Hégésippe Moreau
Hégésippe MOREAU, écrivain et journaliste français né à Paris le 8 avril 1810 et décédé dans cette ville le 20 décembre 1838.
Oeuvre principale : Le Myosotis (1838).
Les textes présentés sur cette page, pour certains d'abord parus en revue, composent les Contes à ma soeur insérés dans le recueil Le Myosotis : petits contes et petits vers publié par Desessart en 1838.
textes établis d'après l'édition de la Bibliothèque du bibliophile parue à Lyon en 1920 chez H. Lardanchet.

Le gui de chêne : "Un jour, la date précise m'échappe, mais c'était deux ans environ après la mort d'Hercule, il y avait grande foule et grand bruit à Delphes. Ce jour était le dernier des jeux pythiens, et, chose inouïe ! les luttes et les courses expiraient sans spectateurs, les athlètes et les cochers triomphaient inconnus, et l'on dit même que le poète Simonide, qui chantait alors en plein vent la gloire de je ne sais quel cheval, n'eut, ou peu s'en faut, que son héros pour auditeur. Mais si l'arène était vide, en revanche la foule débordait du temple d'Apollon. Un mot, un mot magique avait suffi pour l'y précipiter : «Voici les Héraclides !» Et ce mouvement de tout un peuple soulevé par un nom, vous le comprendrez sans peine, ma soeur : il n'est pas une Française, je pense, qui n'eût sacrifié de grand coeur une loge au spectacle pour voir le fils de Napoléon (ce pâle jeune homme qui s'est laissé voir si peu de temps) ! ..."

La souris blanche : "Il y avait une fois, ma soeur, un vilain roi de France, nommé Louis XI, et un gentil dauphin, qu'on appelait Charlot, en attendant qu'il s'appelât Charles VIII. D'ordinaire, le vieux roi, superstitieux et malade, régnait, tremblait et souffrait, invisible, à l'ombre des épaisses murailles de son château du Plessis-lès-Tours. Mais, vers le milieu de l'année 1483, il venait de se traîner en pèlerinage à Notre-Dame de Cléry, soutenu par Tristan-l'Hermite, son bourreau, Coictier, son médecin, et François de Paule, son confesseur ; car il avait grand' peur, le vieux tyran, des hommes, de la mort et de Dieu..."

Les petits souliers : "Le 6 janvier 1776, jour de l'Épiphanie, il se passa sur le gaillard d'arrière du vaisseau français le Héron, une petite scène assez piquante pour mériter qu'on la raconte. Tous les officiers que le service de l'équipage ne réclamait pas ailleurs se promenaient, causant et fumant sur le pont, lorsqu'un jeune aspirant de marine, montant l'escalier qui conduisait à la chambre du capitaine, parut et s'écria : «Chapeau bas, messieurs ! voici la reine !...» ..."

Thérèse Sureau : "Je flânais un jour avec délice, bouche béante et le nez en l'air, sous les marronniers en fleurs du jardin des Plantes ; car ce jour était un dimanche, et j'étais alors de mon métier compositeur d'imprimerie ; or, par la littérature qui court, c'est un terrible métier, je vous jure. Figurez-vous que j'avais pâli et bâillé toute la semaine sur le nouveau roman d'un auteur en vogue. - «Mais, pourquoi donc, avais-je murmuré vingt fois, souffleter ainsi, brutalement et à tout propos, Vaugelas, Restaut et Wailly, ..."

Le neveu de la fruitière : "COMMENT malheureux ! - répétait à son fils le père Lazare, cuisinier à Versailles, - tu auras six ans à Noël, et tu ne possèdes pas encore le moindre talent d'agrément : tu ne sais ni tourner la broche, ni écumer le pot !»... "

Jeanne d'Arc : "Les progrès de l'invasion anglaise au XVe siècle furent rapides et terribles. L'invasion, ma soeur, si vous ne comprenez pas ce mot, interrogez vos soeurs aînées, elles vous diront les figures étranges qu'elles virent passer deux fois devant leur berceau, l'incendie à l'horizon, le bruit du canon dans l'air, les hommes qui partaient beaux et fiers, puis revenaient sanglants et pâles, et les pauvres mères qui pleuraient : tout cela, c'est l'invasion ! ..."


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