Les Musées du Calvados : Le Musée de Lisieux (1908).
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 31bis) de la Revue lexovienne illustrée, 2e année n°12 - Décembre 1908.
 
Les Musées du Calvados : le Musée de Lisieux

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Il semble qu'une convention immuable défende aux gens d'une ville de ne jamais pénétrer dans leur musée. Ce sont les parents de province qui conduisent, en général, les Parisiens au Louvre et quelquefois les Parisiens en villégiature réussissent à faire découvrir les musées de province à ses habitants.

Et c'est grand dommage qu’il en soit ainsi. Nul pays n'est plus riche en œuvres d'art que la France ; dans nul autre pays les musées ne sont plus multipliés, mais devant l'indifférence générale qui les rend presque inutiles, les musées s'endorment, leurs gardiens aussi, et ils sont devenus, pour le plus grand nombre, l'endroit mystérieux et vague que connaissent seuls quelques malins, où l’on se tient au frais l'été et au chaud l'hiver, quand par hasard on chauffe ces temples déserts de l’Art et de la Beauté.

Plus visités, mieux connus des populations, ils seraient une école du goût ; les municipalités s'y intéresseraient davantage et l'État ferait plus de sacrifices et pourrait facilement les transformer, grâce à ses nombreuses acquisitions d'objets d'art.

Nous allons entreprendre une tâche agréable : celle de présenter les musées du Calvados à nos lecteurs ; nous commençons par celui qui est le plus proche de nous et non le moins intéressant :

Le Musée de Lisieux

La fondation du musée de Lisieux remonte à l'année 1834. En même temps que le Conseil municipal votait un crédit de 600 fr. pour créer une bibliothèque publique, l'assemblée émettait le vœu qu'on y adjoignît un musée.

Pour commencer cette galerie, l'administration municipale charge un de nos compatriotes, M. Pierre Duval-Lecamus, d'acheter pour le compte de la ville un certain nombre de toiles.

Né à Lisieux, le l4 février 1790, mort à Paris le 26 août 1854, M. Duval-Lecamus était lui-même un peintre distingué, élève de David. Il fait don à la ville de plusieurs tableaux de genre.

Vers le même moment un autre Lexovien, nommé Bigot, lègue en mourant ses tableaux, livres et gravures à la ville « pour sa bibliothèque ». Dans l’intervalle, le ministre de l'intérieur, M. Guizot, avait envoyé pour notre mussée un tableau représentant Jean Le Hennuyer, évêque, s'opposant aux ordres donnés contre les Protestants.

Le 29 mai 1837, le Conseil municipal adressé ses remerciements à M. Duval-Lecamus pour l'envoi du portrait de M. Leroy-Beaulieu, maire, qu’il a offert à la ville et lui exprime « sa reconnaissance pour le zèle qu'il met à faire des envois et des acquisitions avantageuses pour le musée de cette ville ».

La bibliothèque devient insuffisante pour contenir livres et tableaux ; il est indispensable de trouver un local particulier pour notre musée. Le sous chef de musique de la garde-nationale était alors logé à la mairie ; l'administration lui donne congé et fait aménager son ancien logement de manière à recevoir toutes ces toiles. A dater de ce moment, notre collection s'augmente petit à petit. Au commencement de l'année 1838, la ville reçoit de Paris, pour son musée, des statues et une assez grande quantité de bas-reliefs.

Au mois de juin suivant, une exposition de tableaux est organisée à Lisieux sous les auspices de la Société d'Émulation. Le catalogue comprend 109 toiles précédemment exposées à Paris. Parmi elles figure un portrait de Bonaparte, que la ville achète. La même année, nos édiles votent des remerciements à là liste civile, à M. Dupin et à M. Besnou pour les tableaux dont ils ont fait présent à la ville. En 1840, l'administration municipale reçoit du ministre de l'intérieur un tableau de grandes dimensions, représentant Le Christ et les Petits Enfants, dû au pinceau du peintre Flandin. Ce tableau, qui avait figuré dans la galerie du Luxembourg, va orner l'une des salles de l’Hôtel-de-Ville. Quinze jours plus tard, nouvel envoi : portrait du roi, peint par Jaquiesms.

En 1849, le ministre de l'intérieur fait don à notre musée de deux toiles : Milton aveugle dictant le « Paradis Perdu » à ses Filles, par Jules Laure, et une Vue de Caprée, par Lanoue. L'année suivante, le ministre envoie à la ville un magnifique tableau à l'huile représentant la République, œuvre de Hesse. Ce tableau fait sensation à Lisieux où les amateurs le considèrent comme un véritable chef-d’œuvre sous le rapport de l'exécution artistique. Au commencement de la même année, M. le Maire avait été informé que, sur sa demande, le ministre de l’intérieur venait de commander à M. Duval-Lecamus une toile destinée au musée de la ville.

En 1854, la ville acquiert moyennant 600 fr. deux tableaux dûs au pinceau de M. Monier, ancien professeur de dessin et conservateur de notre musée. Ce sont deux copies de Segalon : Les Orphelines et La Courtisane. Par la même délibération la démission de M. Monier est acceptée et M. Doesnard est nommé conservateur à sa place.

A l'occasion de l'Exposition Universelle des Beaux-Arts de 1855, M. Flandin demande son tableau : Le Christ bénissant les Petits Enfants qu'il voudrait exposer. Le Conseil refuse de le laisser enlever : « Le déplacement de ce tableau peut entrainer des responsabilités. Il constitue d'ailleurs l'un des plus beaux ornements de notre musée, qui va recevoir de nombreux visiteurs à l'occasion de l'inauguration du chemin de fer qui traverse la ville. M. Flandin ne doit voir dans ce refus que l'attachement de la ville pour un tableau qui, faisant la gloire de son auteur, est devenu une propriété précieuse pour le musée qui le renferme. »

Pendant toute cette période le Conseil municipal inscrit au budget de la ville un crédit variant de 2 à 600 fr. tant pour le traitement du conservateur que pour réparations aux tableaux.

En 1866, lors de la restauration de l'Hôtel-de-Ville, le Conseil municipal avait voté la construction d'un bâtiment neuf dans le jardin de la mairie en vue de l'installation de la bibliothèque et du musée. A la session du mois de novembre de la même année, le maire expose au Conseil « qu'il existe au bout du magasin des pompes deux petits bâtiments à usage de cave et de buanderie » et demande l'autorisation de traiter avec les propriétaires de ces immeubles « pour que l'on puisse poser les fondations du nouveau musée. » Cette autorisation lui est accordée.

Cependant, sur la proposition du maire, le Conseil municipal renonce à ce projet et décide que le musée et la bibliothèque seront installés dans la partie de l'ancien évêché faisant face au jardin public, au dessus du Tribunal de commerce et du parquet. En attendant l'achèvement de ce bâtiment, le maire fait disposer les tableaux dans une partie de la halle aux toiles aménagée à cet effet.

Entre temps, le président du Tribunal civil ayant réclamé un tableau qui avait été enlevé de la Salle Dorée pour être transféré au musée, le Conseil municipal invite le maire à écrire au préfet pour lui demander de céder à la ville la propriété de ce tableau ainsi que d'un second qui se trouve encore dans la Salle Dorée. La même année, le maire expose au Conseil que « M. Hamon, peintre distingué, presque de notre ville, puisqu'il est né à Livarot où il a encore sa famille, a manifesté le désir que la ville achetât deux tableaux de nature morte qu'il a exposés à Boulogne-sur-Mer ; que, dans le but d'attacher son nom au musée de Lisieux, M. Hamon n'a demandé que 400 fr., prix bien évidemment inférieur à la valeur de son travail et de l'encadrement ; que la ville, en faisant cette acquisition encouragera le talent d'un artiste honorable et dotera le musée de deux beaux tableaux ». A l’unanimité, le Conseil vote les fonds nécessaires pour cette acquisition.

Au mois de juin 1870, le Conseil apporte à la nouvelle installation une importante amélioration ; jusque-là, le musée avait été éclairé par les côtés ; nos édiles décident qu'à l’avenir l’éclairage se fera par le comble et votent une somme de 1,960 fr. pour faire face à la dépense qu'entraînera cc travail.

Vitrine des Vases et Documents gallo-romains

Le public passe indifférent devant ces vitrines qui contiennent cependant nos titres de noblesse. Les pièces qui y reposent sont ce qui nous reste de nos lointains aïeux, de ces gaulois et gallo-romains, qui construisirent il y a dix-neuf siècles passés, soit sur le plateau qui domine St-Désir, soit dans la vallée, à l'endroit ou s'élève la cathédrale et tout le quadrilatère formé par la terrasse du Jardin public, le boulevard Duchesne-Fournet, le boulevard d'Orbec et la rue Pont-Mortain, les riches cités, avec leurs palais, leurs théâtres, leurs temples que les barbares détruisirent au IVe siècle et dont on a découvert les vestiges, au début du siècle dernier, et les trésors il y a quarante ans.

Ces trésors, vases élégants, poteries rares, ou débris de mosaïque, d'armes, ou de monuments, permettent de reconstituer la vie, les goûts et les habitudes de ceux qui vécurent avant nous sur le sol que nous aimons.

Il faut les considérer à ce titre, et si vous voulez vous donner la peine de les examiner de près, de les comparer avec d'autres, d'évoquer ce qu'ils révèlent d'idées artistiques ou religieuses, ou simplement d'usages et de coutumes, vous reconnaîtrez que beaucoup sont extrêmement intéressants et nous vous affirmons qu'un certain nombre sont fort rares et de grande valeur.

Disons ici qu'il faut rendre hommage de leur découverte et de leur placement au musée à l'un de nos plus modestes et aussi l’un de nos plus savants concitoyens, M. A. Delaporte. C'est lui qui retrouva dans des fouilles célèbres, pratiquées surtout, le long de la voie romaine qui traverse le Grand-Jardin, entre le collège et le boulevard Herbet-Fournet, les vases cinéraires et les ex-voto que renferment les vitrines.

Quelques-uns de ces objets placés dans la vitrine hexagonale ont figuré en place d'honneur à l’exposition rétrospective de 1900 ; ce sont les vases aux offrandes dits Lagènes, recouverts d'un enduit métallique jaunâtre, ornés de rinceaux, de feuilles cruciformes ou en forme de cœur.

Ce sont les ancêtres vénérables des célèbres poteries du Pré-d'Auge, puisqu'ils ont été fabriqués dans le pays ; nulle part ailleurs on n'en a trouvé de cette époque avec l'enduit qui les caractérise.

D'autres vases en terre de Samos se recommandent à la curiosité ; ce sont ceux qui sont fabriqués en terre rouge, ornés de fins reliefs et recouverts d'un très beau vernis.

L'un d'eux offre cette particularité qui le rend très rare : il est réparé avec des agrafes de bronze et nous apprend que les raccommodeurs de faïence et de porcelaine, réparateurs d'objets d'art et d'antiquités qui s'annoncent si gaiement le matin dans nos rues n'ont rien inventé. Ils renouvellent le procédé de leurs confrères du Lisieux romain et n'ont fait qu’en garder la méthode et peut-être le joyeux appel.

Il faut voir encore les statuettes et ex-voto en terre qui sont dans la vitrine en forme de pupitre. Il y a là des Vénus anadyomènes, des Latones, déesses protectrices que l'on plaçait dans les tombeaux, documents fort rares en Normandie. Lisez attentivement les indications que portent les fiches placées auprès des objets. Elles vous apprendront que là se trouvent des monnaies des Lixoves frappées avant l’invasion romaine, des bijoux gaulois, des jouets d'enfants, des ustensiles gallo-romains nous révélant des coins intimes de la vie d'autrefois.

Vous en tirerez quelques réflexion qui vous feront dire avec le philosophe que rien n'est nouveau sous le soleil et que, si nous avons aujourd'hui d'immenses avantages qui rendent la vie matérielle plus facile, elle n'est peut-être pas meilleure qu'aux jours où l'on échangeait ces vieilles monnaies de bronze contre ces beaux vases de Samos et que peut-être à vivre plus vite nous ne vivons pas mieux. Allez donc vous reposer et vous instruire au musée.

Le Conservateur du Musée

Nous ne pouvons parler du musée de Lisieux sans saluer au passage le conservateur de ce musée, l'aimable et distingué M. Doesnard, qui depuis 1854 veille sur notre trésor artistique municipal. Artiste et organisateur, professeur plein de méthode, M. Doesnard a été le maître, le guide et l’inspirateur de toute une pléiade d’artistes nés à Lisieux ou élèves de notre collège qui lui font le plus grand honneur. Toujours épris de l'art auquel il s'est consacré, M, Doesnard, qui semble avoir trouvé le secret d'une jeunesse inlassable et a préparé de si nombreuses expositions artistiques, reste le conseil écouté de tous ceux qui s'intéressent à la peinture et à toutes les manifestations artistiques.

Nous souhaitons à notre sympathique conservateur de présider longtemps encore au développement de notre musée pour lequel il peut être fait encore beaucoup d'utiles améliorations.


Une salle du Musée de Lisieux
Musée de Lisieux - Salle des Collections Delaporte
M. Jules Doesnard, Conservateur du Musée de Lisieux dans son atelier de peinture
M. Augustin Delaporte qui fit don au Musée de Lisieux d'une magnifique collection de vases et de documents Gallo-Romains
Urnes cinéraires
URNES CINÉRAIRES : Vase en terre bosselé imitant sept S, séparés par une chaine d'anneaux. - Vase également décoré de dessins simulant des draperies, présente un morceau brisé retenu par quatre longues attaches en bronze, raccommodage fort curieux. (M. A. de Longpesée, ancien conservateur du Louvre, l'avait demandé pour figurer au nombre des vases antiques). - Grand vase à bords relevés, couvert d'ornement en relief représentant dans des médaillons circulaires des amours ou des génies ailés.
Vases aux offrandes
VASES AUX OFFRANDES : Petit vase avec ornementations. - Lagène recouverte d'un enduit métallique jaunâtre dont les dessins sur la partie supérieure de la panse sont des rinceaux ou cercles intermédiaires formés de feuillages cruciformes terminés par des feuilles de fantaisie. - Vase orné de cercles avec guirlandes. Lagène entourée d'un double rang de feuilles de fraisier et de feuilles affectant la forme de cœurs.
Bustes et statuettes
BUSTES ET STATUETTES : Statuette de Latone assise dans un fauteuil. - Vénus représentant Anadyomène dans un petit édicule orné d'un fronton. (Suivant M. Coutil, des Andelys, lequel a fait un travail, paru en 1899, sur les figurines gallo-romaines en terre cuite, deux statuettes seulement ont été trouvées en Normandie et sont celles du Grand-Jardin à Lisieux). - Autre Vénus à gaine (rare). - Buste de femme d'une bonne exécution.




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