Adresse des Députés extraordinaires de la Ville de Lisieux, tendante à obtenir le tribunal de district.- Paris : Simon & Jacob-Sion, [1790].- 8 p. ; 18 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (17.VIII.2005)
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ADRESSE
Des Députés extraordinaires de la ville de Lisieux,
tendante à obtenir le tribunal de district.

~*~

A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

MESSIEURS,

Les députés extraordinaires de la commune de Lisieux, stipulant les intérêts de ladite ville et de quatre-vingt-quatorze paroisses ; dont les délibérations sont déposées, ainsi que la réclamation du district, au comité de constitution, ont l'honneur de vous remontrer que, par un décret du 4 février, vous avez dit que le directoire de district seroit à Lisieux, et que dans le cas où il y auroit un tribunal, il siégeroit à Orbec. Cette seconde partie, dont la disposition est très-préjudiciable aux justiciables, jeta la consternation dans les esprits ; mais un décret subséquent fit renaître l’espoir ; ce décret est conçu en ces termes : « La division du royaume en départemens et en districts, n'est décrétée que pour l'exercice du pouvoir administratif, et les dispositions relatives aux villes qui sont désignées comme pouvant être siège de tribunal, sont subordonnées à ce qui sera décrété sur l'ordre judiciaire ». Il suit de ce décret que la partie de celui du 4 février qui concerne l'emplacement des tribunaux, est sujette, une seconde fois, à révision. Nous exposerons brièvement les moyens qui militent en faveur de la ville de Lisieux, et nous en attendrons le succès avec d'autant plus de confiance, que tous ont pour base les principes de l’auguste assemblée.

Nous demandons qu'il vous plaise, messieurs, décréter que le tribunal de district siégera en la ville de Lisieux.

MOYENS.

1°. La ville de Lisieux renferme plus de quinze mille habitans (1) ; elle n'est pas tout-à-fait au centre du district, mais elle est au centre de la population, et la paroisse la plus éloignée n'en est qu'à sept lieues ; des grandes routes qui communiquent à tous les cantons du district en rendent l'accès facile et commode. La ville d'Orbec contient à peine trois mille ames ; elle est à l'extrémité du district, et presque sur la ligne de démarcation qui le divise de celui de Bernay ; quelques paroisses en sont à dix lieues, on n'y arrive que par des chemins vicinaux, toujours mauvais et souvent impraticables en hiver. Les habitans des bourgs de Mesidon, Saint-Pierre, Surdives et Saint-Jullien-le-Faucon, sont obligés de passer par Lisieux pour y accéder. Si le tribunal y est fixé, les habitans de plusieurs cantons seront tenus d'être plusieurs jours absens de chez eux. Lorsqu'ils auront quelques affaires, ils n'éprouveront pas ce préjudice s’il siège à Lisieux, où ils peuvent aller et d'où ils peuvent revenir dans le même jour.

2°. Il se fait à Lisieux un commerce assez étendu ; trois marchés par semaine, et plusieurs foires y attirent nombre des pourvoyeurs de la capitale ; tous les  habitans du district y trouvent facilement le débit de leurs denrées, et sont accoutumés à regarder cette ville comme le domicile commun. La ville d'Orbec a une manufacture très-estimée, connue sous le nom de Frocs-Tordouets, dont elle fait un assez gros commerce dans le pays de Caux et la Picardie ; commerce qu'un génie plus mercantille peut lui faire tripler un jour ; mais il ne s'y tient qu'un marché la semaine ; et comme il s'y fait peu de consommation, ses rapports avec les autres cantons sont si peu considérables, que la moitié du peuple qui les habitent, la connoît, tout-au-plus de nom.

3°. On trouve à Lisieux tous les bâtimens nécessaires pour y faire de nombreux établissemens ; un grand nombre de maisons et moulins nationaux seront bien vendus si le tribunal y est établi ; mais dans le cas contraire, il ne s'y trouvera pas d'acquéreurs. Orbec n'a pas de maison commune ; le lieu où son baillage tient les audiences, appartient au sieur de Guitry : il n'y a de biens nationaux qu'un couvent de Capucins et une maison de filles peu riches, qui seront sans doute conservés comme maison d'éducation.

4°. La ville de Lisieux a tout perdu, excepté son patriotisme (2) ; elle a perdu un évêché, un chapitre fort riche, six maisons religieuses, deux séminaires, un bailliage vicomtal, une haute-justice, une élection et un grenier à sel. La ville d'Orbec ne perd qu’un couvent de Capucins.

5°. Un bailliage étendu a, jusqu'à ce jour, siégé à Orbec ; une très-grande patrie en a été distraite pour former les districts de Bernay et Laigle ; on a réuni, au surplus, des démembremens des bailliages de Pont-l'Evêque, Falaise, Exmes et Argentan, et on en a composé le district de Lisieux, dont Orbec se trouve à la pointe. La raison de centralité qui, dans l'ancienne division, avoit fait obtenir le siége du bailliage à cette derniere ville, est précisément celle qui, dans le nouvel ordre des choses, doit lui donner l’exclusion.

6°. Le décret qui porte l'appel d'un tribunal de district à un autre tribunal de district, est encore un moyen pour la ville de Lisieux ; car si le tribunal y siège, tous les districts voisins peuvent y plaider sur l'appel, avec d'autant plus d'avantages, que l'accès en est plus facile ; si au contraire le tribunal est fixé à Orbec, les habitans des districts de Caen, Falaise et Pont-l'Évêque, s'en trouveront plus éloignés de quatre lieues, et les habitans des autres districts n'auront pas la liberté d'y accécder, à cause de la difficulté des chemins.

Une partie des cantons de St.-Pierre, Surdives, St.-Martin-de-Fremey, et Mésidon, a demandé à être justiciable du tribunal de Falaise. Si le tribunal de district eût été fixé à Lisieux, cette demande n'eût pas été faite, parce qu’il n'y auroit pas eu d'intérêt.

Arrêté ce 12 août 1790.

LEROY,                            BLOCHE,
Maire de Lisieux.           Officier municipal.

Nous apprenons dans l'instant que les députés extraordinaires d'Orbec travaillent à un Mémoire dans lequel ils disent :

1°. Qu'on ne doit avoir auçun égard aux arrêtés, délibérations et adresses des paroisses, parce qu'elles ont été sollicitées.

2°. Que l'assemblée doit diviser ses bienfaits, et mettre les directoires et les tribunaux dans différentes villes.

3°. Que la ville d'Orbec est ruinée si elle n'a pas de tribunal.

Nous répondons : 1°. Que la municipalité de Lisieux agissant pour l'avantage général du district, il étoit tout naturel qu'elle requit le voeu des intéressés, que si la ville d'Orbec ne s'est pas également adressée aux paroisses, c'est que visant à son intérêt particulier, elle ne pouvoit espérer d'avoir pour elle ceux dont l’intérêt étoit absolument contraire.
2°. Que la division des directoires et des tribunaux ne doit se faire qu’autant qu’elle ne porte pas préjudice aux domiciliés.

3°. Que la ville d’Orbec ne sera pas ruinée, puisqu'elle a une manufacture en état de faire vivre ses habitans ; que la plupart des juges de son bailliage n'y demeurent pas, et que quand bien même la privation d'un tribunal lui feroit encore un tort plus considérable, ce ne seroit pas une raison suffisante pour faire en sa faveur une chose préjudiciable à tout le district composé d'environ quatre-vingt mille ames.

Un coup-d’oeil sur la carte du district suffit pour concevoir combien la demande des habitans d’Orbec est déraisonnable.

___________
A PARIS
De l’Imprimerie de SIMON ET JACOB-SION, rue Saint-Jacques,
près celle de la Parcheminerie, n°251, maison de M. Morin, Libraire.

 Notes :
(1) Deux députés extraordinaires de la ville d'Orbec, qui étoient à Paris le 4 février, exagérerent de beaucoup la population de leur ville, et diminuerent considérablement celle de Lisieux Par de tels moyens ils engagèrent deux membres de l'assemblée, dont la probité et la délicatesse sont connues, à parler en leur faveur : nous ne craignons pas de les voir monter une seconde fois à la tribune.
(2) On avoit noirci la ville de Lisieux dans l’esprit de plusieurs députés ; les droits d'aides et autres y réunis n'y étoient pas payés à l'époque du 4 février ; mais la nouvelle municipalité rétablit cette perception aussitôt qu'elle fut en exercice. Elle envoya à toutes les municipalités des villes qui ne payoient pas, dont Orbec étoit du nombre ; une copie imprimée de l'ordonnance qu'elle avoit rendue, avec invitation fraternelle de faire exécuter les décrets ; elle offrit même des secours dans le cas où on ne se trouveroit pas en force. Cette démarche n'eut aucune suite heureuse ; mais la municipalité de Lisieux eut l'avantage de donner, comme elle l'a fait depuis dans toutes les occasions, des preuves de son patriotisme.

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