MOIDREY, Joseph Tardif de (1860-1947) :  Les Maisons de bois de Lisieux et l’histoire du Manoir de Belleau. Communication faite le 3 avril 1923, à l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, au congrès des Sociétés Savantes par le Baron de Moidrey, Membre de la S. F. A. et de la société des Amis des Arts de Lisieux (1923).
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : ms 158)

Les Maisons de bois de Lisieux
et
L’Histoire du Manoir de Belleau

Communication faite le 3 avril 1923,
à l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne,
au congrès des Sociétés Savantes.
(Sect.d’Archéologie)
par le
Baron de Moidrey,
Membre de la S. F. A. et de la Société des Amis des Arts de Lisieux.
1923

~*~

Maisons de bois (Ms 158)Mesdames, Messieurs,
 
Mon collègue et ami, Mr. Etienne DEVILLE, Conservateur du Musée, de la Bibliothèque et des Archives de la ville de Lisieux, bien connu d'ailleurs de plusieurs d'entre vous, prépare en ce moment un ouvrage qui restera, vraisemblablement, à l état de manuscrit, à cause de la difficulté de le faire éditer, et de la somme d'argent que cela nécessiterait. Cet ouvrage doit exposer l'histoire des maisons de bois de Lisieux, jadis si nombreuses, que cette cité avait reçu le nom de « La Ville des Maisons de bois ».

Le travail, dont il voulait vous offrir les prémices, n'est pas encore terminé ; et comme notre confrère a été empêché d'assister à cette réunion, il m’a demandé de venir vous soumettre tout au moins les croquis que j'ai faits pour accompagner son texte. C'est bien à mon corps défendant que j'ai fini par céder à sa demande, car une pareille mission ne remplissait d’inquiétude. C’est la première fois que je pénètre dans cette illustre enceinte, et ma vie de soldat ne m'a pas habitué à prendre la parole en public, surtout lorsque ce public est composé de personnalités aussi éminentes et aussi érudites que vous, habitués à entendre des conférenciers éloquents et diserts.

Présentée ainsi par moi, cette communication manquera forcément de la précision que Mr. Et. DEVILLE eût apportée, et tout l'intérêt de son travail ne vous apparaîtra pas, étant donné surtout que je ne connais qu'imparfaitement le sujet, que je ne fais ces études d'archéologie que depuis que je suis à la retraite, et que mes connaissances en ces matières sont des plus faibles. - Je vous demanderai donc d'être très indulgents, et de m'excuser si vous trouvez que mes croquis sont sans intérêt, et ma parole sans autorité.

Le but que poursuit Mr. DEVILLE est de ne pas laisser démolir ou dénaturer ce qui reste de vieilles maisons de bois à Lisieux sans qu'il puisse en demeurer au moins un souvenir pour les yeux, et pour parfaire cette oeuvre il n'y a pas de temps à perdre, car la pioche du démolisseur est toujours active.
     
Maisons de bois (Ms 158) Mr. Raymond BORDEAUX, que vous connaissez tous, avait déjà souffert de cette tendance fâcheuse à la démolition et à la destruction dont nous sommes atteints. Mr. De CAUMONT, illustre pionnier de l'archéologie, l'avait également déploré avant lui. Ces deux maîtres nous ont heureusement conservé des croquis grâce auxquels nous retrouvons aujourd'hui, avec joie, la silhouette de vieux manoirs, de rares monuments, de jolies façades que nos pères, et nous-même (hélas !) avons fait disparaître, malgré des regrets exprimés par les amateurs de vieilles choses, et, souvent aussi, malgré les protestations de municipalités désarmées devant le droit du propriétaire. Combien y en a-t-il de ces noyés, corps et âme, dans l'Océan de l'Indifférence !

Les 96 croquis que j'ai l'honneur de vous présenter sont tirés des feuillets de mes carnets de notes, d'où je les ai simplement découpés, puis collés, leur assurant ainsi plus d'exactitude, puisqu'ils n'ont eu à subir aucun report, et que je les ai pris sur le vif, si je puis dire.

Guidé par M. Et. DEVILLE, j'ai recueilli les diverses silhouettes des constructions les plus intéressantes, et pour beaucoup (surtout pour celles des XVIe et XVIIe Siècles) j'ai noté aussi soigneusement que possible les détails les plus caractéristiques des sculptures et des ornements. Ceci m'a parfois mené à faire des prouesses gymnastiques. - Toutefois je ne me suis pas arrêté aux maisons que l'on peut facilement photographier. J'ai, au contraire, choisi de préférence, celles qui ne peuvent être prises dans un appareil, sans une déformation résultant, soit du manque de recul, soit de l'éloignement de l'objectif, soit des difficultés d'accès.

- Des maisons des XIVe Siècle existent encore. Celles du XVe Siècle sont encore nombreuses ; celles du XVIe Siècle en plus grand nombre, sont remarquables, et dignes de leur renommée. Vous pourrez juger de quelques ensembles par les photographies prises par Mr. KOCH, artiste de Lisieux, pour accompagner un article paru dans le numéro spécial de l'Illustration, consacré au Salon de l'Automobile, le 8 Octobre 1921, et que je vous recommande.

Maisons de bois (Ms 158) On peut citer, parmi les plus mémorables échantillons de ces demeures : Pour le XIVe Siècle : La maison canoniale avec tour carrée d[e la]    Friche aux Chanoines. Le manoir de Cormeilles, dans la rue de la Paix. La partie basse de l'Hôtel Levalois, dans la Grand'Rue, et le Manoir Formeville, construit par empilage, Rue aux Fèvres.

 Du XVe Siècle, citons une partie de la maison Saffrey, Rue du Marché aux Chevaux. La Maison Planteflor (que nous ne pouvons citer que pour mémoire). La Maison dite La Grâce de Dieu, Rue de Caen, et celle d'en face. Une maison Rue de la Paix avec une petite tourelle. Le bas de l'Hôtel de Normandie dans la Rue au Char (peut-être). Le Manoir Chopin dans la Grande Rue. Une vieille maison dans la Rue du Paradis. Les Pavements ayant appartenu à la famille de La Reüe, qui a fait également construire plus tard une maison place des Boucheries et reconstruire directement l'église magnifique de St-Jacques. La Maison Huchon, reconstruite sur le plan ancien, qui, en partie tout au moins, datait de cette époque. La maison d'angle des rues de le Paix et St-Jacques, etc...

Le XVIe Siècle, nous a fourni la Salamandre et sa voisine, dans la rue aux Fèvres, précieux joyau de la Renaissance, mais en quel triste état ! - Bone Deus ! - L'Hôtel du Sauvage, Rue d'Orbiquet, dont on ne voit plus qu'un quart. Plusieurs maisons de la Place des Boucheries et de la Rue de la Paix, où on retrouve des portes en accolades entières ou fragmentées. La Maison de la Fleur de Lys, Rue Pont Mortain, avec ses trois étages. La Maison Floquet, et d'autres dans la grande Rue, etc..... etc.....

Maisons de bois (Ms 158) Toutes ces maisons sont construites en encorbellement, avec rageurs, potelets, blasons, avec sommiers moulurés, cablés, torsadés. Mais peu à peu, en vertu de nouveaux règlements les sablières se dissimulent en entablements, et les façades deviennent de plus en plus plates. Mais aussi quel débordement, quel luxe, quelle profusion de sculptures, de moulures, de décoration ! Les plus remarquables, les plus admirables sont la Maison Grignola, Place des Boucheries, la Maison Normande, Place du Marché au Beurre, la Maison Piel, Rue Pont-Mortain, la Maison Taitaud, deux maisons de la Rue Caroline Duchemin, et la Maison des Abeilles, dans la Grande Rue.

De la Maison du Magasin aux Pompes, il ne nous reste, hélas ! qu'un dessin de Mr. Raymond BORDEAUX qui la fera regretter à tout jamais.

Je m'arrête ici, car la liste en serait longue encore et fastidieuse, si vous songez, que je n'en ai pas cité un tiers.

Au XVIIe Siècle, le style des maisons de bois s'est modifié, et la façade est généralement plate. Ceci ne leur enlève cependant pas tout caractère, car les charpentiers, par la variété de leurs agencements, ont su créer des diversités fort curieuses par la disposition de leurs bois en arêtes de poisson, en épi de blé, ou en damiers. Pour éclairer ces façons, j ai dessiné quelques maisons de ces types. Elles seraient bien plus nombreuses encore, si beaucoup n'étaient cachées aux regards par des essentes, des tuiles, des ardoises, des planches ou du plâtre.

Si par miracle, les maisons de la Place des Boucheries (aujourd’hui place Victor Hugo) pouvaient être toutes dépouillées de ces revêtements fâcheux, il y aurait là un ensemble remarquable, et qui réjouirait l'oeil des voyageurs et des curieux les plus profanes. Mais je crains bien que nous n’ayons jamais ce spectacle, car Lisieux ne fait guère cas de ces Vieilleries, et rares sont les propriétaires qui consentent à les restaurer et à les remettre en bel état. Cependant il y en a, il faut le reconnaître, qui ont fait cet effort, d'autant plus méritoire, que la vie est chère, et que ces maisons, il faut l'avouer, manquent de confortable et d'hygiène.

Le travail préparé par Mr. Et. DEVILLE sera le complément de la Statistique Monumentale du Calvados de Mr. de Caumont, qui date de 1867, et n'est pas à jour. Si vous faisiez aujourd'hui le tour de la ville de Lisieux avec ce livre en main, comme guide, vous ne retrouveriez plus nombre d'édifices cités par lui. Par contre il y en a quelques-uns qui lui ont échappé, et qui méritent de ne plus être oubliés. L'étude de Mr. DEVILLE est d'autant plus sérieuse qu'elle est le résultat de minutieuses recherches dans les Archives de la Ville, et dans celles fort riches et très reculées de l'Etude de Maître Caillau, Notaire à Lisieux. Celles-ci ne sont pas encore complètement dépouillées, mais déjà nous pouvons vous promettre un ouvrage complet sur cette question qui n'a jamais été étudiée en ce qui concerne Lisieux.

Voici pour vous en faire une idée succincte, quelles seront les divisions et subdivisions de l'Histoire des Maisons de bois de Lisieux, telles qu'elles figureront dans l’oeuvre dont nous vous entretenons.

Les Maisons de Bois de Lisieux

I - Caractères et types généraux des Maisons de Bois.

a) Masure
b) Maisons
c) Manoirs
d) Cours.

II - Les Maisons de bois au Moyen-Âge.

III – Les Maisons de bois de la Renaissance.

IV - Les Maisons de bois des XVIIe et XVIIIe Siècles.

V - L'Art décoratif dans les Maisons de Bois.

a) - Galeries 
h) - Poteaux d’huisserie
b) - Escaliers i) - Potelets et tournisses
c) – Lucarnes  j) - Colombages
d) - Tourelles k) - Entre colombages
e) - Encorbellements l) - Portes et fenêtres
f) - Sablières m) - Pentures
g) - Poteaux corniers n) - Motifs sculptés.

VI - Couvertures, revêtements et pavages.

a) - Tuiles
b) - Essentages
c) - Epis de faîtages
d) - Carreaux émaillés.

VII - Documents historiques.


*
* *

Maintenant, si vous ne trouvez pas que j’abuse de votre patiente attention, permettez-moi de vous soumettre un travail sans prétention que j'ai fait, il y a bientôt trois ans, au sujet d'un manoir délicieux disparu avant la guerre de 1870.
           
Château de Belleau Au début du printemps de 1920, une affiche collée sur les murs de Lisieux annonçait que le 30 Avril, il serait procédé à la vente aux enchères d’un lot de « Bois sculptés des XVe et XVIe Siècles, provenant du Manoir de Belleau (cité dans la Statistique monumentale du Calvados de Mr. De Caumont), contenant une centaine de pièces, poutres, piliers, poteaux, et deux magnifiques encadrements de portes. Le tout en bon état. »
           
Justement émus de cette vente, quelques amateurs de la région s’y rendirent. Les enchères furent poussées pendant un certain temps par un lexovien [Mr. Deshayes, ancien notaire] désireux de les conserver dans le pays en les utilisant pour un manoir qu'il faisait construire aux portes de Lisieux, mais notre compatriote dût abandonner la partie devant un amateur d’Eure et Loir. Les lots furent adjugés à ce dernier pour 17.000 francs, soit frais en sus, pour environ 21.000 francs.

Les bois sculptés étaient perdus sans espoir pour notre région ; aussi quelques amis firent-ils le voyage de Courson, le 6 Mai 1920 pour photographier les pièces les plus remarquables, afin qu'il restât chez nous un souvenir du manoir disparu.

Mais pourquoi, direz-vous tout cet émoi ?

C'est que peu de régions en France, ont possédé autant de trésors artistiques que la Normandie, et que Lisieux vit encore sur sa réputation de jadis d'être « La Ville des maisons de bois ». Mais le vandalisme, la maladresse, les besoins de la voirie, l'indifférence et parfois aussi le lucre (il faut bien l'avouer) ont fait dans ce noble patrimoine des vides cruels, et peu à peu notre province s'est trouvée dépouillée de ses richesses.

On se demande, pour ne citer que quelques cas entre cent autres, ce que sont devenues les remarquables pierres tombales des Tournebu, et la Chapelle de Saint-Germain de Livet, qui leur donnait asile. Où est passé le merveilleux Retable de la Passion, qui était dans l’église de Fauguernon, et que la description qu'en a faite Mr. de Caumont fera éternellement regretter ? Et qui, à Lisieux, ne frémit encore d'indignation au souvenir de la destruction de la Maison des Pompes et de la Maison du Cirier Plantefor que l’on voit figurer encore sur tous les guides dans Lisieux » ? Et que sont devenues nombre de maisons de bois vantées par Mr. de Caumont, qui disait d'elles qu'elles étaient « si nombreuses qu'on ne peut les citer toutes ? » A ces pertes irréparables, et à bien d'autres, venait s'ajouter la dispersion des restes du Manoir de Belleau.

Le manoir de Belleau d'après F. BenoistDécrit longuement entre 1860 et 1865 dans la Normandie illustrée, monuments, sites et costumes par Félix Benoist, et illustré d'une lithographie d'Hippolyte Lalaisse, il était alors « aussi complet et aussi bien conservé que possible ». Sur la façade, on remarquait, avec une foule de têtes de monstres grimaçants, appelés : avale-poutres, une frise représentant une chasse à courre. Dans sa simplicité, l'artiste, manquant de hauteur pour placer ces figures debout, avait levé cette petite difficulté, en mettant tout bonnement à plat ventre les chasseurs et les piqueurs qui poursuivaient la bête. Le tout au milieu d'une profusion d’écussons et d'autres ornements dont vous trouverez quelques croquis dans mon petit album.

En 1863 Mr. A. Pannier, dans le 29e annuaire des Cinq départements de la Normandie citait le manoir de Belleau comme « l'un des plus considérables et des plus intéressants de la Normandie, faisant l'orgueil de la contrée qui l'environnait, et dont la façade sévère, bronzée par les temps pouvait défier encore plusieurs générations » et il ajoutait tristement : « Ce joyau est aujourd’hui livré aux démolisseurs ». Dans la description qui suivait, il parlait de la chasse à courre citée plus haut, et des bas-reliefs décorant les poteaux, sur lesquels, entre autres : Adam et Eve au pied de l'arbre de la science du Bien et du Mal (figure page 11) et tous les autres que j'ai dessinés aux pages 9, 11, 13, 15 et 51 de l'Album que je fais circuler parmi vous. A la page 66 vous trouverez un croquis de l'ensemble de ce manoir, d après la lithographie de Mr. Félix Benoist.
         
Mr. A. Pannier terminait sa description en disant que Belleau était l'un des plus curieux spécimens des constructions de bois élevées sous le règne de Louis XII, date assurée, croyait-il, par l'écusson d’Anne de Bretagne (pape 11) sculpté sur un des potelets.

A cette description reproduite en 1867 dans le Ve Volume de la Statistique Monumentale du Calvados, Mr. de Caumont ajoutait un aperçu historique du Manoir. Mais il le datait du règne de François Ier. Je vous renvoie à cet ouvrage pour le détail qu'il serait trop long de relire ici. Toutefois le 17 Octobre 1869, Mr. de Caumont faisait paraître dans le journal Le Normand une note où il déplorait la destruction du manoir « le modèle le plus remarquable et le plus connu des constructions de bois du Pays d'Auqe ».
      
Mr. de Lyée de Belleau, propriétaire du manoir offrait cependant d'abandonner gratuitement des morceaux de cette architecture - rien moins que les 2 façades - sous la réserve qu'ils seraient conservés dans leur ensemble. Mr. de Caumont avait conçu un moment l’idée de faire installer ces deux façades à Lisieux mais la place y manquait. On songea alors à les déposer à Caen, mais sans plus de succès ; et en 1870 le regretté Directeur de l'Association Normande écrivait, avec une certaine amertume, les lignes suivantes :

« Le château de Belleau était d'une extrême solidité. Il aurait pu, avec peu de frais, subsister plus de trois siècles encore. Ce n'est pas là ce qui l'a fait condamner, c’est la difficulté d'y établir des distributions intérieures.

Bois sculpté (Ms 144) « Nous avions espéré que tout en construisant un château neuf à quelques distance de l'ancien, le propriétaire pourrait le conserver. Il suffisait d'entretenir les toits en tuiles, dont les charpentes superbes et intactes ne demandaient aucune réparation importante.... (ici quelques propositions d'emploi) ...

« … L’architecte et le propriétaire en ont décidé autrement, et celui-ci a eu la bonté d'offrir à la Société d’Archéologie Normande pour son Musée quelque morceaux choisis ». Mais cette Société quoique touchée de l'offre, n'accepta pas ce don, le morcellement étant contraire à ses principes et aussi dans l'espoir qu’un Homme de goût se présenterait pour faire l'acquisition de l'ensemble.

Finalement il ne demeurait de ce bel édifice que la lithographie de Mr. Félix Benoist, deux croquis de Mr. Bouet faits pour Mr. de Caumont, et, dans le pigeonnier du château, les cent bois sculptés mis en vente en 1920.

Si la Société des Monuments Historiques avait existé en 1868, il est plus que probable que le Manoir de Belleau aurait été classé, et que nous n’aurions pas aujourd'hui à déplorer sa disparition. Mais il était dit que rien n'en resterait ici, et que la malchance s'acharnerait sur ses derniers vestiges. Cette histoire n'est-elle pas vraiment lamentable ? Mais il y a mieux.

Pendent 50 ans, de 1870 à 1920, les débris sculptés du manoir ont dormi dans le pigeonnier féodal, leur contemporain, transformé pour eux en tombeau, et, tels que la Belle au Bois dormant, ils attendaient, depuis dix lustres, l'arrivée de leur Prince Charmant, de l'Homme de goût que réclamait pour eux Mr. de Caumont.

Aujourd'hui ces sculptures ont quitté les rives verdoyantes de la Touque[s] et les coteaux de Belleau, si joliment boisés, et où elles avaient vu le jour, et vous pouvez mesurer quels regrets nous avons de leur perte, car, une fois de plus le pays lexovien était dépouillé d’un joyau, l’un des plus remarquables et des plus estimés de sa couronne artistique.

Au château de BelleauNous nous rendîmes donc au nombre de huit au Manoir de Belleau, et nous en sortîmes tous ces énormes madriers, dont certains pesaient plus de cent kilogrammes, et nous en fîmes croquis et photographies. C'est d'après ceux-ci que j'ai pu constituer ce modeste album, dernier souvenir du Vieux Manoir de Belleau, né en 1500 environ, avec son premier seigneur de la famille de Lyée, et détruit définitivement, lors du départ de cette famille de nos régions, après une possession de plus de cinq siècles.

Le 7 Octobre 1921, je fis à la Société Historique de Lisieux, une communication sur cet ensemble, en un récit complet de l'histoire du manoir à laquelle j'ajoutais une description détaillée de toutes les pièces de bois dont j'ai dessiné les sculptures. Il y en a 80 ; les autres étaient des petits potelets dont l'intérêt était moindre, et que nous n'eûmes pas le temps de dessiner, ni de photographier.


*
* *

Les deux travaux dont je viens de vous entretenir, ont peu de chances d'être jamais édités. Les ressources des auteurs, même si elles étaient augmentées de celles très minimes des Sociétés locales, ne permettent pas d'envisager, même de loin, semblable évènement.
           
Même à l'état de manuscrit, l'ouvrage auquel Monsieur Et. DEVILLE est en train de mettre la dernière main sera pour l'avenir la continuation indispensable de la Statistique monumentale du Calvados de Mr. de Caumont en ce qui concerne Lisieux, et son aspect, jusqu’à l'aube du 20e Siècle.

J'espère que mon Collègue et ami, pourra vous en donner la lecture à la prochaine réunion plénière des Sociétés d'Archéologie et d'Histoire rétrospective.

Lisieux, 1er Avril 1923


Les Maisons de bois de Lisieux (Ms 158) Les Maisons de bois de Lisieux, feuillets extraits du portefeuille d'un batteur de pavé. Collection faite et dessinées dans les rues de Lisieux par le baron de Moidrey.- Papier 1922, 100 et X feuillets, 360 sur 210 millim. demi-rel. bas. brune, coins (Quanonne rel. à Caen). Ce recueil comprend 38 aquarelles, reproduisant 61 sujets ; 80 dessins à la plume reproduisant 417 sujets ; 2 dessins aux crayon reproduisant 7 sujet et une photographie. Les X ff. supplémentaires contiennent diverses croquis, plus : Les Maisons de bois, un sonnet de Jean Bertot (impr.) ; La Première communion en 1830, reproduction en couleurs d'un tableau de Robert Salles ; Les Maisons de bois de Lisieux, communication faite au Congrés des Sociétés Savantes en 1923 (9 ff. dactylographiés) ; divers articles de journaux (3 ff.), 1 dessin de Dannet [?]. Don de M. de Moidrey, 1940.
Bois sculptés du château de Belleau (Bm Lx : Ms 144) Bois sculptés du château de Belleau à Notre Dame de Courson près Lisieux dessinés sur des documents photographiques et d'après nature par le baron de Moidrey.- Album de 90 pages, 220 sur 130 millim. Couverture toile. Cet album comprend : 57 dessins à la plume reproduisant 80 sujets, une vue du château (gravure, p. 64), un plan et une vue d'ensemble (p. 65), une notice historique de la main de M. de Moidrey (pp. 67-89). Don de M. de Moidrey, 1940. (Bm Lx : Ms 144).


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