FLEURY, Jean-Joseph-Bonaventure (1816-1894) : Le remouleur et les bêtes : conte.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (04.II.2003)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Mél : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] 100346.471@compuserve.com
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Texte établi sur un exemplaire (BmLx : norm 918) de Littérature orale de Basse-Normandie (Hague et Val-de-Saire) par Jean Fleury parue à Paris chez Maisonneuve et Cie en 1883 volume IX de la collection Les Littératures populaires de toutes les nations.
 
Le remouleur et les bêtes
conte recueilli par
Jean Fleury

~~~~

UN soir un remouleur demande à loger dans une maison pour la nuit. Il avait assez mauvaise tournure et l'on ne se souciait pas de le recevoir. On lui dit que la maison n'était pas bien sûre et que les bêtes pourraient bien venir le manger.

- Ce n'est pas gênant, dit-il, et il va se coucher dans le pressoir.

A la première lueur du jour, voilà qu'un loup arrive.

- Tu veux me manger, lui dit-il, je ne peux pas t'échapper. Mais permets-moi de m'amuser encore un peu avant d'être mangé.

Le loup y consent. Le remouleur se met à jouer de l'émoulette. Le loup trouve cela très joli.

- Il n'est pas juste que tu aies tout le plaisir et moi rien, dit-il au rémouleur. Laisse-moi jouer un peu à mon tour.

Le remouleur y consent. Le loup fait tourner l'émoulette et s'amuse beaucoup. Le rémouleur s'arrange de manière à ce que le loup ait la patte prise dedans, et tourne bien vite, bien vite. Le loup crie, mais ne peut se dégager, et le remouleur se sauve.

Un autre loup qui entre à son tour dans le pressoir trouve son camarade encore pincé.

- Qui est-ce qui t'a pris comme ça ?

- C'est le rémouleur. Il tournait sa machine ; ça m'amusait. Je lui ai dit : Il ne faut pas que tu aies tout le plaisir et moi rien. Il m'a donné l'émoulette, mais en la faisant tourner, je me suis pris la patte dedans et il s'est sauvé. Si vous pouvez me défaire (1), et si nous pouvons le retrouver, bien sûr nous le mangerons.

Son camarade le dégage et les voilà tous deux courant après le rémouleur.

Tout en courant ils rencontrent un lièvre, qui avait de petits boulets aux oreilles.

- Mon pauvre petit lièvre, qui est-ce qui t'a mis comme ça ?

- Un rémouleur qui passait par ici. Un chien courait après moi. Il m'a dit que si j'avais de petits boulets aux oreilles, je courrais bien mieux, et il m'a offert de m'en mettre. Je l'ai laissé faire et depuis je ne sais plus courir du tout. Si vous voulez me défaire, nous courrons ensemble après lui et nous le mangerons.

On lui ôte ses boulets et l'on se remet à courir. On rencontre un renard qui avait un ragot dans le derrière.

- Qui est-ce qui t'a arrangé comme ça, mon pauvre renard ?

- C'est le rémouleur. J'étais en train d'attraper des mûres de ronce quand il est venu. Il a prétendu qu'il avait un secret pour me faire courir bien vite, et il m'a offert de me l'enseigner, c'était de mettre un ragot dans le derrière. Je l'ai cru, je me suis laissé faire, et voilà que je ne sais plus courir du tout. Si vous voulez me défaire, nous courrons après lui et nous le mangerons.

On lui ôte le ragot et voilà les trois animaux courant de compagnie sur les traces du rémouleur. Ils l'avisent (2) à la fin. Il avait repris son émoulette. En voyant le loup, il la lui montre en la faisant tourner. Le loup se sauve, la queue entre les jambes. Il agite les deux boulets qu'il a ramassés, le lièvre se sauve. Le renard s'approche de lui, il lui montre le ragot, qu'il a ramassé aussi, et le renard s'enfuit.

Je prins par les grands moulins, je beus un coup et je m'en revins.

(Conté par Marie Duval)


Commentaire :

On peut comparer à ce conte le n° 8 des frères Grimm : Der Wunderlische Spielman ; le n° 11 des Contes lorrains de M. Cosquin : Le Militaire avisé (dans Romania*, t. V. p. 92). M. Cosquin indique plusieurs autres contes analogues.


Note :
(1) Me dégager.
(2) L'aperçoivent.


retour
table des auteurs et des anonymes