Extraits du Bulletin de la Société d'Horticulture et de Botanique du Centre de la Normandie, n°5 - 1876.
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EXTRAITS
du

BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'HORTICULTURE
DU
CENTRE DE LA NORMANDIE

N°5 - 1876

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RAPPORT
Sur une visite de pêchers de plein vent, à, Orbec, dans le jardin de M. de La Rouvraye

MESSIEURS,

Invités par l'honorable président de la Société à procéder à l'examen de deux pêchers de plein vent, nous nous sommes rendus, M. Eugène Rivière et moi, à Orbec, dans le jardin de M. de La Rouvraye.

Après nous être rendu compte de l'exposition où les arbres fruitiers étaient plantés, et avoir constaté qu'abrités des vents du Nord par les collines avoisinantes, et encadrés par divers bâtiments qui concentrent sur eux les rayons solaires d'été, ils se trouvent dans d'excellentes conditions pour une fructification abondante, nous apprenons de la bouche de M. de La Rouvraye l'origine de ces pêchers.

Ils proviennent, dit M. de La Rouvraye, de noyaux jetés au rebut, au sortir de la table, parmi d'autres mélangés aux détritus végétaux provenant du jardin.

Aucun soin de stratification, aucun secours de l'art horticole n'a présidé à leur germination que l'on peut considérer, en ce cas, comme fortuite et accidentelle. Plusieurs noyaux germèrent et donnèrent naissance à différents sujets, parmi lesquels furent choisis ceux qui présentèrent une apparence plus vigoureuse.

Transplantés, deux de ces pêchers, qui nous ont paru être livrés à leur propre développement, offrent une végétation luxuriante, dont la cause, à notre avis, doit être attribuée non-seulement à la fraîcheur du sol, mais encore aux soins de défoncement et d'amendements spéciaux pratiqués dans les carrés avoisinant la bordure où se trouvent les arbres fruitiers dont il est question. Les racines ont donné, en effet, libre cours à leur tendance naturelle, qui les pousse à rechercher le sol remué, bonifié, généreux.

De là, pour les arbres fruitiers qui ont fait l'objet de notre inspection, une physionomie toute particulière : tige droite ; tronc brun-verdâtre, abondamment lenticellé ; tête bien conformée ; larges feuilles longuement lancéolées, d'un vert foncé et brillant, à pétiole rougeâtre ; rameaux solides, fermes, bien colorés du côté où le soleil exerce sa plus vive action ; fruits à duvet abondant, fortement colorés, régulièrement arrondis, très-gros, pesants même (quelques pêches gracieusement offertes par M. de La Rouvraye au président de la Société accusaient des poids variant de 225 à 295 grammes, et offraient une circonférence de 25 à 28 centimètres). Peau se détachant assez facilement de la chair. Chair peu adhérente au noyau, pourvue d'une eau abondante, blanche, un peu verdoyante, colorée de veines rouges autour du noyau, parcourue par quelques filaments verdâtres, et offrant au goût une légère acidité.  Noyau fort, ovoïde, arrondi sur les flancs, terminé par une pointe longue, aiguë, logée dans une cavité rayée de jaune sur fond rouge, sillonné très-profondément.

La saveur du fruit, en tant que produit d'un arbre de plein vent, est agréable ; mais elle est, sans conteste, celle générique aux fruits de cette catégorie ; les filaments verdâtres, presque ligneux, qui sillonnent la chair, nous confirment eux-mêmes le certificat d'origine.

Impossible nous a été de déterminer avec la précision désirable l'espèce véritable des pêchers en question, malgré les ressemblances presque typiques que nous paraissaient présenter les fruits avec ceux de variétés déjà connues et depuis longtemps recommandées comme méritantes. En effet, les semis de pêchers, plus que tout autre, sont soumis à une foule de hasards, et les arbres que l'on obtient ont une tendance plus ou moins accentuée à reprendre les caractères de l'espèce sauvage ; aussi est-ce une bonne fortune d'obtenir quelques arbres de mérite sur un nombre un peu considérable de noyaux semés. Tel a été le cas des pêchers soumis à notre examen.

Quoique nous n'ayions pu affirmer le nom à donner aux pêches dont il est question, nous avons engagé M. de La Rouvraye à tenter la multiplication par greffe sur prunier.

De cette façon , l'espèce s'améliorera et sera certainement, par les soins de culture spéciale appliquée au pêcher d'espalier, ramenée à son type originel. L'acidité disparaîtra, et la saveur toute particulière du fruit compensera largement les soins du propriétaire.

Avant de quitter le domaine de M. de La Rouvraye, où l'accueil le plus sympathique et le plus courtois a accueilli les membres de la commission, nous nous sommes entourés de tous les renseignements possibles pour arriver à une détermination exacte ; les relations de l'honorable président de la Société avec plusieurs professeurs d'arboriculture nous faciliteront certainement cette recherche, à laquelle nous portons le plus vif intérêt.

L. BASSIÈRE.

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Application de l'Engrais chimique à la culture des Liliacées.

Avant de vous exposer les résultats de l'application que j'ai faite de l'Engrais chimique, je crois utile d'entrer dans quelques détails sur la composition des corps organisés.

Quatre substances ont une importance majeure ; on les retrouve toujours associées dans l'organisme végétal ; ce sont le carbone, l'oxygène, l'hydrogène, l'azote ; à ces corps, il faut ajouter le soufre, le phosphore, le manganèse, le chlore, le fer, etc., et surtout les composés alcalins de quelques métaux, tels que la chaux, la silice, la soude, la potasse.

Mais c'est toujours à l'état de, combinaison que ces diverses substances peuvent entretenir la vie dans tout végétal et lui faire subir d'incessantes transformations.

Ainsi le carbone, qui forme la majeure partie de la charpente solide des plantes, ne peut être absorbé que sous forme d'acide varbonïque, soit libre, soit combiné avec d'autres composés ; de même de l'hydrogène, de l'azote et des autres substances énumérées plus haut.

De plus, les substances diverses ne peuvent être assimilées et transformées en organes, qu'en subissant d'incessantes compositions et recompositions. Une partie de leurs éléments est rejetée au dehors ; une autre est conservée et devient, sous des formes diverses, partie intégrante de la plante.

Les végétaux sont donc des laboratoires de chimie, travaillant sans relâche à la composition des substances qui sont le véhicule de la vie sur ce globe.

A leur tour, les animaux, qui sont des appareils de réduction, recomposent les végétaux et les ramènent ainsi au monde inorganique.

C'est grâce à ce va et vient, antagonisme apparent, qu'ils se maintiennent et peuvent durer en quelque sorte indéfiniment. Arrivant à la nutrition, à l'accroissement des plantes, nous trouvons qu'ils sont dus à l'absorption, par les feuilles, des gaz contenus dans l'atmosphère, et aussi à l'absorption dans le sol, par les racines, de substances nutritives solubles provenant de la décomposition très avancée de débris ou détritus végétaux ou animaux.

Cette assimilation par les plantes des éléments qui concourent directement à leur constitution, et forment la base de leur existence et de leur développement, a été l'objet d'études et de recherches de la part de MM. de Saussure, Liebig, Boussingault, Dumas, Payen et d'autres savants dont le nom est inséparable des progrès de l'agronomie.

Ils ont pris pour base principale de leurs expériences le fumier de ferme, composé de détritus organiques en décomposition, favorisant sur le lieu même la production d'une plus grande quantité d'acide carbonique et d'ammoniaque en contact avec les racines des plantes confiées au sol.

Or, quand on mélange dans une terre des débris organiques, des engrais, on lui restitue une portion de matières minérales variées, dont l'efficacité est d'autant plus grande qu'elles sont plus divisées.

Mais dans l'alternance presque continue des récoltes, la quantité de sels ou d'oxyde passant en dissolution diminue d'une façon sensible au détriment de certaines plantes qui ne trouvent plus dans le sol les conditions normales de fertilité et de fructification. C'est donc la nécessité de maintenir la fertilité du sol, de restituer à celui-ci ce qu'il a fourni aux récoltes, qui a donné lieu à la création d'un engrais de composition variable dans de certaines limites suivant la nature des végétaux à cultiver et suivant les récoltes à obtenir.

L'Engrais chimique qui fait l'objet de ce rapport possède une formule dont je ne connais pas les termes précis.

C'est sur l'analyse du froment et celle du fumier de ferme que s'est appuyé l'inventeur pour le composer ; en additionnant une dose plus forte d'azote à celle fournie en partie par le sol et en partie par l'atmosphère, en distribuant dans la couche superficielle du sol, qui s'enrichit peu à peu, des éléments qu'on lui rapporte, en distribuant, dis-je, l'acide phosphorique, la chaux, le fer, ces derniers à l'état de sulfate, il arrive à suppléer à l'insuffisance fisance des principes indispensables à une belle végétation et à un rendement rémunérateur.

Voulant me rendre un compte exact des qualités de l'engrais chimique, je m'adressai à un de nos honorables collègues, M. Gibourdel, qui me mit gracieusement à même de tenter l'expérimentation sur les liliacées.

Je divisai l'essai en deux cultures :

Culture no 1. — Après avoir fait dissoudre 40 grammes de l'engrais chimique dans 10 litres d'eau, je plantai 24 jacynthes, 2 douzaines de tulipes duc de Thol, 48 crocus variés, dans des pots de 11 centimètres de diamètre et remplis de sable de carrière ; tous les huit jours, j'arrosai avec la solution à raison de 40 grammes chaque fois. Tous les quatre jours, arrosement avec de l'eau pure.

Culture no 2. — La même quantité de plantes furent à la même époque confiées à des pots de 11 centimètres, remplis de terreau composé par tiers de terre de jardin, de terreau de feuilles, de terre de bruyère. Tous les quatre jours, arrosage avec de l'eau pure.

A partir du 4 janvier 1876, j'arrosai tous les huit jours les plantes no 1 avec la solution portée à 60 grammes pour 10 litres d'eau (c'était à l'époque où les hampes de fleurs commençaient à  pointer), sans cesser l'arrosage à l'eau pure tous les quatre jours pour les sujets des deux catégories.

Au premiers mars, toutes les plantes étaient en fleurs ; la seule différence que je constatai, c'est dans le feuillage des plantes de la 1re catégorie, qui était plus vert et plus sombre que celui des plantes de la 2e. La tenue des hampes, le coloris étaient excellents et identiques dans les deux cas. De cette expérimentation, à laquelle j'ai apporté le plus grand soin, je tire cette conclusion : que les plantes de la 1re catégorie n'ont dû leur végétation et leur inflorence qu'à l'addition de substances minérales solubles contenus dans l'engrais chimique ; car on ne doit pas ignorer que le sable siliceux ne sert qu'à diviser le sol, et ne contient pas une nourriture convenablement préparée pour l'assimilation. Quant aux plantes de la 2e catégorie, elles sont arrivées à leur développement complet, à leur inflorence rationnelle par suite de la composition convenable du mélange de terreau auquel elles étaient confiées. Aucun ne leur a manqué des 12 ou 14 éléments indispensables à une végétation normale.

Les principaux avantages à recueillir de l'emploi de l'engrais chimique, sont : Economie de main d'oeuvre pour la préparation des composts qui n'ont plus de raison d'être ; Economie de temps pour le rempotage, qui n'est plus nécessaire, puisque les plantes se contentent de pots d'une dimension exigue et peuvent y parcourir toute leur carrière végétative ; Propreté dans l'opération de l'arrosage, ce qui n'arrive pas d'ordinaire, surtout quand il est fait usage d'engrais liquides d'une odeur dégoutante, ou de matières animales d'une prompte décomposition et dégageant des miasmes désagréables, qui s'imprègnent dans le tissu des plantes et leur sont nuisibles.

J'engage mes collègues à répéter cette expérience sur toutes sortes de végétaux, en leur recommandant toutefois de se servir de terre de jardin ; le résultat devra être plus concluant en faveur de ce nouveau mode de culture, dont les bienfaits ont été reconnus déjà par des horticulteurs de haut mérite.

L. LOUTREUL.

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L'INFLUENCE SOCIALE DES FLEURS

Il faut le reconnaitre, les fleurs ont leur influence dans la famille et dans la société. Ce n'est pas seulement pour le plaisir des yeux, pour le charme de l'odorat ou la parure de la beauté, qu'elles sont sorties des mains du créateur ; elles sont nées pour donner à nos maisons cette douce gaieté, ce charme plein de douceur qui les font aimer.

Brillantes, fraîches et parfumées, elles répandent autour d'elles quelque chose d'elles-mêmes : les caractères les plus violents s'adoucissent dans leur voisinage en se pénétrant à leur insu de bonté et de poésie.

Les fleurs, en effet, réclament des soins intelligents et délicats; si on les veut belles (et on le veut toujours) il les faut arroser, les mettre au soleil, les émonder, les soutenir avec un tuteur, les dresser contre une muraille, leur donner à tout instant un coup d'oeil ami. Les plus simples même, comme les humbles violettes, ne dédaignent pas les témoignages de sympathie de celui qui les possède.

En échange des soins qu'elles réclament, elles rendent plus d'un service : on est payé au centuple du temps qu'on leur donne. Veut-on que la maison conjugale devienne un petit paradis où le mari et la femme, le père, la mère et les enfants embellissent leur vie d'une affection mutuelle et d'un dévouement sans bornes ? Qu'on entoure de fleurs cette maison ! Qu'on en remplisse tous les appartements ! -- Les heureux habitants de l'île de Jersey l'ont bien compris ; ils ont le culte du foyer domestique et l'amour de la famille ; leurs maisons parfumées et fleuries ont réalisé l'idéal du doux chez-soi, de l'home, swelt home, que les anglais connaissent si bien et dont nous voudrions voir le goût se répandre un peu plus dans notre pays. L'esprit de famille est en effet la première vertu du citoyen. « Les vertus privées peuvent seules garantir les vertus publiques et c'est par la petite patrie, qui est la famille, qu'on s'attache à la grande ; ce sont les bons pères, les bons maris ; les bons fils qui font les bons ci toyens. » (1)

Ceux qui aiment les fleurs, aiment à les cueillir, à en donner, à en recevoir. Elles sont entre voisins un objet perpétuel d'échanges peu coûteux, mais pleins de charmes. Elles contribuent puissamment à établir et à maintenir entre eux de bonnes relations, au grand déplaisir des fauteurs de procès qui voient avec désespoir diminuer ainsi tous les jours le nombre des chicanes relatives au mur mitoyen.

En résumé, on peut considérer les fleurs comme d'excellentes conciliatrices ; on doit reconnaître qu'elles servent à l'adoucissement des moeurs et au relèvement de l'esprit de famille, et il convient d'en propager l'amour et le culte avec tout le zèle, qu'on apporte à une oeuvre patriotique.

E. GROULT.
(1) Portalis, exposé des motifs du code civil.



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