie à mon âme. Un petit homme, rond, rouge, bourgeonné, étendu sur un fauteuil, me regardait avec des yeux stupides, et riait de mon teint cadavéreux. De quoi riait-il ? Déjà deux fois j’avais détourné ma vue de cette figure bêtement moqueuse, ignoblement sardonique, tandis que mon homme me lorgnait toujours en souriant. Je crus à une lâche provocation, et déjà ma main de fer planait sur sa joue, quand une voix douce et compatissante me pria de m’asseoir. Une voix de femme pouvait seule avoir de l’empire sur moi ; j’obéis, mon courroux s’éteignit, et j’écoutai, assez calme, la fin d’une sonate qu’exécutait sur un piano une pensionnaire d’une vingtaine d’années. Madame Bel... était folle quand elle ne jouait pas du clavecin. Je l’appris plus tard.

Mais où étais-je donc ?... Le procureur du roi ne venait point, et un profond silence régnait dans la chambre voisine, où je devais, d’après mes idées, être soumis à de rudes épreuves.

Conduisez monsieur dans son appartement, dit la fée bienveillante à un domestique qui ne m’avait pas quitté un instant. Je suivis en automate ; et, après avoir traversé deux ou trois corridors, monté deux ou trois escaliers, on me poussa vigoureusement dans une chambre à croisée bardée de grillages et de lourds barreaux. Un lit de fort mince apparence, deux chaises, une camisole de force, voilà tout l’ameublement.

Le domestique s’était adjoint un de ses camarades ; et tous deux, froids, impassibles, me regardaient en hommes habitués à voir des hommes comme moi. – Que faites-vous ? que voulez-vous ? – Nous sommes ici pour servir monsieur. – Je n’ai besoin de rien, laissez-moi. – L’ordre nous a été donné de ne point quitter monsieur. – Le procureur du roi viendra-t-il bientôt ? – Il ne peut tarder. – Il fera bien s’il veut que je lui réponde, car je perds mes forces ; et pourtant je cherchais un aliment à ma rage.

Je me couchai à demi habillé. – Si monsieur veut bien, nous avons dans ce vase de l’eau d’orge ? – Pourquoi de l’eau d’orge ? – M. Blanche l’a ordonné. – Où suis-je donc ? – Chez M. Blanche....

Le bandeau tomba : je me croyais conspirateur ; je me reconnus fou !...

J’eus honte, je pleurai... Non, ce n’était pas de honte, c’était encore d’amour ; et, quand je me vis là, là, seul, en face de cette croisée à barreaux, en face de ces deux figures sans amitié comme sans haine, en face de tous mes souvenirs de bonheur et de regrets ; quand j’eus reconnu la puissance de ceux qui m’enchaînaient et la faiblesse de la victime ; lorsque, calculant la longueur des heures, l’éternité des minutes, et que ces murs froids, insensibles, m’eurent répondu : Voici ta place ! je me vis fou, fou à tout jamais, fou par elle, fou d’amour, la plus épouvantable, la plus poignante, la plus hideuse des folies....

Je me rappelai alors tout ce qui m’avait attiré là, et je fus étonné de ne pas me sentir les bras liés, les pieds liés, la gorge dans un collier de force. J’étais fou furieux.

Oh ! qu’il n’avoue point sa folie, celui à qui l’ambition bouleverse les idées ! qu’il cache avec soin son délire frénétique, celui que l’avarice, la haine, la soif de la vengeance conduisent à Charenton, à Bicêtre, ou chez le docteur Blanche !... Mais moi, fou d’amour, je puis le dire, je puis l’avouer sans rougir. Voyez aujourd’hui ; je suis calme, je raconte mes maux passés ; et il faut que la violence de mon mal ait été bien grande, pour que les plus légères impressions y aient laissé des traces si profondes. C’est un cauchemar qui brûle même après le sommeil ; c’est une balle qui vous brise un membre, et dont vous ne ressentez l’atteinte que long-temps après la blessure... Aux jours de la raison, les instants de la folie se retracent comme dans un miroir.... Ne dites point que cela ne peut être ; je l’ai senti, éprouvé.

M. Blanche entra.... Je me préparai courageusement aux douches ; car son langage, loin de me rassurer, glaça le peu de sang qui me restait. Il me parla de meurtre, d’assassinat, d’incendie ; c’étaient les mots donnés.... Je le crus fou lui-même ; et, toujours fidèle à mon naturel compatissant, je le plaignis, moi, moi que personne ne semblait plaindre.

Toute la nuit un homme cria à mes côtés ; c’était un fou qui demandait sa liberté... Moi, je regardais les murs, les barreaux, et j’avais mille vies pour souffrir, pas une main pour briser.

Cette nuit dura je ne sais combien de siècles ; le plus léger mouvement de mes gardiens me faisait tressaillir dans mon lit.... Je me levai. L’on me mit dans un bain ; et, pour la première fois depuis long-temps, mes yeux s’arrêtèrent sur une glace. Ma figure, entièrement bouleversée, me causa une émotion indéfinissable. Je pleurai ; je sentis des larmes de feu sillonner mes joues ; et quand je pensai qu’on était sans pitié pour de pareilles souffrances, la rage me saisit au coeur.... Je ne me rappelle plus rien, sinon que je revis encore madame Blanche, que ma rage s’éteignit, que mes larmes coulèrent moins amères, moins brûlantes, et que je demandai des livres. J’aurai eu du plaisir à parcourir un dictionnaire, les chiffres d’une table de logarithmes, des mots sans suite, des phrases privées de sens, comme celles des êtres qui m’entouraient, qui m’entourent encore aujourd’hui, et pour lesquels j’éprouve une pitié si vraie, hélas ! et si stérile.

M. Blanche revint auprès de moi. Ses paroles de raison calmèrent un peu l’effervescence de mes idées : je ne pensai plus au suicide ; et pourtant, à mes côtés, réfléchissait tristement, enveloppé dans un manteau brun, un homme de vingt-cinq à trente ans, que le feu de deux pistolets n’avait pu tuer. Les balles avaient traversé la mâchoire supérieure et étaient sorties entre les deux yeux.... Il y a des êtres cruellement poursuivis par le destin ! Cet homme vit encore.

Un autre homme, à la figure riante, à la mise soignée, au sourire gracieux, vint s’asseoir près de moi, en me demandant des nouvelles de ma santé. Je ne sais pas trop ce que je répondis ; mais lui, prenant un violon, joua des variations sur un thème connu, avec une grande vigueur et une précision remarquable. Je crois que je lui adressai quelques compliments. – Oh, oh ! me répondit-il, j’ai bien d’autres talents ! Je suis le fils de Joséphine et de Jésus-Christ, et je me rappelle parfaitement avoir été Gengis-Kan, Mahomet et Napoléon... Et vous, monsieur, vous souvenez-vous de ce que vous avez été ?... Votre cervelle, en passant dans le crâne d’un autre... Madame Blanche lui imposa le silence, et il se tut en riant.

Encore un sentiment de pitié pour un malheureux ! car ici il faut plaindre tout le monde.

J’eus la permission de me promener dans la cour, puis dans le jardin.... Je vis, je reconnus, j’étudiai presque ; je puis décrire, car j’ai toute ma raison.

Au haut de la butte Montmartre, sur un tertre dominé par les bras gigantesques de plusieurs moulins à vent, est un édifice irrégulier de quelque apparence, dont la façade blanche, assez élégante, appelle les regards des curieux. Un rez-de-chaussée, un premier et un second étage, quatorze croisées, dont plusieurs à barreaux, d’autres à grillages, voilà l’aspect de l’hôtel. Deux petites ailes latérales, dont celle de gauche est habitée par le docteur et sa famille, semblent ajoutées au principal corps de logis ; un peu de verdure à côté de la grille, voilà la cour.

Le derrière de la maison a également deux étages, et donne sur un jardin à l’anglaise, petit, mais agréable. Les malades, les idiots, les fous, s’y promènent à volonté ; ceux dont la folie est dangereuse sont séparés des autres par une haute palissade de planches, qu’ils ne peuvent ni franchir, ni abattre. D’un côté la douleur, de l’autre le désespoir ; ici, les souffrances morales dans ce qu’elles ont de plus poignant ; là, les douleurs physiques et les affections de l’âme dans ce qu’elles ont de plus triste. On répand des larmes amères dans la première enceinte ; l’autre a des crises plus sombres, plus corrosives.... J’aime mieux le mal qui ôte la raison.

Presque chacune des chambres du local que je visite rappelle des drames à déchirer le coeur. Ici a gémi pendant long-temps, et gémit encore, un Portugais de naissance, dont le frère, âge de douze ans, fut pendu à Coïmbre, complice d’un projet tendant à renverser la forme du gouvernement. – Que ferons-nous de cet enfant ? dit le grand-juge à une femme ; il n’a que douze ans. – Douze ans ! répondit-elle ; tant mieux ! qu’on le pende vite, il ira souper avec les anges.... mais son frère, un peu plus âgé que lui, assiste au supplice, au pied de l’échafaud.... La femme qui commandait cet assassinat était la mère de don Miguel. L’enfant fut pendu ; et le frère, témoin de cet horrible spectacle, en perdit la raison. Les soins et l’habileté de M. Blanche lui rendirent la santé, qu’il reperdit plus tard, sans cesse poursuivi par le cadavre de son frère cadet balancé dans les airs.

Voici encore une chambre historique.... Elle a gémi, pendant de longs jours et d’éternelles nuits, entre ces quatre murs sans ornements, une femme héroïque, qui devint folle à force de bonheur... Madame Lavallette a pleuré là, sur cette couche de misère. Sir Robert Wilson, Bruce et Hutchinson arrachèrent le mari au plomb royal.... Gloire à eux ! le comte est mort aujourd’hui, et madame de Lavallette doit à M. Blanche une guérison presque miraculeuse.

Voyez-vous cette jolie cellule, au rez-de-chaussée, donnant sur le jardin ? regardez cet homme qui la parcourt d’un pas égal et précipité, c’est le général Travot. Condamné à mort au retour des Bourbons, il dut à leur clémence* une commutation de peine, une prison à perpétuité. Sa raison s’alinéa ; il prit en haine le genre humain, et le voilà maintenant rudoyant qui le touche, heurtant qui lui parle, se fâchant aussi contre le docteur, et sifflant sans cesse les airs patriotiques de la révolution de 93... C’est tout ce qui lui reste de ses souvenirs... Ne présentez pas la main au général Travot ; il vous frappera.

Ce jeune homme à la figure mélancolique, et pourtant spirituelle, est un idiot. Maître d’une fortune considérable, il se précipite avec bienveillance vers toutes les personnes qui l’entourent : Comment vous portez-vous ?... Très-bien... Moi aussi ; j’en suis enchanté*... et il vous quitte. Un peu de raison et moins de fortune, voilà un homme ; aujourd’hui c’est un idiot.

Quant à son voisin, c’est le recueillement du chartreux accroupi à côté de sa fosse ; c’est le dernier adieu de la vierge amoureuse, qui quitte le monde pour le cloître ; c’est la stupidité de la brebis qu’on porte à l’abattoir, c’est la dernière réflexion du misanthrope qui va se suicider.... Il regarde ses pieds, et le voilà, toute la journée, le front baissé et l’oeil fixe. Il lève la tête, et pendant des heures entières sa tête et son corps sont immobiles.... S’il marche, on dirait un automate mû par des ressorts cachés ; quand il s’assied, c’est que l’horloge n’est plus montée.... Ce jeune homme s’appelle Adolphe ; il est riche aussi. Selon toutes les apparences, il vivra long-temps, et il mourra comme il a vécu, sans regret, sans soucis, sans amour. Qu’a-t-il fait pour être ainsi favorisé du ciel ?

Pauvre femme ! quelle sombre mélancolie répandue sur ses traits ! Elle n’aspire qu’à se tuer ; et pourtant elle joue avec des couteaux, avec des rasoirs, avec des fourchettes aiguës. Pourquoi ? Ce n’est pas ainsi qu’elle doit disparaître ! Elle s’est déjà deux fois précipitée dans un puits ; elle ne veut mourir qu’ainsi ; toutes les autres morts l’épouvantent ; celle-là seule la rassure, la console. Si vous lui parlez d’un puits, elle vous sourit, elle vous caresse, elle est votre amie. Ne lui parlez pas d’autre chose, elle ne vous comprendra pas, ou elle vous fuira. Mais un puits !... Je lui parlais souvent de puits, moi ; aussi j’étais son chéri, son intime. Quelle bizarrerie ! J’aime jusqu’à l’affection des fous.

Je ne vous dirai que quelques mots de la soeur d’un de nos comédiens, à qui les Jocrisse ont fait une si belle réputation, et dont la probité égale le mérite. Sa folie n’est point dangereuse, mais fort originale ; elle craint de mourir de faim, et seulement après ses repas. Il est rare de voir un si petit corps engloutir tant d’aliments ; et, dès qu’elle est sortie de table, ses larmes coulent en abondance, ses plaintes accusent l’avarice du genre humain, et ses cris assourdissent toute la maison.

Eh bien ! je suis moins ému de ces cris et de ces larmes que des éclats bruyants de cette jeune mère qui, nu-tête, parcourt sans cesse le jardin, en sautant, poursuivie par une idée heureuse. Le rire sur les lèvres d’un agonisant ne me déchirerait pas autrement le coeur.

Voilà pourtant ; tous ces êtres dont je vous entretiens, et vingt autres encore se parlent tous les jours, se croisent dans tous les sens, se donnent la main, se caressent parfois... La voix de M. Blanche les arrête au milieu de leur désordre, celle de madame Blanche les calme comme par enchantement ; et c’est un spectacle consolant que celui de tant de créatures réunies dans un salon, obéissant, timides et craintives, à des ordres donnés sans rudesse, à des invitations faites d’un ton paternel. On dirait de la magie.

On déjeune à dix heures, on dîne à cinq. Des mets sains et choisis sont servis par M. ou madame Blanche. C’est un pensionnat, moins le brouhaha de nos colléges. Le maître seul a la parole ; le reste se tait. Les sourds-muets n’observent pas un silence plus religieux ; les frères de la Trappe ne devaient pas manger autrement. Il y a des exceptions ; mais alors les gardiens font leur devoir, et les camisoles et les douches ramènent l’ordre.

Après le repas, on se réunit ordinairement dans un vaste salon, où le fils de Jésus-Christ et de Joséphine fait de la musique. Là encore vous retrouvez, étendu sur un fauteuil, et riant d’un rire malin, comme s’il venait de gagner un prix à une course de New-Market, cet Anglais blafard et bourgeonné que j’eus tant envie de souffleter le jour de mon arrivée. On dirait un pacha qui attend sa favorite ; on jurerait un auteur après un premier succès au Gymnase ou au Vaudeville : mais point. Cet homme croit qu’on lui parle sans cesse à voix basse, et rit des propos qu’il entend.... Heureuse folie qui ne se nourrit que d’idées gracieuses !...

Que de douleurs corrosives ont hurlé dans ces chambres à barreaux de fer ! que de misère humaine s’est dessinée avec sa hideuse nudité dans ce jardin aujourd’hui sans verdure ! Il y a plus de dix ans que cet homme le parcourt chaque matin et chaque soir, à certaines heures indiquées, et de longues années encore sont promises à ses forces physiques. Son oeil est vif, ses mouvements rapides, son corps robuste également insensible aux chaleurs de l’été et aux vents glacés de l’hiver. Pour lui il n’y a qu’une saison, celle de la souffrance. Une âme ardente a dévoré sa raison. Il voulait soulager le genre humain, l’arracher à ses calamités ; c’était son rêve de toutes les minutes ; il devait devenir fou. Le voilà aujourd’hui ; il ne caresse plus sa chimère ; au contraire, il a les hommes en horreur, il les fuit, il les repousse, il les croit tous ses ennemis. Celui qui le regarde l’outrage ; celui qui l’interroge irrite ses muscles, fait battre violemment ses artères. Le malheur des autres a fait son malheur... Cette folie est rare, n’est-ce pas ?... Une vie séculaire attend ce misanthrope : cent ans de souffrances, quand on peut tant souffrir en une minute !!! Oh ! quelle éternité de joies pourra jamais le payer !

Je voulais consigner dans cette rapide analyse une foule d’anecdotes intéressantes dont chaque mur et, pour ainsi dire, chaque pierre de la maison que j’ai habitée gardent le souvenir. Je voulais vous parler aussi de cette madame de Cal......, dont le talent sur le piano est égal à celui de nos plus habiles professeurs, et qui dépense en imprécations, sous des barreaux, depuis bien des années, une vie forte et courageuse. Elle donnait un bal ; en reconduisant une de ses amies, elle fit un faux pas et roula le long de son escalier. Le lendemain, elle cessa de sourire, de donner des fêtes... Ne pourrais-je pas aussi jeter quelques larmes sur cette bonne madame***, mère d’un brave général, aide-de-camp du ministre de la guerre ? Sa folie est périodique : pendant six mois, c’est la douceur, la bonté et la religion dans ce qu’elles ont de plus touchant et de plus suave ; une heure suffit pour porter le désordre le plus épouvantable dans une tête et dans un coeur auprès desquels vous étiez à l’instant si bien à l’aise. Misère humaine !

Écoutez cependant une anecdote dont tous les personnages vous sont connus, à vous qui hantez les grandes maisons et assistez à de brillantes fêtes. Je tais les noms de mes héros ; c’est tout ce qu’ils ont droit d’exiger de ma discrétion.

Rosalie (elle ne s’appelait point Rosalie) fut conduite ici, il y a quelque temps, par un homme d’une trentaine d’années et confiée aux soins spéciaux de M. Blanche. Il n’y avait point de délire dans sa tête, et la fréquence de son pouls n’était pas assez grande pour faire supposer au docteur que l’indisposition annoncée par le battement des artères, fût la cause première de l’arrivée de la jeune femme... Le lendemain, la raison de Rosalie disparut, et M***, qui l’avait conduite la veille, pria M. Blanche d’essayer quelques remèdes. Celui-ci, étonné de la recommandation, engagea le protecteur à s’en rapporter à ses soins, et commença un traitement.

Trois mois s’étaient écoulés, et Rosalie était toujours folle. M*** revint avec son frère. Certains, dirent-ils, de l’inefficacité des efforts du docteur, ils étaient d’avis d’envoyer Rosalie à Charenton, attendu qu’ils n’avaient point assez de fortune pour payer plus long-temps une pension trop forte. – Je vous réponds de sa guérison, leur répondit M. Blanche, si vous  me la confiez pendant deux ou trois mois ; et, pour partager avec vous une bonne action, je consens à ne recevoir de vous que mes déboursés. Mais, sur quelques représentations des deux frères, qui tendaient à enlever de cette maison celle à laquelle ils avaient paru d’abord prendre un si grand intérêt, le docteur leur déclara qu’il ne voulait point la leur livrer, et qu’il la garderait à ses frais.

Après avoir vraiment combattu cette généreuse résolution, MM*** se retirèrent, et M. Blanche redoubla de soins pour obtenir un heureux résultat. Ce résultat eut lieu au bout d’un mois ; Rosalie vécut et pensa.

L’oeuvre charitable du docteur étant commencée, il prit à coeur de la mener à bon port. Ses attentions délicates, ses prévenances, les politesses affectueuses de madame Blanche, arrachèrent enfin à la jeune fille le secret de ses tourments. Séduite par M*** cadet, et persécutée par les assiduités du frère aîné, le premier par faiblesse, le second par vengeance, ils résolurent de cacher aux yeux du monde une grossesse que Rosalie ne pouvait guère plus déguiser. Aidés dans leurs projets par un troisième complice, c’est chez ce dernier qu’ils conduisirent l’infortunée, le jour où elle mit au monde son enfant... Elle avait été portée dans cette maison, la nuit, dans un fiacre ; et là aussi naquirent dans son âme les premiers soupçons d’une perfidie. C’était le frère du séducteur qui l’avait accouchée ; et lorsqu’elle demanda à embrasser son enfant, on lui répondit qu’il était mort... La voilà folle.

Dès que M. Blanche l’eut rappelée à la raison, Rosalie, toujours sous l’influence de sa première tendresse, demanda à embrasser son amant... – Hélas ! madame, lui dit le docteur, voilà près d’un mois qu’il n’est venu ici. – Lui ! – Oui, madame ; et je ne dois pas vous cacher que je suis révolté de sa conduite à votre égard. – Expliquez-vous, je suis calme. – Non seulement je ne crois pas que M*** vous aime encore, mais je suis convaincu de sa résolution de vous fuir à jamais. Vous êtes ici malgré lui, malgré son frère ; et si vous me promettez d’entendre, sans que votre délicatesse en soit blessée, un aveu pénible à vous faire, j’ajouterai qu’ils ont refusé de payer votre pension. – Docteur, mon enfant n’est pas mort, s’écria cette mère au désespoir. Permettez-moi de sortir, docteur ; dans une heure, je saurai toute la vérité. Oh ! laissez-moi sortir !

Rosalie, suivie par une personne de confiance, et guidée sans doute par ce puissant instinct qui ne trompe jamais une mère, descend rapidement la butte Montmartre, parcourt diverses rues dont elle ignorait le nom, et s’arrête un instant devant une porte cochère qu’elle franchit d’un pas sûr... Elle monte trois étages, elle s’attache au cordon d’une sonnette ; un homme paraît ; c’est l’ami chez lequel elle est accouchée. – Monsieur, mon enfant ! – Mais, madame... – Mon enfant, vous dis-je... et toute une âme maternelle est dans sa voix et dans son regard. – Madame, votre enfant est mort. – Vous mentez ; mon enfant n’est pas mort ; et si, sur-le-champ, sans ajouter une parole, sans faire un geste, sans exprimer un regret, vous ne me dites où est mon enfant, vous êtes arrêté, perdu, déshonoré. – Calmez-vous, madame, calmez-vous, je vous prie ; et puisque vous savez qu’il n’est pas mort, je ne vois pas d’inconvénient à vous avouer que, d’après les ordres de M*** aîné, il a été porté, tel jour, aux Enfants-Trouvés, où il est inscrit sous tel numéro. – Mentez-vous ? – Je dis vrai.

Rosalie est déjà aux Enfants-Trouvés... Oui, voilà bien le numéro de son fils ; la bienheureuse mère n’a pas tout perdu, son enfant lui reste... On ouvre un second registre... – L’enfant est mort peu de jours après son entrée à l’hôpital !...

L’infortunée est ramenée mourante chez M. Blanche, qui apprend alors les détails de cette hideuse persécution. L’honneur et la délicatesse de celui-ci ne balancent pas une minute. – Rassurez-vous, dit-il à sa protégée ; et si vous voulez me charger de la direction de cette affaire, j’ose me flatter qu’elle aura pour vous une heureuse issue. M’autorisez-vous à agir ?... Rosalie lui confia le soin de son avenir, et M. Blanche se prépara au rôle qu’il allait jouer.

Dès le lendemain matin il écrit aux deux frères ***, une lettre d’une grande sévérité, et finit en leur déclarant que si, dans deux heures, ils ne sont pas chez lui, c’est au procureur du roi qu’ils auront à rendre compte de leur conduite.

Ils furent exacts. M. Blanche leur reprocha la cruauté de leurs procédés envers une infortunée qu’ils avaient voulu perdre après l’avoir déshonorée ; il accusa le plus jeune des deux frères d’une coupable condescendance à de funestes conseils, reprocha à l’aîné ses persécutions amoureuses auprès de Rosalie, même après avoir appris qu’elle était déjà victime du lâche amour de son frère, et leur déclara que si le lendemain, à la même heure, ils ne lui apportaient pas 40,000 francs, comme un bien faible dédommagement des malheurs de Rosalie, il prendrait, lui, une détermination qu’il avait d’abord repoussée, pour ne pas vouer au mépris général un nom jusque-là recommandable. Du reste, ajouta M. Blanche, vous avez à opter entre cette proposition et votre mariage avec la jeune femme que vous avez séduite. Vous la connaissez, vous savez si elle fera céder son indignation à ses devoirs, ou peut-être encore à son amour, et je ne doute point qu’en prenant ce dernier parti vous ne me remerciiez un jour de vous l’avoir généreusement proposé.

Les conseils du frère aîné l’emportèrent sur les exhortations de M. Blanche, et le lendemain, en effet, celui-ci reçut quarante billets de banque de mille francs qu’il se hâta de présenter à Rosalie.

Non, monsieur, lui dit la jeune délaissée ; je sais être pauvre et malheureuse ; je ne veux point d’argent, je n’en accepterai pas. Si M*** me refuse sa main, mon parti est pris irrévocablement, je me tuerai.

Cette réponse fut sur-le-champ rapportée à M***. M. Blanche y ajouta quelques nouveaux conseils qui déterminèrent enfin une résolution équitable. Le séducteur de Rosalie épousa sa victime ; et tous deux aujourd’hui, heureux du présent, tranquilles sur l’avenir, n’interrogent le passé que pour en effacer les heures d’alarmes. Rosalie se souvient toujours qu’elle a été folle d’amour ; elle le dit à ses amies, elle leur raconte ses émotions, ses minutes d’espérance, ses journées d’angoisses, et je lui ai entendu souvent répéter qu’une pareille vie n’était pas sans quelque douceur... Ne la croyez pas ; elle ment pour épargner des remords à son mari.

Maintenant votre coeur ne se serrerait-il pas à la vue de cette salle triste, silencieuse, où arrivent, agités par de brûlantes convulsions, ou inaccessibles aux plus violentes secousses, une douzaine d’hommes (sont-ce des hommes ?) qui se retrouvent chaque jour sans joie, sans sourire, sans pitié les uns pour les autres ?... Voyez ce corps maigre et élancé, c’est celui de monsieur Four..., docteur habile et studieux, que l’amour de la science et des voyages entraîna dans les forêts et les savanes de l’Amérique, et qui, riche de ses souvenirs et de ses précieuses collections, fut arrêté par des sauvages, pillé, maltraité, laissé pour mort sur le sable. Plus tard, il arriva à New-York, privé de sa raison. L’effroi, et le regret d’avoir perdu le fruit de tant de peines, tuèrent les brillantes facultés de Four... ; il fut enfermé dans les cabanons de New-York, où le général Lafayette, dans son dernier voyage aux Etats-Unis, le reconnut pour le fils d’un de ses amis, et d’où il le ramena en France. Le voilà aujourd’hui, l’oeil fixé vers le ciel, le sourcil menaçant, les bras croisés sur la poitrine, immobile, et dans l’attitude d’un homme de coeur qui attend le coup de la mort. Ses accès de rage sont fréquents, et la vigueur de plusieurs gardiens est nécessaire pour l’assujettir à la camisole de force... Je voyais Four... presque tous les jours ; et, presque toutes les nuits, lorsque je me trouvais seul dans ma chambre, c’était lui sur qui je reportais le plus de pitié.

Un mulâtre, jeune et vigoureux, est également renfermé dans ce salon de misère et d’abrutissement ; son amour désordonné pour l’architecture l’a conduit à la maison Blanche, d’où il ne sortira que pour être porté dans le champ voisin, semé de dalles de marbre et de petites croix noires, qu’il peut voir à toute heure de sa croisée à barreaux. La folie de cet homme est extraordinaire ; il ne se plaît que debout sur une chaise, ou hissé sur l’âtre de la cheminée. L’en faire descendre, c’est exciter sa colère et vous exposer à sa fureur ; laissez là cet infortuné ; son sourire est l’indice d’une douleur aiguë, ses caresses, le prélude de violences extrêmes ; ne le voyez point sourire, empêchez qu’il vous tende la main.

Voici encore un jeune homme, qu’un second mariage de sa mère a arraché à la société. Il était amoureux et jaloux de celle qui lui avait donné le jour ; il a mérité sa place ici. C’est un rusé adolescent sur qui l’oeil des gardiens doit être constamment ouvert. Hier en passant dans la cour, il aperçut la porte de la grille entr’ouverte ; aussitôt, se débarrassant de ses satellites sans défiance, il s’élance vers la rue, et se sauve dans la campagne. Mais les domestiques de la maison sont lestes aussi, et peu de temps après, le fugitif se trouva sous une douche rapide et glacée qui lui fit doublement regretter le peu de succès de son escapade. – Où alliez-vous ? lui dis-je. – J’allais me noyer. – Où donc ? – Oh ! je vois le canal tous les jours. – Et pourquoi vous noyer ? – Parce que je suis malheureux. – Vous sentez donc votre malheur ? – Que trop ! – Qui le cause ? – Des souvenirs. – Lesquels ? – Vous êtes un scélérat, si je vous tenais sous ma main, je vous étranglerais. – Vous êtes bien honnête. – Laissez-moi, je vous prie. – Je ne veux rien faire qui puisse vous affliger ; adieu. – Au diable ! – Merci...

Il y a dans le salon de Four... un vieillard qui ne sourit que lorsqu’on lui gratte la tête. Il cesse d’être fou pendant l’opération, hors de là c’est un idiot, et parfois un furieux. Presque toujours j’ai trouvé à ses côtés un original fort paisible, sans cesse armée d’une poignée de petites verges qu’il regarde avec amour. Vous croyez peut-être que c’est un vieux maître d’école veuf de ses jeunes élèves ; point. Sa folie est cela ; sans but, sans souvenir, sans suite dans ses sensations, il demande en se levant une poignée de baguettes, et il y aurait de la cruauté à les lui refuser, puisque sans elles il est bruyant, brutal et quelquefois même dangereux.

D’autres fous sont là, sur des chaises, sur des canapés. Le fils de Jésus-Christ, qui se dit depuis quelques jours le père de Dieu, vient les voir souvent, et les égayer par les accords de son violon. J’ai remarqué que les fous sont sensibles à la musique ; à moi elle me déchirait le coeur.

Curieux, détournez vite vos regards de l’appartement des femmes ! ma plume se refuse à retracer tant de misère, tant de douleurs. Si vous allez visiter la maison Blanche, fuyez d’un pied rapide cette salle hideuse, où la faiblesse se trouve aux prises avec ce que les passions ont de plus corrosif...

Croyez-vous aussi que je veuille vous conduire dans tous les sentiers de cette maison de deuil pour quelques-uns, d’espérance pour beaucoup d’autres ? Non ; la maison Blanche a ses secrets que tout le monde ne doit pas connaître, et je ne peux pas trahir des secrets confiés à ma raison, car ma raison revint tout entière un beau jour. Un seul remède avait la puissance d’opérer le miracle : ce remède, c’est elle qui me l’apporta ; et depuis lors, sans honte, sans regrets, j’ai dit tout ce que j’avais éprouvé.                           

 JACQUES ARAGO.

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