JAMET, Pierre François (1762-1845) : Second mémoire sur l'instruction des sourds-muets, ou Nouveau système de signes, qui a été lu à l'Académie royale des sciences, arts et belles-lettres de la ville de Caen, le 20 novembre 1821.- Caen : De l’Imprimerie de P. Chalopin, 1822.- 75 p. ; 21,5 cm.
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SECOND MÉMOIRE
SUR L'INSTRUCTION
DES
SOURDS-MUETS
ou
NOUVEAU SYSTÈME
DE SIGNES ;

Qui a été lu à l'Académie Royale des Sciences,
Arts et Belles-Lettres de la ville de Caen,
 le 20 novembre 1821, par M. l'abbé JAMET,
Membre de cette Académie et de celle de Rouen,
Chanoine de Bayeux, et Instituteur de Sourds-Muets.

DE L'IMPRIMERIE DE P. CHALOPIN,
IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE.
____

1822




Second mémoire sur l'instruction des sourds-muets (p. de titre)


SECOND MÉMOIRE
SUR. L'INSTRUCTION DES SOURDS-MUETS,
OU NOUVEAU SYSTÈME DE SIGNES.

~*~

MESSIEURS,

DANS votre séance publique, du 23 Avril 1820, j'eus l'honneur de vous présenter un mémoire, sur l'instruction des Sourds-Muets. C'était un précis historique de l'origine, des progrès et de l'état actuel de cette science, nouvellement découverte.

Aujourd'hui, je viens appeler votre attention sur les signes adoptés dans les différentes écoles, et sur ceux que j'emploie dans celle de Caen ; cette partie intéressante de l'instruction du Sourd-Muet doit attirer nos regards. Les signes sont d'un usage si fréquent entre l'élève et son instituteur, que les simplifier, en rendre l'exécution plus prompte et plus facile, ce serait, sous plus d'un rapport, procurer à l'un et à l'autre un avantage immense.

Vous savez s MM., que l'invention des signes est due à M. l'abbé de Lépée. Ce savant avait porté si loin ses recherches, qu'il était parvenu à faire écrire à ses élèves, sous sa dictée des signes, les mots de notre langue qui exprimaient les idées les plus abstraites ; et ses signes étaient si ingénieux, que plusieurs Sourds-Muets pouvaient écrire à la fois, en des langues différentes, ce qu'il leur dictait par le moyen d'un seul et même signe. Il étonna les savans de son siècle, et plusieurs instituteurs, qui prétendaient faire tomber sa méthode, furent contraints d'avouer qu'elle était préférable à la leur.

Cependant M. l'abbé Sicard, appelé à succéder à M. de Lépée, trouva les signes de son prédécesseur dans un tel état d'imperfection, qu'il se crut obligé d'en créer de nouveaux. Il va même jusqu'à dire  en parlant du dictionnaire des signes de M. de Lépée, dont il recevait le manuscrit : ce dictionnaire était encore à faire, quand l’auteur m'en envoya l'original. (1)

Ce besoin, de signes méthodiques engagea M. Sicard à composer un dictionnaire, qui, selon sa pensée, devait fixer la langue des Sourds-Muets, et sans lequel il était à craindre que, pour le malheur de cette classe infortunée, cette nouvelle découverte ne rentrât dans le néant. (2)

Cependant, quelque succès qu'ait eu la méthode de M. Sicard, elle n'a point encore atteint le degré de perfection, dont elle est susceptible. Il l'avait senti lui-même. Cet homme, tout à la fois, si savant et si modeste, se demande : (3) puis-je me flatter d'avoir répondu à l'attente publique ? Non, sans doute, puisque je n'ai pu répondre à la miennes.

M. Sicard n'a pas seulement le noble courage d'avouer l'imperfection de ses signes ; son amour pour les Sourds-Muets le porte jusqu'à demander, aux instituteurs, le secours de leurs lumières.

« Plus j'ai revu mon travail , nous, dit-il , (4) plus j'y ai trouvé d'imperfections. Eh ! qui désire plus que moi de les faire disparaître ? Mais il me faut, pour cela, les charitables conseils des amis de l'humanité et de la religion. Qu'on ne craigne pas, en m'éclairant sur tous les défauts qu'on remarquera, de blesser mon amour-propre. Le désir, le besoin les plus pressants de mon cœur, sont de faire le plus de bien possible aux infortunés que j'ai adoptés ; et ce désir, et ce besoin, j'ose le dire, sont plus grands que ceux d'une vaine gloire. C'est surtout aux instituteurs que j'adresse cette invitation ; c'est d'eux surtout que j'attends ce bon office. »

C'est donc entrer dans les vues de M. Sicard lui-même, que de travailler à améliorer le système des signes. Son cœur est trop noble, son âme trop élevée, ses vues trop pures, pour que je craigne de blesser son amour-propre, en cherchant à simplifier des signes, qui doivent être si utiles aux Sourds-Muets, ses enfans adoptifs ; des signes qui ont fait, pendant tant d'années, l’objet de ses recherches et de ses veilles ?

D'ailleurs, je n'attaque nullement le système de M. Sicard. Les signes dont il se sert sont nécessaires, et sa théorie nous en offre un grand nombre, dont les pantomimes sont fort ingénieuses.

Mais ne connaissant point sa méthode, lorsque je donnai les premières leçons à deux Sourdes-Muettes, je me formai un plan d'instruction tout différent du sien. Je me servis de signes qui n'ont presque rien de commun avec ceux dont il fait usage dans son école ; et j'ai cru qu'il ne serait point inutile de les faire connaître.

Ainsi, MM., ne pensez pas, que j'aie la témérité de prétendre m'élever au-dessus de M. Sicard, ou que je veuille déprimer, sa méthode. Personne ne rend plus de justice que moi à ses talens, et sans le généreux aveu, qu'il semble se plaire à renouveler si souvent, de l'insuffisance de ses signes, sans l'appel qu'il fait aux instituteurs, je n'aurais jamais pensé à jeter un regard critique sur son ouvrage.

On n'aura donc point à se plaindre de mes observations. C'est lui-même qui les a pour ainsi dire provoquées ; et je vous prie, Messieurs, de croire qu'elles ne sont inspirées, que par le pur désir que j'ai, comme lui, d'être utile à une classe infortunée.

Si, en appelant, par mes réflexions, l'attention des instituteurs et des savans sur cette intéressante partie de l'instruction du Sourd-Muet, j'étais assez heureux pour les engager à réunir leurs efforts, et à trouver un moyen plus simple et plus expéditif d'exécuter les signes méthodiques, je me croirais trop payé de mes peines. Car je suis loin de me flatter de porter la méthode que je propose, au degré de perfection, dont elle peut être susceptible. D'autres, plus habiles ou plus heureux que moi, pourront y parvenir.

Je voudrais pouvoir l'exposer avec clarté. Mais comment m'exprimer ? Comment jeter assez de jour sur cette matière, pour me faire entendre de ceux de mes lecteurs, qui n'ont point assisté à mes leçons ? Ils ne pourront se faire une idée de mes nouveaux signes. Leur simplicité, la facilité avec la quelle on les exécute, sera pour eux un mystère impénétrable. Comment en effet se persuader, quand on ne l'a pas vu, qu'il ne faille qu'un clin d'œil, pour faire un signe, que je ne puis expliquer que par un long discours ?

Au reste, je vais expliquer mon plan, le comparer avec celui que l'on suit dans les autres écoles, et après l'avoir développé, je mettrai quelques uns de mes signes en parallèle avec ceux de ces écoles.

Puisse l'aperçu, que je vais en donner, devenir, en d'autres mains, le germe fécond d'un travail plus utile aux infortunés Sourds-Muets !


PRINCIPES

D'APRÈS lesquels on a formé les signes, qui servent de moyen de communication, dans les diverses institutions de Sourds-Muets.


INSTITUTION DE CAEN.

INSTITUTIONS DE PARIS,
DE BORDEAUX, D'AURAY, DE RHODEZ, etc.
I.

Les signes ne sont point une langue, ils sont la prononciation des mots d'une langue.      

I.

Les signes sont une véritable langue, qui doit tout peindre, tout définir, tout analyser, (5)


II.

On doit faire le signe des mots, et non le signe des choses.

II.
On doit rejeter le signe des mots, et n'admettre que le signe des choses. (6)
III.

Les signes doivent être simples, d'une exécution prompte et facile.

III.
Les signes seront des pantomimes longues et compliquées. (7)
IV.

Les signes ont une forme invariable ; ils sont exécutés, toujours et par tous, de la même manière.

IV.
On peut, à son gré, choisir les élémens des pantomimes ; elles ne peuvent avoir une forme fixe, déterminée. (8)
V.
Un mot ne doit avoir qu'un signe, quelque soit le nombre de ses acceptions.
V.
Les mots auront autant de pantomimes, qu'ils ont d’acceptions. (9)
VI.
Les prépositions, qui entrent dans la composition des parties du discours, doivent être indiquées par des signes.
VI.
Les prépositions, qui entrent dans la composition des verbes et de quelques autres parties du discours, ne seront point indiquées par des signes. (10)
VII.
Il y a deux sortes de signes, les signes expéditifs, et les pantomimes.
VII.
On ne connaît qu’une sorte de signes.

Telle est la différence, qui se trouve entre, le plan adopté dans l'école de Caen , et celui que l'on suit dans les autres écoles.

Je n'ai pu me déterminer à suivre uniquement le système de ces écoles. Il m’a semblé que des signes, composés d'après ces principes, devaient être compliqués, vagues, difficiles à saisir, longs à exécuter, très-fatiguans pour l'élève.

Sans doute, ils sont excellens, pour développer, au Sourd-Muet, le sens et les acceptions d'un mot, qu'il ignore. Je suis loin de les blâmer ; je m'en sers moi-même. Mais un instituteur, qui n'a point d'autres signes, doit perdre beaucoup de temps, et se trouver souvent dans l'impossibilité de communiquer à ses élèves, d'une manière précise, la pensée qu'il veut leur transmettre.

J'ai donc cherché un autre moyen de communication, et plus prompt, et plus sûr. Ce moyen de communication manque à la méthode adoptée dans les autres institutions, et cependant il est de la plus grande utilité ; car nous sommes dans une sorte d'entretien continuel avec nos élèves, et lors même que nous leur expliquons le sens d'un mot, qu'ils ne connaissent point encore, n'est-il pas avantageux d'avoir des expressions connues, des signes précis, dont nous puissions nous servir, pour leur faire mieux comprendre notre pensée ?

C'est cette espèce de signes, dont j'ai l'honneur de vous entretenir. Pour les former, je suis parti de ce point, qui me paraît incontestable : les signes ne sont point une langue.

En effet, le son de ma voix, qui articule un mot, ne peut point s'appeler une langue ; il n'est que la prononciation d'un mot : ce serait une expression inexacte que de dire : la langue des signes, à moins que l’on ne veuille dire aussi : la langue de l'intelligence, la langue de la voix, la langue de l'écriture, ce qui serait absurde.

Les signes sont, pour le Sourd-Muet, ce qu'est, pour nous, le son de la voix, dans la prononciation des mots. C'est la parole du Sourd-Muet. Il me semble que nous pouvons appeler, paroles manuelles, les signes qui désignent les mots, comme nous appellerons, parole orale, le son de notre voix, qui les articule.

Pour mieux vous développer ma pensée, permettez-moi une réflexion, qui vous la rendra sensible.

Dans une langue quelconque, il y a trois choses fort distinctes, et qui ne doivent point être confondues.

1°. Le corps du mot, ou sa forme écrite.
2°. L'acception du mot, ou le sens qu'on y attache.
3°. Le son du mot, ou sa prononciation.

Pour savoir parfaitement une langue, il faut posséder ces trois choses.

Si j'ignore la première, l'écriture, ou la forme écrite des mots, je ne pourrai m'entretenir, que de vive voix, avec les personnes qui savent ma langue. Tels sont la plupart des habitans de la campagne. Ils entendent fort, bien la langue française, ils la parlent ; mais ils ne peuvent faire aucun usage de l'écriture : c'est, pour eux, une chose tout-à-fait inconnue.

Si je connais la forme écrite des mots, que j'en sache la prononciation, mais que j'ignore ce qu'ils signifient, je pourrai les écrire, les exprimer par le son de ma voix ; mais je n'en comprendrai pas le sens. C'est ainsi, qu'en général, les femmes écrivent et lisent le latin ; maïs elles ne peuvent ni exprimer, leurs idées dans cette langue, ni comprendre les personnes qui la parlent.

Enfin, si la prononciation des mots d'une langue m'est étrangère, tandis que j'en connais la signification, et que je sais les écrire, je serai semblable à un français, qui, dans la solitude, à l'aide de livres élémentaires, et sans avoir de communication avec qui que ce soit, apprendrait la langue anglaise. Il pourrait traduire. un ouvrage composé en anglais, et s'entretenir par écrit avec les personnes qui parlent cette langue ; mais il serait dans l'impossibilité absolue de communiquer de vive voix avec elles.

On ne pourrait pas dire que cet homme ne saurait pas la langue anglaise. Que lui manquerait-il donc ? Une seule chose, le son des mots, leur prononciation.

Tels sont les Sourds-Muets, qui, après huit ou dix ans de leçons, sortent des diverses écoles. Ils connaissent, ils écrivent les mots de la langue française, ils en comprennent le sens, ils peuvent communiquer leurs idées par le moyen de l'écriture. Que leur manque-t-il encore ? La prononciation manuelle, je veux dire le signe des mots.

Ne perdez pas de vue, MM., que je ne parle ici, que d'après les instituteurs qui suivent le système adopté dans les autres écoles de France. Car ils disent eux-mêmes que leurs signes, je yeux dire leurs pantomimes, n'indiquent jamais les mots, mais seulement les choses.

Les élèves, qui sortent de leurs mains, savent donc une langue ; puisqu'ils connaissent les deux premières parties qui la constituent, la forme écrite des mots et leur signification. Ils n'ont besoin que de la prononciation de ces mots ; mais la nature leur a refusé l'organe de la parole, ou plutôt l’usage de cet organe, en les privant d'entendre les sons, qu'ils auraient imités, comme les autres hommes. Ils ne peuvent donc prononcer les mots de la langue qu'ils savent. Les signes, dont je parle ici , suppléent à ce défaut. Ceux de M. de Lépée, ceux de M. Sicard lui-même, n'ont dû être inventés, que pour tenir lieu de cette prononciation. Ils ne sont donc pas une langue.

Et comment pourrait-on se persuader qu'ils sont une langue ? Le Sourd-Muet ne les fait que pour exprimer ces mêmes mots, que sa main trace sur le tableau, et que sa bouche ne peut prononcer. Ah ! s'il pouvait parler, s'arrêterait-il à les exprimer si imparfaitement et avec tant de peine, par le mouvement de ses mains ? Sa voix les articulerait, et les pénibles pantomimes seraient à jamais oubliées. Il est donc certain que les signes ne sont point une langue : ils ne sont qu'un supplément, bien imparfait, de la parole.

Or, les signes, destinés à tenir lieu de la parole, doivent être simples, d'une exécution prompte et facile.

Mais avant d'aller plus loin, fixons l'état de la question.

Je distingue deux sortes désignes. Les uns expliquent la valeur d'un mot : les autres servent à le prononcer. Ceux-là sont de longues pantomimes ; il[s] demandent beaucoup de gestes : ceux-ci sont simples. Cependant ils ne sont pas uniquement des signes de rappel ; car ils ont de l'analogie avec la chose qu'ils indiquent ; mais ce ne sont point des pantomimes, puisqu'on les exécute presque tous par un geste unique, qui leur est propre. Les premiers tiennent lieu d'un dictionnaire, auquel on a recours, pour connaître le sens d'un mot et ses diverses acceptions : les seconds remplacent le son de la voix  qui articule ce mot.

Nous appelons ces derniers : signes indicateurs, signes expéditifs, ou signes d'entretien et de narration. Ils nous servent dans les conversations, et lorsque nous faisons écrire les élèves sous la dictée des signes. Nous les employons encore, quand nous avons des questions à faire à nos élèves, quand nous les interrogeons, ou que nous leur racontons quelques traits d'histoire, etc.

Les premiers s'appellent ; signes d'enseignement, pantomimes, ou scènes mimiques. Nous nous en servons toutes les fois qu'il s'agit de donner à l'élève l'intelligence d'un mot qu'il ne connaît point encore. C'est au moyen de ces signes, que nous lui en faisons comprendre le sens, que nous lui en expliquons les différentes acceptions. Ces pantomimes sont souvent fort longues. Elles exigent toujours plusieurs personnages, et un grand nombre de gestes.

Par exemple, le mot régner paraît-il, pour la première fois, sous les yeux des élèves ? Alors, nous figurons les prérogatives de la royauté, nous en peignons les attributs. Nous représentons un maître gouvernant en souverain, une vaste étendue de pays. Nous disons, par des signes multipliés, qu'il a seul le droit de faire la paix et la guerre ; que c'est lui qui fait rendre la justice, qui punit les coupables, qui use de clémence envers eux, qui envoie des ambassadeurs aux autres souverains, qui lève des impôts, qui fait battre monnaie, etc....

Telle est la longue pantomime que nous employons, et qu'il nous faut souvent exécuter plusieurs fois, pour faire comprendre, aux élèves, quel est le sens propre du mot régner. Pour leur en faire connaître le sens figuré, nous avons recours à d'autres scènes mimiques, non moins longues que celle-ci.

Mais, ces pantomimes ne sont mises en usage, que quand nous rencontrons ce mot pour la première fois, et - qu'il est encore inconnu aux élèves. Dans toute la suite de leur instruction, et lorsqu'il nous faudra converser avec eux, ces scènes mimiques ne reparaîtront plus. Nous ne ferons que prononcer ce mot, par le signe indicateur.

Vous voyez donc ici, MM., deux sortes de signes, bien différens : la pantomime ou signe d'enseignement, et le signe indicateur, ou expéditif. Sans la pantomime, l'élève ne comprendrait, pas le sens des mots ; s'il manque du signe indicateur, il ne pourra jamais converser.

L'exécution du premier demande un long espace de temps, celle du second est si rapide, qu'il demande souvent moins de temps que la parole même.

C'est celui-ci dont nous nous servons dans nos entretiens avec nos élèves. Comme il est expéditif, qu'il ne demande ordinairement qu'un geste, ils l'exécutent avec une rapidité qui étonne. C'est leur parole. Car ces infortunés parlent par les mains, et ils entendent par les yeux.

En suivant l'autre méthode, le maître et son élève sont obligés, pour exprimer un mot, de parcourir de très-longues pantomimes. Ces pantomimes contiennent un grand nombre de signes, parmi lesquels il faut en remarquer un, pour l'indication duquel tous les autres sont faits.

Mais il en résulte un grand inconvénient. Car le maître est obligé d'employer un long espace de temps à décrire sa pantomime, et l'élève, auquel il parle, est contraint de faire une attention, plus pénible encore, que longue et soutenue, aux divers gestes de son interlocuteur, pour démêler, au milieu de tous ces signes, quel est celui qu'il doit fixer, et dont tous les autres ne sont que les indicateurs. Souvent même il ne peut y réussir.

Dans la méthode que j'ai adoptée, toutes ces difficultés disparaissent. Nos signes sont simples, concis. Leur forme est invariable. L'exécution en est rapide. Ils transmettent dans l'esprit de l'élève, l'idée que nous voulons lui donner ; et cette idée lui parvient, exprimée dans les termes précis, qui se présentent à notre pensée. L'organe de la voix ne pourrait l'indiquer d'une manière plus exacte, plus fidèle.

J'avais souvent éprouvé, qu'en me servant toujours de pantomimes, nous perdions beaucoup de temps ; que l'élève était sans cesse embarrassé, quand il voulait m'exprimer sa pensée que, dans les circonstances où j'avais quelque chose à lui communiquer, il me fallait recommencer plusieurs fois mes signes, et que, malgré tous mes efforts, j'étais encore quelquefois obligé de lui indiquer, par le moyen de l'alphabet manuel, les lettres du mot dont il devait faire usage.

Alors, je pensai que des signes plus simples, plus précis, pourraient nous épargner beaucoup de peines, et nous abréger le travail. Je tentai de réduire les pantomimes à un plus petit nombre de signes. Ce travail ne satisfit pas pleinement mes désirs ; mais il me fit naître cette pensée : que les signes ne sont point une langue, qu'ils ne sont faits que pour suppléer au son de la voix. Bientôt j'en tirai cette conséquence, qui découle naturellement du principe que je venais de découvrir : c'est que je devais renoncer à vouloir tout peindre dans mes signes, et, par une suite nécessaire, ne plus faire le signe des choses, mais le signe des mots. J'ai donc adopté cette marche, et maintenant, lorsqu'il s'agit de converser avec mes élèves, je ne me sers point d'autres signes ; chaque jour j'éprouve combien cette méthode est utile, et les élèves le sentent comme moi.

D'ailleurs, en faisant le signe des mots, dont ils connaissent déjà l'acception, ne leur rappelle-t-on pas les choses, que ces mots désignent. Mais en peignant les choses, par des pantomimes, leur indiquera-t-on toujours, d'une manière sûre, les mots dont ils doivent se servir, pour les exprimer ?

J'en appelle aux instituteurs, et à leur expérience journalière ; combien de fois n'ont-ils pas vu le Sourd-Muet saisir l'instruction, qu'ils lui donnaient par signes, leur répondre par des signes semblables, avec une précision, qui ne laissait aucun doute, sur la pénétration avec laquelle il avait compris leur pensée ? Combien de fois, dis-je, ne l'ont-ils pas vu embarrassé, pour rendre, par écrit, ce qu'il venait de peindre dans sa pantomime ; dire que l'expression lui manquait, et qu'il ne savait comment écrire, ce qu'il concevait si bien ?

C'est qu'en n'admettant que le signe des choses, et en rejetant le signe des mots, le maître peut, sans doute, transmettre à ses élèves ses pensées, ses sentimens ; mais le mot propre, pour les exprimer, le mot dont il veut qu'ils se servent, n'est presque jamais celui qui se présente à leur esprit. Aussi voit-on souvent, dans ces écoles, l'instituteur annoncer que l'élève va rendre une phrase d'une manière, tandis qu'il l'écrit en des termes tout à fait différens.

Que dirions-nous, d'un maître qui, dans un collège, défendrait à ses élèves de se servir, en lui parlant, des mots de la langue française, et qui voudrait les assujettir à ne faire usage que de leur analyse, de leur définition ? Et pourquoi voudrait-on asservir le Sourd-Muet à suivre cette marche lente et pénible ? Cet infortuné ne pourra-t-il donc jamais, comme nous , exprimer sa pensée par les mots d'une langue ? Lui faudra-t-il toujours se traîner à pas lents, et ne manifester les mouvemens et les affections de son âme, si souvent expansive et bouillante, que par de longues et fatiguantes pantomimes.

J'ai essayé de venir à son secours et de le débarrasser de ces entraves. J'ai fixé, d'une manière précise, les signes d'un grand nombre de mots. Je lui ai montré cette prononciation manuelle. Aussi la saisit-il avec avidité. Aussi le voyons-nous, dans ses conversations les plus vives, les plus animées, abandonner toutes ces pantomimes tardives, pour les signes des mots, qui, sous sa main, deviennent un véhicule rapide de ses pensées.

Comme ses avides regards se fixent sur nos mains, lorsqu'au moyen des signes indicateurs, elles font passer dans son âme, les idées et les sentimens, que nous voulons lui transmettre ! Comme son œil s'anime ! Avec quelle étonnante vivacité ses mains nous répondent et parlent à nos yeux ! Souvent il nous est difficile, impossible, de suivre la rapidité de ses mouvemens. Mais s'il ne connaît point nos signes expéditifs, s'il est réduit à se servir de scènes mimiques, pour nous peindre les choses, qu'il ne peut exprimer par le signe des mots, son regard se ralentit, sa figure s'attriste ; la crainte de ne point être compris lui cause un saisissement, une anxiété, qui le déconcerte, et nous fait souffrir nous-mêmes.

Nos signes sont donc dans la nature, Plus nous les rendrons simples, plus nous abrégerons le travail, plus nous aiderons l'élève, et plus nous le mettrons à portée de communiquer, avec son maître et ses semblables, par un moyen sûr, prompt et facile.

Mais pour atteindre un but si désirable, il ne suffisait pas de créer des signes simples et d'une exécution aisée. Je devais encore leur donner une forme fixe, invariable. Il fallait que tous pussent les faire de la même manière. Que sous la main de l'élève, comme sous celle du maître, ils fussent invariablement exécutés par des mouvemens convenus, qui ne pussent être ni échangés, ni confondus avec aucun autre.

Souvent j'ai remarqué que, si l'élève ne saisissait point l'expression propre, que le maître voulait lui faire entendre, ce défaut ne venait pas seulement de la longueur des pantomimes, et de la multiplicité des signes dont elles étaient composées ; mais bien plus encore, peut-être, de ce que ces pantomimes n'avaient point une forme invariable et fixe, que tous pussent exécuter par les mêmes signes. Nous en trouvons un grand nombre dans la théorie des signes, qui nous offrent cette espèce de vague, et qui laissent, à celui qui les décrit, le choix des signes dont il doit se servir, en les exécutant (11).

Si, dans les diverses langues, les mots n'avaient pas une prononciation fixe et toujours la même, un son propre et convenu, comment les hommes, qui parlent ces langues, pourraient-ils se faire entendre ? Si, dans l'articulation des mots de la langue française, chacun était libre de donner aux syllabes telle inflexion de voix, qu'il jugerait convenable ; enfin, si nous prononcions les mots chacun d'une manière différente, comment pourrions-nous comprendre ce que les autres nous diraient ?

Comment, par exemple, vous ferais-je entendre que c'est le nom de la ville de Paris, que je prononcerais, si ma bouche articulait des sons différens de ceux que l'on a coutume de faire entendre, en le prononçant ; si, au lieu de dire Paris, je disais piras, paros, ou que tel autre son de voix quelconque frappât votre oreille ? N'y aurait-il pas sans cesse confusion ? Ne serait-ce pas une véritable Babel ? Mais si nous faisons nos signes, tantôt d'une manière , tantôt d'une autre, s'ils n'ont pas toujours, et pour tous, une forme fixe, n'en sera-t-il pas de même pour l'infortuné Sourd-Muet ? Comment nous entendra-t-il ? Nos signes ne sont-ils pas, pour lui, ce qu'est, pour nous, le son de la voix, dans l'articulation des mots ? Un des caractères les plus essentiels, que je devais imprimer aux signes des mots, c'était cette forme fixe, invariable, je dirais presque cette forme immobile, qui, dans aucune circonstance, et sous la main de qui que ce soit, ne doit jamais changer, jamais être remplacée par un autre signe quelconque.

Mais si les mots présentent des acceptions diverses, les signes, qui les désignent, ne prendront-ils pas aussi des formes différentes ?.... Non, sans doute. Jetons un coup-d'œil attentif sur la question que nous traitons. De quoi s'agit-il ? N'est-ce pas des moyens de communication avec le Sourd-Muet ? Quel est celui qui lui manque ? La parole. C'est donc cette parole à laquelle il faut suppléer. Si le Sourd-Muet pouvait se servir de l'organe de là parole, que ferait-il ? Il prononcerait les mots. Or sa prononciation varierait-elle, à mesure qu'un mot quelconque présenterait une nouvelle acception ? Le son de sa voix, dans l'articulation de ce mot, ne serait-il pas invariablement le même, pour toutes ses acceptions, quelque nombreuses qu'elles fussent ? Le signe, qui remplace le son de la voix, doit donc garder la même règle. Il doit être également le même, pour exprimer un mot, quelles que soient, et ses acceptions diverses, et les circonstances dans lesquelles il peut se trouver employé.

La forme écrite des mots ne change point, lorsqu'ils offrent des acceptions différentes. Ils conservent toujours, et la même orthographe sous la plume, et le même son de voix dans notre bouche. Pourquoi, sous la main du Sourd-Muet, ne conserveraient-ils pas aussi toujours la même forme ? Pourquoi ne seraient-ils pas, pour lui, des signes de rappel, comme ils le sont pour le reste des hommes ? Certes, je ne vois pas quelle pourrait être la différence.

J'ai donc cru ne devoir admettre qu'un signe unique, pour chaque mot de notre langue, même pour ceux qui ont le plus d'acceptions diverses.

Quoique le mot naturel ait plusieurs acceptions, nous l'écrivons, et nous le prononçons toujours, de la même manière. Se méprend-on pour cela, sur le sens qu'il doit avoir, dans les diverses circonstances où il se trouve employé ? Pourquoi le Sourd-Muet ne distinguerait-il pas, comme nous, le sens qu'on y attache ? Ne suffit-il pas qu'il sache que ce mot peut être pris en divers sens ? la phrase, où il le rencontrera, ne lui indiquera-t-elle pas celui qu'il doit avoir ?

Si notre signé est bien fait, s'il exprime la principale acception de ce mot, c'en est assez. La vue du signe, qui frappera ses regards, lui fera comprendre le sens dans lequel il doit l'entendre, beaucoup mieux que le son de la voix, qui frappe notre oreille, ne nous le rappelle à nous-mêmes. Car ce-signe a de l'analogie avec la chose, qu'il indique, et le son de notre voix n'en a aucune.

Je ne puis trop le redire, il ne nous faut point de signes de rappel, étrangers à la chose qu'ils indiquent. Ils se classeront plus facilement dans la mémoire du Sourd-Muet, ils lui deviendront plus utiles, si, en les créant, on a saisi le point caractéristique de la chose indiquée. La mémoire du Sourd-Muet ne doit-elle pas être soulagée, lorsque le signe a de l'analogie avec la chose, dont il est l'indicateur, et que la chose rappelle par elle-même le signe, par lequel on doit la désigner ?

J'avais d'abord essayé d'imiter, dans mes signes, la manière des Tachygraphes. Comme ils n'écrivent point les mots, et qu'ils ne font que peindre le son des syllabes, les caractères, dont ils se servent, sont peu nombreux. En suivant cette marche, je n'aurais eu qu'un petit nombre de signes à trouver.

Mais ces signes laissaient trop d'incertitude dans l'esprit de l'élève. Ce n'était qu'après une réflexion pénible, qu'il pouvait deviner ce que je voulais lui faire entendre. Ma pensée ne se présentait point à lui, avec cette promptitude et cette netteté, que je désirais. Je tombais dans un écueil, plus dangereux encore peut-être, que celui que je cherchais à éviter. Car, si les longues pantomimes font perdre à l'élève beaucoup de temps, si elles ne lui indiquent point l'expression, dont il doit se servir, du moins elles développent, à ses yeux, la nature ou l'analyse de la chose qu'elles représentent. Il conçoit cette chose, il l'entend. S'il se trompe, ce n'est que sur le mot qu'il doit employer, pour rendre sa pensée. Mais les signes Tachygraphiques ne lui présentaient que de vaines formes, sans lui rappeler ni les choses, ni même les mots ? qui devaient les exprimer.

J'ai donc abandonné, en conversant avec le Sourd-Muet, et la pantomime, qui, par sa longueur, nous enlevait un temps précieux, et le signe Tachygraphique, qui, sans analogie avec la chose, dont il devait rappeler le souvenir, laissait flotter l'esprit de l’élève dans le vague, et ne lui peignait que des syllabes vides de sens. J'ai fait le signe des mots, et j'ai pris pour règle invariable, de chercher, dans la chose exprimée par ces mots, le point qui la distinguait de toute autre, pour en faire la base de mon signe.

Il me restait encore un pas à, faire, pour avoir des signes d'un usage commode, et qui pussent se classer facilement dans la mémoire du Sourd-Muet ; je devais, pour ainsi dire, les grouper, et rattacher, à un signe radical, tous ceux qui indiquaient les mots dérivés d'une souche commune. Il fallait leur donner un air de famille, qui montrât l'espèce à laquelle ils appartenaient, et cependant imprimer à chacun d'eux une marque distinctive, qui ne permît pas de confondre les individus.

Ainsi, tous les dérivés d'un verbe devaient avoir, pour signe radical, le signe même de ce verbe, et une nuance légère devait les caractériser assez, pour que le Sourd-Muet pût les distinguer entr'eux ; ce signe caractéristique doit indiquer, au Sourd-Muet, celui des dérivés qu'il désigne, aussi fidèlement que le son de la voix nous le fait entendre à nous-même ; il doit être, en même-temps, d'une exécution assez facile, assez prompte, pour ne retarder en rien la marche des signes.

Il en était de même des mots composés. Dans les autres institutions, les prépositions, qui les forment, ne s'expriment point. On est forcé de faire autant de pantomimes qu'un verbe peut recevoir d'acceptions, par la combinaison des différentes prépositions. Ainsi le verbe poser, qui, par son union avec un grand nombre de ces prépositions, éprouve, dans sa forme, près de vingt métamorphoses, a, pour les élèves de ces écoles, un nombre prodigieux de pantomimes ; et ces pantomimes sont toutes étrangères les unes aux autres.

J'avoue que le Sourd-Muet n'a pas besoin de toutes les acceptions de ce verbe. Elles s'élèvent, pour le moins, au nombre de cent cinquante. Mais la plupart lui sont nécessaires. Ne serait-il donc pas très-utile que l'instituteur pût employer des signes, qui, en indiquant les divers changemens, que ce verbe éprouve dans sa forme physique, et se rattachant les uns aux autres, par le signe radical, qu'ils conserveraient toujours, soulageraient la mémoire de l'élève, et lui aideraient à se rappeler les différentes acceptions de ce verbe ?

Pour moi, MM., il m'a semblé très avantageux d'exprimer ces prépositions dans les signes. Dans le langage ordinaire, elles sont souvent employées, avec élégance, à former différentes parties du discours. Comme les signes ne me paraissent avoir d'autre objet, que de suppléer au son de la voix, qu'ils ne sont que la prononciation des mots, j'ai cherché à exprimer les prépositions, par un mouvement qui fit partie du signe indicateur du mot, auquel elles se trouvent attachées.

Toutes les langues, anciennes et modernes, font un grand usage de ces prépositions. Le grec, l'hébreu lui-même, nous en offrent des exemples fréquens. Dans cette dernière langue, la plus ancienne du monde, on trouve beaucoup de mots de deux ou de trois syllables, qui, ayant pour élémens un verbe et quelques prépositions, renferment un sens, que l'on ne peut rendre dans aucune autre langue, sinon par une phrase de plusieurs mots.

Parmi les langues modernes ; il n'en est aucune, qui n'ait conservé l'usage d'employer ces prépositions. Personne n'ignore quelle énergie, quelle richesse elles donnent à la langue anglaise, et plus encore peut-être à la langue allemande : l'italien, l'espagnol, et le français lui-même, ne doivent-ils pas, à leurs composés, une partie de leur grâce, de leur force et de leur élégance ?

C'était donc, non-seulement abréger le nombre des signes, que de faire entrer ces prépositions dans leur formation ; c'était encore les rendre plus expressifs : c'était aussi venir au secours du Sourd-Muet, dont on soulageait la mémoire, en donnant, à tous les composés d'un même verbe, un air de famille, qui les rangeait dans la même classe ; c'était lui donner l'esprit d'analyse, sans lequel il ne peut, ni faire de progrès solides dans son instruction, ni entendre la finesse et la beauté des mots composés.

Ce genre de signes plaît beaucoup à nos élèves, ils s'en emparent avec une sorte d'avidité, et leur mémoire les garde plus fidèlement que les autres signes. C'est pour eux une sorte de bonheur, lorsqu'ils peuvent en rencontrer quelques-uns.

Que l'on ne craigne pas qu'ils se méprennent sur le sens de ces mots composés. L'expérience journalière me prouve qu'ils saisissent facilement l'explication qu'on leur en donne, et que le signe indicateur leur en rappelle la signification, avec autant de certitude, et plus de précision, que ne pourrait le faire la longue pantomime, dont on s'était servi, pour leur en donner la connaissance.

D'ailleurs, ils n'ont aucune peine à écrire,  sous la dictée de ces signes, les mots que l'instituteur veut leur dicter. Si jusqu'ici, l'on n'a pu, sans employer le secours de la pantomime, réussir à faire écrire aux élèves les mots composés ; si, par exemple, au lieu d'écrire, sous la dictée de l'instituteur, les mots : comprendre, devenir, surmonter, etc., ils n'ont pu tracer que ceux-ci : prendre avec, venir de, monter sur, etc., c'est que l'on manquait, en leur dictant ces mots, d'un signe propre, et qui, dans sa forme, renfermât ce qui convenait, pour indiquer la préposition attachée au mot qu'ils devaient écrire.

Certes, il ne faut pas que le signe partiel, indicateur de la préposition, soit isolé. Il doit faire partie intégrante du signe total, par lequel on désigne le mot, qui lui sert de base. Comme les prépositions, prises séparément, n’ont qu'une acception, et que quelques-unes d'entre elles n'ont même aucun sens, lorsqu'elles sont seules, et détachées du mot, qu'elles accompagnent et qu'elles modifient, ce serait manquer son but, que de se servir, pour les désigner, d'un signe isolé, qui ne ferait point partie de celui qui indique le mot , auquel elles appartiennent.

Tel est, MM., le plan que j'ai suivi, dans la formation des signes. Persuadé qu'il ne suffit, point au Soud-Muet d'avoir l'intelligence des mots de la langue qu'on lui enseigne, et qu'il faut encore lui apprendre la manière de s'en servir, pour communiquer ses idées, j'ai cherché ce moyen, et je crois l'avoir trouvé dans un système de signes, basé sur les règles que je viens d'exposer.

Nous avons donc deux sortes de signes les uns sont méthodiques, assujettis à des règles sévères, et ne peuvent être exécutés que d'une seule manière. Ils sont expéditifs, et propres pour une narration quelconque.

Les autres ne sont assujettis à aucune règle, et ne, peuvent être appelés méthodiques ; ils n'ont rien de fixe, et s'exécutent de mille manières différentes : ce sont les pantomimes. Ces signes sont compliqués, demandent, pour leur exécution, un long espace de temps ; et font connaître la chose, dont on veut donner l'idée, plutôt qu'ils n'indiquent le mot qui doit servir à la nommer.

Ces derniers ne forment point un système, ne sont point liés entr'eux. Je ne sais pourquoi on leur avait donné le nom de langue, en les appelant la langue des signes. Ce n'est pas que je veuille donner, aux signes expéditifs, le nom de langue ; car des signes ne sont point une langue, je l'ai déjà dit : ils ne sont qu'un supplément de la parole, dans l'articulation des mots.

Ce sont ces signes expéditifs, dont le Sourd-Muet se sert, pour converser avec son instituteur : ils ne peignent pas tout, ils n'analysent pas le mot, dont ils sont indicateurs ; ils ne font que le désigner, comme le son de la voix, qu'ils remplacent. Mais si le Sourd-Muet doit avoir l'intelligence des mots, dont il fait usage, doit-il en donner la définition ? Doit-il en faire l'analyse, toutes les fois qu'il s'en sert ? Je laisse aux personnes judicieuses à prononcer ; pour moi, j'en appelle à l'expérience, et je ne tiens à mon système, qu'autant qu'elle prouvera qu'il peut être utile.


PARALLÈLE
Des signes de l’institution de Caen , avec ceux des autres institutions.


PARIS, BORDEAUX, RHODEZ, etc.

CAEN.

Ces institutions n'ont point, pour les mots suivans, d'autres signes que ceux que l'on voitdans cette colonne. Tous les mots quelconques ont, pour signes, des pantomimes semblables.

 

Dans l'institution de Caen, on se sert de la pantomime, pour donner au Sourd-Muet l'intelligence des mots ; et des signes de cette colonne, pour les prononcer.


I.
DIEU.

1°. Montrer le ciel, et tout ce qu'on y voit ; et surtout le soleil, la lune, les étoiles. On figure ces astres, s'ils ne peuvent être montrés.

2°. Montrer la terre, figurer les mers, les fleuves, les montagnes et les vallons, les pierres, les arbres et les animaux, et surtout l'homme, dont il faut figurer l'esprit, le cœur et le corps.

3°. Elever le pouce de la main droite, qui sert à indiquer tous ces objets, et exprimer l'action de les avoir fait sortir du néant, et de les conserver.

4°. Terminer tous ces signes par un signe de respect et de profonde adoration, en inclinant la tête et le corps jusqu'à terre, et en montrant qu'on n'est que poussière devant Dieu, et que Dieu seul est grand.

I.
DIEU.

1°. On lève les yeux au ciel, et en même temps le pouce de la main droite s'élève, pour désigner le seul être grand et maître de tout, qui y réside.

2°. La tête et le corps s'inclinent, pour marquer le profond respect que nous devons à ce grand être.

3° Signe de nom commun.

II.
THÉOLOGIE.

1°. Figurer une science, une connaissance fondée sur des principes, en représentant ce qu'on a fait pour l'acquérir.

2°. Exprimer que c'est de Dieu que cette science explique les attributs, en faisant connaître ce qu'il est, et ce qui lui est dû.

3°. Signe d'abstractif.

II.
THÉOLOGIE.

1°. La main gauche fait le signe de Dieu, tandis que la droite écrit.

2°. Signe de l'abstractif.

III.
DOGME.

1°. Représenter une proposition, sur quelque science que ce soit, mais une proposition importante, mère de beaucoup d'autres ; un principe, une maxime, un axiome, une grande vérité, dont personne ne doit douter ; on en donne, des exemples, tels que ceux-ci : Il y a un Dieu en trois personnes. L'homme est composé de deux substances. Il y a une vie à venir.

2°. Signe de l'abstractif.

III.
DOGME.

1°. La main gauche fait le signe de Dieu, tandis que la droite fait celui du verbe enseigner.

2°.Signe de nom commun.

Nota. Le signe d'enseigner se fait en prenant au front et en répandant devant soi.


IV.
DANGEREUX.

1°. Supposer, et représenter par signes, un événement inattendu, ou un accident qui peut exposer à quelque perte, à un mal quelconque.

2°. Signe d'adjectif.
IV.
DANGEREUX.

1°. On élève les deux mains au-dessus de la tête, et les index étant suspendus, comme pour la menacer, on baisse la tête, en la retirant, et en affectant un air de crainte et d'inquiétude.

2°. Signe d'adjectif.

V.
ESSENTIEL.

1°. Représenter un être, dont il faut assigner les propriétés et les énoncer, par exemple : Un corps et un esprit composent l'homme. L'esprit sans le corps est Dieu ou un Ange. Le corps sans l'esprit est un animal.

2°. Le signe d’essentiel est donc celui de nécessaire : frapper de l'index, à plusieurs reprises, la table qu'on a devant soi, ou l'air qui est entre l’index et la terre.

3°. Donner le signe d'accidentel ou d'accessoire, en répétant celui, de nécessaire qu'il faut nier.

4°. Donner quelques exemples, tels que celui-ci. Il y a des hommes dont le corps est blanc, et d'autres dont le corps est noir : il y en a de sourds, et d'autres aveugles. Aucune de ces exceptions n'est essentielle, elles sont accidentelles.

5°. Signe d'adjectif.

V.
ESSENTIEL

1°. Signe du verbe être.

2°. Signe d'adjectif.

Nota. Pour faire le signe du verbe être, on décrit un cercle vertical avec l'index.

VI.
SUPPORTER.

I. Pour les choses.

1°. Représenter deux personnes malades, et d'une maladie qui cause les douleurs les plus vives.

2°. Représenter l'une d'une impatience extrême: imiter ses agitations, ses plaintes, ses cris.

3°. Représenter l'autre calme, tranquille, sans impatience, sans murmure souffrant avec résignation, et supportant ses maux sans un mouvement d'inquiétude et d'ennui.

4°. Mode indéfini.

II. Pour les personnes.

1°. Représenter une belle-mère et une belle-fille, ou une marâtre et une fille, qui est celle du mari, sans l'être de la femme.

2°. Représenter la marâtre et la belle-mère d'un caractère difficile, toujours de mauvaise humeur, toujours grondant, toujours se plaignant, et la fille toujours douce, toujours patiente et d'un, caractère toujours égal et inaltérable, d'une soumission parfaite, supportant, sans émotion, les brusqueries, les reproches injustes, et ne répondant que par des égards et des témoignages d'affection et de respect.

3°. Mode indéfini.

VI.
SUPPORTER.

1°. Signe de la préposition et du verbe porter.

2. Mode indéfini.

Nota. Le signe de cette préposition se fait en appuyant la paume de la main gauche sur le bout, des doigts de la droite, qui là soutient ; et le signe du verbe porter se fait en fermant les poings et en tendant les bras, comme si l'on soutenait un poids ou un fardeau quelconque.

VII.
ORIGINE.

1°. Représenter un objet, un être, une chose quelconque.

2°. En figurer le commencement, la naissance, le principe, la source : on donne des exemples.

3°. On figure une famille connue, en remontant des petits-enfans aux enfans, de ceux-ci au père, du  père au grand-père, etc.

4°. On figure l'origine du monde, remontant à la création ; on la figure : on rappelle une fête, une cérémonie, une coutume ; on en explique le commencement, la source, l'occasion, la cause.

5°. Signe à abstractif.

VII.
ORIGINE.

1°. La main gauche représente un vase, pendant que la droite fait le signe d'appel, comme si elle, voulait en faire sortir quelqu'un, ou quelque chose.

2°. Signe de nom abstractif.

VIII.
OSER.

1°. Représenter plusieurs personnes, s'amusant à monter à cheval, ou à lancer un ballon.

2°. Représenter un des chevaux jeune et ombrageux, renversant ordinairement son cavalier ; et le ballon prêt à être lancé.

3°. Proposer à quelqu'un de la société de monter le cheval, à un autre d'entrer dans la nacelle.

4°. Plusieurs refusent, deux acceptent, et montrent la plus grande hardiesse.

5°. Mode indéfini.



VIII.
OSER.

1°. La main droite fait le signé du verbe craindre, tandis que la tête se penche un peu, et se relève aussitôt, et le visage prend un air hardi.

2°. Signe du mode indéfini.



IX.
SOUMETTRE.

1. Représenter un souverain, gouvernant un grand état.

2°. Représenter une partie de son peuple refusant d'obéir, et se soulevant avec audace.

3°. Représenter ce même souverain, rassemblant ses troupes et les envoyant chez les révoltés, et celles-ci les subjuguant et les soumettant sous l'empire du souverain légitime: on cite d'autres exemples ; celui d'un père, qui soumet un enfant rebelle, celui d'un instituteur, qui soumet un élève indocile.

4°. Mode indéfini.

IX.
SOUMETTRE.

1°. Signe de la préposition et du verbe mettre.

2°. Signe du mode indéfini.

Nota. Le signe de la préposition se fait en plaçant la main droite sous la gauche. Pour celui du verbe, on porte la main droite, fermée, en avant, et on l'ouvre, comme pour lâcher ce que l'on tenait.

X.
SUBSISTER.

1°. Représenter des êtres vivans, et dont il faut figurer la vigueur et la force ; la végétation dans les uns, le mouvement et l'action dans les autres, et la pensée dans les êtres intellectuels.

3°. Mode-indéfini.

X.
SUBSISTER.

1°. Signe de la préposition et du verbe sister.

2°. Mode Indéfini.

Nota. Le signe de la préposition se fait, en portant le bout des doigts de la main droite sous la paume de la gauche. Pour faire celui du verbe, les deux index s'élèvent en décrivant chacun un demi cercle, se réunissent à la hauteur des yeux, et s'abaissent ensemble.

XI.
SUBSISTANCE.

1°. Représenter tout ce qu'exigent la nourriture et l'entretien d'une ou de plusieurs personnes.

2°. Figurer tous les objets qui servent à l'une et à l'autre ; comme les productions de la terre, qui deviennent nos alimens, et les animaux, dont la toison nous couvre, et dont la chair nous nourrit.

3°. Signe d'abstractif.

XI.
SUBSISTANCE.

1°. Signe du verbes subsister.

2°. Signe du nom commun.

XII.
I. SUJET.

1°. Représenter un prince souverain ou une république.

2°. Représenter toutes les personnes de l'état gouverné par ce souverain, soumises à ses lois, prêtes à faire ce qu'il commande, ou à ne plus faire ce qu'il défend.

3°. Signe de supérieur, en élevant la main gauche au-dessus de la tête, et d'inférieur, en abaissant la droite au-dessous, avec le signe de commandement et celui d'obéissance.

4°. Signe de nom commun.

II SUJET.

1°. Figurer une proposition.

2°. Indiquer l'être ou la chose dont la qualité, exprimée par un mot adjectif, est affirmée. Exemple : Dieu est éternel. Le soleil éclaire la terre.

3°. Montrer que le mot Dieu est sujet de la première, proposition, et que le mot soleil, est le sujet de la seconde.

4°. Signe d'abstractif.

III. SUJET.

1°. Figurer un art, une science, comme la physique, la morale, la médecine, la théologie.

2°. Figurer des corps, et l'art d'en examiner les dimensions.

3°. Figurer l'art de rendre la conduite conforme aux lois de la sagesse.

4°. Figurer l'art de connaître l'organisation du corps humain, ce qui sert à conserver la santé et qui la rétablit.

5°. Figurer ce qui regarde Dieu et nos devoirs envers lui.

6°. Dire que c’est là le sujet de chacune de ces sciences.

7°. Signe d'abstractif.

IV. SUJET.

1°. Figurer la cause, l'occasion, la matière, le lieu, la raison, le motif, le fondement d'une action, qu'on détermine.

2°. Déterminer aussi ce motif, cette cause, cette raison.

3°. Signe d'abstractif.

XII.
I. SUJET.

1°. Signe de la préposition et du verbe jeter.

2°. Signe de nom commun.

Nota. Le signe de cette préposition est le même que pour la préposition, du mot précédent. Le signe du verbe consiste dans l’action que l'on fait,  en jetant à terre une chose que l’on tient à la main.

XIII.
SUPÉRIEUR (Pour un lieu).

1°. Représenter des lieux différens, les uns élevés, les autres bas.

2°. Faire remarquer un lieu au-dessus des autres, comme une colline au-dessus d'une vallée, une planète au-dessus du soleil, d'autres au-dessous, Saturne, Jupiter et Mars dans l'ordre supérieur ; la terre, la lune, Vénus et Mercure, dans l'ordre inférieur.

3°. Signe d'adjectif.

II. SUPÉRIEUR.

1°. Représenter plusieurs personnes de l'un ou de l'autre sexe, réunies et vivant en société, observant les mêmes réglemens de conduite, et les mêmes pratiques.

2°. Représenter une d'entr'elles qu'elles ont choisie pour les gouverner, à qui elles obéissent, pour laquelle elles ont un grand respect et une tendresse filiale.

3°. Représenter ce chef, ce supérieur, adoucissant le commandement par une bonté extrême, une douceur inaltérable, et une tendresse de père et de mère.

4°. Signe de nom commun.

XIII.
SUPÉRIEUR.

1°. La main droite, fermée, se porte sur le dos de la gauche, qui est ouverte, et elle s'avance, en élevant le pouce, et en décrivant un demi cercle de gauche à droite, comme pour indiquer, domaine, ou autorité sur tout ce qui environne.

2°. Signe de nom commun ou d'adjectif suivant le sens attaché à ce mot.

XIV.
I. SUSCEPTIBLE.

1°. Représenter, ou une personne, ou un objet capable de recevoir en soi, ou une substance quelconque , ou une qualité.

2°. Figurer une matière de bois ou de pierre, et montrer que ce bois ou cette pierre peuvent recevoir la forme ronde ou quarrée.

3°. Représenter un jeune-homme, qui peut recevoir dans son âme de bons ou de mauvais principes, des vérités de morale, propres à le diriger et à le régler dans ses actions, dans sa conduite , ou des propositions contraires aux convenances et aux lois de Dieu et à celles de la société.

4°. Signe d'adjectif.

II. SUSCEPTIBLE.

1°. Représenter une personne d'un caractère difficile, qui se choque, aisément, qui croit toujours qu'on veut l'offenser. Donner quelqu'exemple de cette disposition : plusieurs personnes sont ensemble, une d'entr'elles propose à la plus grande partie le plaisir de la promenade ; celle à qui elle n'a pas fait cette proposition s'offense de cet oubli.

2°. Signe d'adjectif.

XIV.
SUSCEPTIBLE.

1°. Signe de la préposition et du verbe recevoir, avec les deux mains à la fois.

2°. Adjectif en ible.

Nota. Le signe de cette préposition se fait en passant la main droite renversée, sur le dos de la gauche ; celui du verbe est de présenter les deux mains ouvertes, comme pour recevoir quelque chose.

XV.
I. SUSCITER.

1°. Représenter des hommes extraordinaires, destinés à de grandes choses, comme les prophètes de l'ancienne loi, et quelques saints de la nouvelle.

2°. Représenter Dieu les faisant naître, et dans un certain temps, pour annoncer ses volontés aux autres hommes, comme il suscita Moïse pour délivrer son peuple de l'esclavage de l'Egypte, et Saint Jean pour annoncer le Messie.

3°. Mode indéfini.

II. SUSCITER.

1°. Représenter deux personnes, dont l'une a causé à l'autre des inquiétudes, des embarras et des chagrins mortels.

2°. Représenter cette personne déterminant sa victime à lui donner sa signature en blanc, que celle-ci remplissait à volonté.

3 °. Représenter le complaisant signataire, n'ouvrant les yeux  sur un abus de confiance aussi infâme, que pour se voir dans un abîme sans fond, son nom flétri dans l'opinion publique, et pour pleurer sur le malheur de sa liaison avec cet ami perfide, qui, sans pudeur, lui a suscité tant de maux, et troublé pour jamais le repos de sa vie.

4°. Mode indéfini.
XV.
SUSCITER.

1°. Signe de la préposition et du verbe citer.

2°. Mode indéfini.

Nota. Le signe de cette préposition est le même que celui de la précédente.

Le signe du verbe se fait en plaçant la main gauche ouverte et renversée, de manière que l’avant bras soit horizontal ; en même temps la droite fait signe de l'index, comme, pour l'appeler, et la gauche s'élève.
XVI.
SUBLIME.

1°. Représenter un père, qui se laisse mener, au supplice, au lieu de son fils, qui venait d'être condamné.

2°. Elever au-dessus des plus grands efforts de l'âme ce courage sublime.

3°. Citer quelqu'ouvrage d'art ou de science, qui ait exigé un grand talent, un grand effort de génie, tel que l'Iliade, l'Enéide, la tragédie d'Athalie, et quelques autres chefs-d’œuvre.

4°. Montrer qu'ils sont dus au génie sublime de leurs auteurs.

5°. Signe d'adjectif.
XVI.
SUBLIME.

1°. Les mains, en faisant le signe de l'adjectif beau s'élèvent autant que les bras peuvent s'étendre.

2°. Adjectif.

Nota. Le signe de beau consiste à passer légèrement, plusieurs fois le bout des doigts de la main droite sur la paume de la gauche, et en prenant, dans son regard et dans toute sa figure, un air de satisfaction et de plaisir.
XVII.
SUPERSTITIEUX.

1°. Représenter plusieurs personnes, toutes religieuses, et ayant une piété tendre, qui s'exprime par les signes des objets du culte et des exercices pieux ou religieux, et le signe d'affection, d'amour et de sensibilité.

2°. Représenter les unes n'ajoutant rien, ni à la croyance commune, ni aux sentimens commandés ; les autres regardant comme appartenant à Dieu ce qui est d'invention humaine, attribuant une vertu divine et des effets réels à ce qui est le fruit d’une imagination désordonnée, ayant une fausse opinion de Dieu, une religion vaine et mal dirigée, et une crainte hors de propos, excessive et sans un motif légitime.

3°. Faire remarquer que c'est à ces dernières que s'applique le mot que nous expliquons, et dont nous cherchions les signes.

4°. Signe d'adjectif.
XVII.
SUPERSTITIEUX.

1°. Signes de prier et de craindre. Ils se font en même temps.

2°. Signe d'adjectif.

Nota. Le signe de prier se fait en joignant les mains ouvertes, et en prenant l'attitude d'un suppliant.

Celui de crainte se fait ici , en regardant vers le ciel et à ses côtés, d'un air inquiet.
XVIII.
RÉGNER.

1°. Représenter une grande étendue de pays.

2°. Représenter quelqu'un qui gouverne ce grand pays, qui envoie aux autres souverains des ambassadeurs, et qui en reçoit ; qui fait battre monnaie, qui a seul le droit de faire la paix ou la guerre, qui nomme à toutes les places, qui fait rendre la justice, qui fait punir de mort les criminels, et qui seul a le droit de faire grâce. On se borne aux attributions principales de la souveraineté.

3°. Mode indéfini.
XVIII.
RÉGNER.

1°. Tandis que la main gauche paraît tenir le sceptre, le bras droit s'élève horizontalement, et la main ouverte s'avance de gauche à droite, comme pour marquer la puissance souveraine. On prend, en même temps, une attitude imposante.

2°. Signe du mode indéfini.
XIX.
OBTENIR.

1°. Représenter plusieurs personnes, dont l'une est au-dessus des autres, par le crédit, l'autorité, et les moyens.

2°. Représenter plusieurs personnes lui demandant quelque place honorable, ou quelque emploi lucratif, ou toute autre faveur.

3°. Représenter quelqu'un de ces solliciteurs ne demandant point en vain, et recevant l'objet de ses vœux.

4°. En, représenter plusieurs autres ne recevant rien.

5°. Faire remarquer celui qui est exaucé et qui reçoit.

6°. Mode indéfini.

XIX.
OBTENIR.

1°. Signe de la préposition, et du verbe tenir.

2°. Signe du mode indéfini.

Nota. Le signe de la préposition se fait eu baissant la main ouverte, la paume vers la terre, et la relevant en allongeant d'abord le bras, le raccourcissant ensuite de manière que le bout des doigts décrive, un demi cercle vertical.
XX.
INFÉRIEUR.

1°. Représenter une réunion de personnes quelconque.

2°. Supposer un supérieur, un chef, et le figurer par les signes de commander et de défendre, d'administrer et de gouverner l'établissement où passent leur vie ces personnes réunies.

3°. Représenter toutes ces personnes obéissant au chef, et réconnaissant son autorité.

4°. Signe d'adjectif.

XX.
INFÉRIEUR.

1°. La main, gauche se place, comme pour le mot supérieur, et la droite, ayant tous les doigts fermés, excepté le pouce, qui est ouvert et tourné vers la terre, part de dessous la gauche, et décrit un demi cercle horizontal.

2°. Signe de nom commun ou d'adjectif.
XXI.
I. ESSAYER.

1°. -Action de tâter, d'examiner, d'éprouver une chose, pour en connaître la qualité. On en donne facilement des exemples.

2°. On essaie un comestible ; on essaie une montre ; on essaie un secrétaire, un maître quelconque.

3°. On essaie un commencement de travail, pour savoir si on pourra réussir à le faire: tout cela se figure par signes.

4°. Mode indéfini.

II. ESSAYER.

1°. Représenter une porte fermée, et dont on a perdu la véritable clef.

2°. Action d'employer, ou une autre clef, ou un long clou, ou un outil, pour ouvrir cette porte : on peut imaginer d'autres exemples.

3°. Mode indéfini.

XXI.
ESSAYER.

1°. Réunir les doigts de la main gauche par le bout, feindre de ne pouvoir y introduire le bout du pouce de la droite, et y faire entrer le petit doigt.

2°. Mode indéfini.

XXII.
OBJET.

1°. Indiquer les quatre organes, qui, lorsqu'ils ne sont pas viciés, et qu'ils sont en activité, sont autant de sens.

2°. Représenter un objet qui frappe l'un, un second objet qui frappe l'autre, un troisième qui frappe un troisième sens, et enfin un quatrième objet qui fait également impression sur le quatrième sens.

3°. Supposer que ces objets sont autour de celui qui en fait le signe, et figurer, de la main droite, l'influence qui sort de chaque objet, et qui vient frapper chacun des sens.

4°. Signe de nom commun.

XXII.
OBJET.

1°. Signe de la préposition et du verbe jeter.

2°. Signe de nom commun.

XXIII.
NATURALISER.

1°. Représenter un pays, un état, un gouvernement quelconque, d'après les signes qui se trouvent au premier volume ; articles, titres, dignités, etc., page 136.

2°. Représenter une personne étrangère, et d'un autre pays, sollicitant le privilège d'être regardée comme née dans celui-là, et de jouir de tous les droits des naturels de ce pays;

3°. Imiter, par signes, l'action du souverain qui accorde ce privilège.

4°. Mode indéfini.

XXII.
NATURALISER.

1°. Signe du mot nature.

2°. Signe du mode indéfini.

XXIV.
I. NATURE.

1°. Figurer les principaux êtres des trois genres, naissant les uns des autres.

2°. Tracer un grand cercle qui embrasse tous les genres.

3°. Signe d'abstractif

II. NATURE.

1°. Représenter la masse du monde, la machine de l'univers, l'assemblage de tous les êtres créés, tout ce qui existe au-dessus de nous, autour, de nous, au-dessous de nous.

2°. Signe des principaux êtres qui forment ce grand tout.

3°. Signe d'abstractif.

III. NATURE.

1°. Tous les signes du précédent.

2°. Ajouter le signe des êtres incorporels, qui sont, Dieu, les Anges bons et méchans, et les âmes humaines.

3°. Signe de l'abstractif.

IV. NATURE.

1°. Représenter tous les objets qui frappent nos regards, et parmi lesquels nous pouvons remarquer des effets et des causes.

2°. Représenter l'ordre admirable qui règne autour de nous, les lois que suivent, sans pouvoir s'y soustraire, les êtres et les choses, le mouvement qui leur est imprimé, leur commencement d'existence, la continuation et la fin.

3°. Signe de l'abstractif.

V. NATURE.

1°. Représenter l'œil éternel, qui voit tout, qui observe tout.

2°. La sagesse qui régit tout.

3°. La toute puissance qui fait tout.

4°. La providence qui pourvoit à tout.

5°. Signe de l'abstractif.

VI. NATURE.

1°. Exclure, par des signes négatifs, tout travail, tout effort de l'art, toute action de la main.

2°. Affirmer l'existence d'un être simple, sans ornement et sans déguisement, et ses qualités, qui n'ont été ni communiquées, ni apprises.

3°. Signe de l'abstractif.

VII. NATURE.

1°. Représenter la faiblesse, les infirmités, la fragilité, auxquelles l'homme est assujetti.

2°. Les figurer, les déterminer, ou par leurs causes, ou par leurs effets, en faisant le signe particulier de quelques-unes.

3°. Ne pas oublier la mort pour le corps, et le penchant au mal pour l'esprit.

4°. Signe de l'abstractif.

VIII. NATURE (Dans le sens religieux ).

1°. Représenter la grâce de Dieu, nous inspirant de marcher dans la simplicité, et la nature dans la fausseté et le déguisement ; l'une humble et désintéressée, l'autre, fière et rapportant tout à soi ; l'une se plaisant dans l'oisiveté, l'autre recherchant le travail ; l'une courant après les choses passagères, l'autre n'estimant que les éternelles ; l'une, n'aimant que ceux qui la flattent, l'autre aimant ses ennemis ; la nature, recherchant toutes ses aises, l'éclat et les honneurs ; et la grâce aimant la mortification et à être comptée pour rien.

2°-. Signe de l'abstractif.

XXIV.
NATURE.

1°. La main gauche se place sur le cœur, tandis que la droite couvre le visage.

2°. Les deux bras se déploient, comme pour indiquer l'universalité des êtres.

3°. Signe de nom abstractif.

XXV.
NATUREL.

1°. Représenter quelque ouvrage de l'art, soit dans sa substance, soit dans ses ornemens.

2-°. Signe de négation et d'opposition.

3°. Supposer un ordre, un cours ordinaire de choses, un droit établi parmi les hommes, sans loi, sans convention, qui les gouverne tous.

4°. Représenter des qualités, des idées que l'homme apporte en naissant, et dont personne ne lui a donné ni la connaissance, ni la leçon.

5°. Signe d'adjectif.


XXV.
NATUREL.

1°. Faire le premier signe du mot nature.

2°. Signe d'adjectif ou de nom commun, suivant l'acception de ce mot.

XXVI.
I. TRIOMPHE, au propre .

1°. Figurer une cérémonie pompeuse, une fête solennelle donnée à un général après une victoire éclatante, qu'il faut représenter.

2°. Représenter toutes les troupes sous les armes, tous les grands dignitaires dans un état formant le cortège, et faisant au vainqueur, une entrée magnifique.

2°. Signe d'abstractif.

II. TRIOMPHE.

1°. Représenter un général arrivant dans la capitale d'un empire, après une grande victoire remportée, ou quelques grands succès.

2°. Figurer une illumination générale et quelque feu d'artifice en signe de réjouissance publique.

3°. Signe d'abstractif.

III. TRIOMPHE, au figuré.

1°. Représenter une personne accusée de quelque grand crime, par des envieux, des jaloux et des méchans.

2°. La représenter jugée et condamnée, comme le fut la chaste Suzanne, sur l'accusation des impudiques vieillards.

3°. Figurer un événement qui sert à prouver l'innocence de cette personne.

4°. Représenteras juges prononçant sa justification, et la juste punition des calomniateurs.

5°. Représenter le peuple applaudissant à ce triomphe de la vertu sur le crime. ...

6°. Signe d'abstractif.

XXVI.
TRIOMPHE.

1°.La main droite prend le poignet, de la gauche et la porte à la hauteur des yeux ; on prend, en même temps, un air de satisfaction et de joie.

2°. Mode abstractif.

XXVII.
REGRETTER.

1°. Supposer la perte d'une personne, ou d'un objet, par les signes de perdre, etc.

2°. Représenter une personne qui a éprouvé quelqu'une de ces pertes, et figurer son chagrin par les signes de ce mot (les voici).

3°. Représenter une personne qui est, pour le moment, absorbée, par la mélancolie, l'inquiétude et l'ennui. C'est la physionomie qui doit peindre cet état, sans l'exagérer.

4°. Signe du mode indéfini.

XXVII.
REGRETTER.

1°. On joint fortement les mains et on les presse contre le côté droit de la poitrine, tandis que les yeux se portent tristement vers le ciel du côté gauche.

2°. Mode indéfini.
XXVIII.
SE RÉSIGNER

1°. Représenter Dieu gouvernant le monde, et envoyant une maladie à quelqu'un , ou même des malheurs qui le prive, ou de quelqu'enfant, ou de quelque protecteur, ou de ses revenus, ou même de ses biens.

2°. Représenter cette personne s'abandonnant entièrement à la volonté de Dieu, et baisant avec soumission, sans murmure, avec reconnaissance et résignation, la main céleste qui la frappe.

3°. Mode indéfini.

XXVIII.
SE RÉSIGNER.

1°. On baise la main gauche, tandis que la droite fait le signe de Dieu.

2°. Mode indéfini.

XXIX.
EXCELLER.

1°. Supposer les artistes les plus célèbres dans un art quelconque.

2°. Action d'en désigner un, supérieur à tous les autres, et les effaçant par l'excellence de son talent. On peut prendre son exemple chez tous les peintres français, et nommer David ; ou chez les graveurs, et signaler Morgain ; ou chez les orateurs, et nommer Bossuet et Massillon ; chez les poètes, Corneille et Racine ; chez les bienfaiteurs de l'humanité, le père des pauvres, Saint-Vincent-de-Paul et le père de tous les Sourds-Muets, le célèbre abbé de Lépée.

3°. Mode indéfini.

XXIX.
EXCELLER.

1°. Joindre les mains l'une contre l'autre, le bout des doigts élevés, et faire glisser la droite au-dessus de la gauche.

2°. Mode indéfini.
XXIX.
ÉCLORE.

1°. Figurer des œufs qu'une poule a couvés.

2°. Figurer ces mêmes œufs percés par le bec des poussins, et ceux-ci se dégageant de la coque.

3°. Mode indéfini.

XXIX.
ÉCLORE.

1°. Les doigts de la main droite, tous réunis par le bout et formant une espèce de cône, s'introduisent dans la gauche et sortent entre le pouce et l’index de cette dernière, en s'épanouissant.

2°. Mode indéfini.

XXX.
ASSUJETTIR.

1°. Représenter des personnes rebelles.

2°. Représenter un chef, un maître.

3°. Action de vaincre ces personnes par la force, de les réduire sous la sujétion et le joug, qu'elles refusaient avec obstination.

4°. Mode indéfini.

XXX.
ASSUJETTIR.

1° Signe des deux prépositions, et du verbe jeter.

2°. Mode indéfini.

XXXI.
I. SENTIMENT.

1°. Représenter des objets frappant les sens.

2°. Figurer l'âme recevant l'image de ces objets, par le moyen de ces impressions, et par l'action des sens.

3°. Figurer la faculté qu'elle a de recevoir ces impressions.

4°. Signe de l'abstractif.

II. SENTIMENT.

1°. Figurer les divers mouvemens des organes, quand l'âme éprouve des affections et des passions : on détermine les unes et les autres.

III. SENTIMENT.

1°. Représenter une personne capable d'une grande probité, d'une extrême délicatesse, de générosité, et d'une fierté noble, qui répugne à tout ce qui pourrait l'avilir, la rabaisser, l'humilier, la dégrader.

2°. Signe d'abstractif.

IV.SENTIMENT.

1°. Figurer la pensée, l'opinion, l'avis, le jugement d'une personne sur un ouvrage de talent et d'esprit, en faisant le signe, d'ouvrage, d'auteur, et de pensée de celui qui le juge.

2°. Ajouter le signe de croyance ferme que l'ouvrage est tel qu'on le juge.

3°. Représenter le cœur aimant cette opinion, et s'en pénétrant profondément.

4°. Signe de l'abstractif.

V. SENTIMENT.

1°. Représenter, dans un paralytique, la partie saine et la partie malade.

2°. Distinguer l'une, en figurant l'insensibilité et la mort, et l’autre en figurant la sensation que lui cause l'impression des objets, et le sentiment que ces sensations portent à l'âme.

3°. Signe de l'abstractif.

XXXI.
SENTIMENT.

1°. Figurer l'action de flairer quelque chose, que l'on est censé tenir entre le pouce et l'index de la main droite.

2°. Signe de l'abstractif.

Nota. Si ce mot est pris au sens figuré, on porte aussitôt la main au cœur.

XXXII.
MAGES.

1°. Représenter la naissance de Jésus-Christ, en figurant tout ce qui la distingue de celle des autres hommes : on figure la nuit et minuit, une Vierge, une étable, une crèche, un vieux mari, des animaux, des anges qui publient ce grand événement, des bergers qui accourent et qui tombent aux pieds de la crèche, et des philosophes ou rois de l'Orient, qui sont conduits par une étoile extraordinaire, mais prédite, aux pieds du divin enfant.

2°. Signe de nom commun.

XXXII.
MAGES.

1°. Tandis que l'index de la main gauche figure la marche de l'étoile, trois doigts de la main droite ouverts le suivent et désignent les trois mages.

2°. Signe de nom commun

XXXIII.
RÉDEMPTEUR.

1°. Signe du mauvais ange, ou démon, tentant le premier homme et la première femme, et les induisant à désobéir à Dieu.

2°. Ceux-ci mangeant du fruit défendu.

3°. Figurer Dieu les condamnant à la mort du temps, et à la mort de l'éternité.

4°. Représenter la seconde personne de la trinité, offrant de réparer cette faute.

5°. Signe de l'acceptation de la réparation. Voici la manière  d'ellipser ces signes, et de les réduire au plus petit nombre.

1°. Mauvais ange tentateur (voyez ces mots dans la théorie des signes, tome Ier.).
2° Le premier homme et la première femme désobéissans.
3°. Dieu les condamnant.
4°. Le fils offrant de réparer.
5°. Dieu approuvant et acceptant.

Telle doit être la manière de réduire toute pantomime, et d'ellipser le trop grand nombre de signes, dont chaque mot exige qu'on fasse usage.

XXXIII
RÉDEMPTEUR.

1°. Signes de Jésus-Christ , et de mort. Ces deux signes se font à la fois.

2°. Signe de nom personnel.

Nota. Le premier de ces signes se fait en appuyant le bout du long doigt d'une main dans la paume de l'autre, pour indiquer les mains percées. Le second se fait en fermant les yeux et penchant la tête et le corps, subitement.
XXXIV.
PROVIDENCE.

Signes de tous les êtres vivans, soit végétaux, soit animaux , recevant régulièrement la vie, et tout ce qui la conserve, figurer un être immense, occupant tout l'espace, et jetant sur tous les êtres un regard attentif et de sollicitude, pour n'en laisser périr aucun, faute de soins : comparer cet être bienfaisant à une mère, qui suit de l'œil, du cœur, le fils qu'elle a été forcée d'éloigner du toit paternel. Représenter, par gestes, tous les miracles journaliers de cette providence, qui commande aux eaux des deux d'arroser la terre, au soleil de l'échauffer, à l'homme de la cultiver, et qui se charge seule de rendre ces arbres fertiles, et d'enrichir les guérets : tous ces détails n'exigent que trois signes, qui forment comme les sommités de ces idées, et ces signes sont :

1°. Signes des plantes et des animaux vivans.
2°. Le créateur, répandant journellement tous les bienfaits qu'exige leur conservation, et que demande leur indigence.
3°. Cet œil éternel, recherchant tous les besoins, comme une mère tendre, et n'en laissant aucun sans l'avoir satisfait.

XXXIV.
PROVIDENCE.

1°. Tandis que la main droite fait le signe de Dieu, l'index de la gauche indique l'œil.

2°. Signe de l’abstractif.

XXXV.
SAUVEUR.

1°. Figurer J.-C. attaché à la croix, et répandant son sang pour les hommes coupables, après avoir pris, dans le sein d'une Vierge, un corps qu'il livre à toutes les épreuves d'une condition obscure et pénible, et à toutes les souffrances que la perversité et la rage peuvent inventer.

2°. Représenter sa mort sur la croix, et sa résurrection.

3°. Signe du pardon accordé à tous ceux qui reçoivent le baptême en son nom, qui meurent aux biens de la terre et aux pompes du monde, et dont la vie, cachée en lui, est en tout une imitation de la sienne. Les signes principaux sont :

1°. Le fils de Dieu fait homme, expirant sur la croix.
2°. Les hommes baptisés en son nom, imitant sa vie, et suivant sa doctrine.
3°. Les hommes pardonnés et sauvés.

XXXV.
SAUVEUR.

1°. Signe du verbe sauver.

2°. Signe de nom personnel.

Nota. Le signe de ce verbe se fait ainsi : on imite l'action d'une personne qui se baisse précipitamment, pour relever une chose, ou une personne qui va périr, et on prend le coude du bras gauche dans sa main, pour figurer l'objet que l'on sauve du danger.

XXXVI.
SAINT

1°. Signe d'esprit et de cœur, en montrant le front, partie essentielle de la tête, où l'on est convenu qu'est le siège de l’intelligence ; en montrant le cœur, qui est également, par convention, le siège des affections.

2°. On fait le signe, de souillures et de taches, de corruption et d'impureté : ce signe se fait en indiquant quelque chose qui blesse les regards, ou qui est désagréable au sens de l'odorat ou du goût, et on ajoute une négation, qui exclut toute mauvaise odeur, toute corruption, toute tache.

3°. Signe de blanc, en indiquant les principales propriétés de la neige ; on a soin de faire entendre que c'est dans l’ame, dont les principales propriétés sont l'esprit et le cœur, que se trouve cette blancheur et cette pureté ; et on montre le ciel avec respect, pour faire entendre que c'est relativement à ce séjour des bienheureux qu'on  désigne la pureté, qui, en ce sens, est la sainteté.

XXXVI.
SAINT.

1°. Le long doigt de la main droite désigne le cœur, en se portant sur le côté gauche, et en même temps la gauche fait le signe de béni, en traçant une croix en l'air.

2°. Signe d'adjectif.

XXXVII.
MAGISTRAT.

1°. Signe de peuple et de police.

2°. Signe de celui qui a autorité sur le peuple, et qui exerce sa juridiction sur lui : le signe de peuple se compose du signe de  chaque condition, où rang de la société ; ainsi on fait le signe
de chaque rang, de chaque science, de chaque art libéral, de chaque art mécanique ou métier, en figurant, par gestes tous ceux qui les exercent : le signe de police se compose des signes de surveillance active, relativement au bon ordre public, et à la tranquillité publique, au soin de faire arrêter ceux qui les troublent ; à les retenir, s'ils sont coupables ; à leur rendre la liberté, s'ils ne le sont pas : le signe d'autorité est celui de la puissance, qui commande ou qui défend, qui surveille et qui punit. On ajoute à tous ces signes celui de juge; car il y a jugement dans presque tous les actes du magistrat.

XXXVII.
MAGISTRAT.

1°. Lai main gauche, ouverte, s'élève à la hauteur de la tête, la paume en avant, tandis que la droite montre, de l'index, cette main, qui représente la loi.

2°. Signe de nom personnel.

XXXVIII.
SOUVERAIN.

1°. Signe d'un état d'une grande étendue.

2°. Signes des principaux corps de cet état : ecclésiastiques, religieux et civils ; judiciaire, comprenant les différentes cours de justice ; militaire, comprenant toute l'armée de terre et de mer ; les établissemens d'instruction publique, comprenant les anciens collèges, connus actuellement sous le nom de licées, et les maisons d'éducation.

3°. Figurer un homme gouvernant tous ces différens corps, à l'imitation de la providence, qui gouverne le monde ; qui fait battre monnaie à son coin et en son nom ; qui envoie des ambassadeurs et qui en reçoit, qui fait la guerre et la paix ; et au nom duquel la justice publique est rendue ; qui est, dans l'état et pour l'état, ce qu'un père est dans sa famille et pour sa famille.

XXXVIII.
SOUVERAIN.

1°. La main gauche se porte sur la garde de l'épée, pendant que la droite ouverte, s'avance de gauche à droite, horizontalement et à la hauteur des yeux.

2°. Signe de nom personnel.


Il me serait facile de grossir le nombre des exemples ; mais il me semble que ce petit nombre suffit, pour donner une idée des signes que j'emploie, dans là conversation. .

Je me propose de faire connaître, dans un autre mémoire , la marche que je suis dans le cours de l'instruction de mes élèves ; elle est différente de-celle que je vois adoptée dans les autres écoles; Au reste, j'ai le dessein de la mettre à la tête du dictionnaire des signes, lorsque je pourrai le faire imprimer.

FIN.


NOTES :
(1)Introduction à la théorie des signes, page 52.
(2) Idem. Dédicace et avertissement.
(3) Avertissement à la tête de la théorie des signes.
(4) Avertissement à la tête de la théorie des signes.
(5) Introduction à la théorie des signes, page 40 ; théorie, tome 1, page 28, 39.
(6) Introduction, page 38.
(7) Théorie des signes, tome 1, page 38, et passim
(8) Théorie des signes, tome 2, page 24 , et passim.
(9) Théorie des signes, tome 2, page 23 , et presqu'à chaque page.
(10) On n'en trouve pas une exprimée dans la théorie des signes.
(11) Voyez, dans la théorie des signes, tome 2, les mots : faciliter, fier, gloire, et ceux qui se trouvent dans le parallèle, à la fin de ce mémoire.


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