Ordonnance du Roy portant déclaration de guerre contre le Roy d’Angleterre. Du 9 Juin 1756.- A Rouen, de l’imprimerie de Richard Lallemant, Imprimeur ordinaire du Roy, près la Rougemare, 1756.- 7 p. ; 26 cm.
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ORDONNANCE
DU ROY,
Portant déclaration de guerre contre le
Roy d’Angleterre.
Du 9 Juin 1756.
 
DE PAR LE ROY.

TOUTE l’Europe sçait que le Roi d’Angleterre a été en 1754 l’agresseur des possessions du Roi dans l’Amérique septentrionale, & qu’au mois de Juin de l’année dernière, la Marine angloise, au mépris du droit des gens & de la foi des Traités, a commencé à exercer contre les Vaisseaux de Sa Majesté, & contre la navigation & le commerce de ses sujets, les hostilités les plus violentes.

Le Roi justement offensé de cette infidélité, & de l’insulte faite à son Pavillon, n’a suspendu pendant huit mois les effets de son ressentiment, & ce qu’il devoit à la dignité de sa Couronne, que par crainte d’exposer l’Europe aux malheurs d’une nouvelle guerre.

C’est dans une vûe si salutaire que la France n’a d’abord opposé aux procédés injurieux de l’Angleterre, que la conduite la plus modérée.

Tandis que la Marine Angloise enlevoit par les violences les plus odieuses, & quelquefois par les plus lâches artifices, les Vaisseaux françois qui navigeoient avec confiance sous la sauvegarde de la foi publique, Sa Majesté renvoyoit en Angleterre une frégate dont la Marine françoise s’étoit emparée, & les Bâtimens anglois continuoient tranquillement leur commerce dans les Ports de France.

Tandis qu’on traitoit avec la plus grande dureté dans les Isles Britanniques les Soldats & les Matelots françois, & qu’on franchissoit à leur égard les bornes que la loi naturelle & l’humanité ont prescrites aux droits mêmes les plus rigoureux de la guerre, les Anglois voyageoient & habitoient librement en France sous la protection des égards que les Peuples civilisés se doivent réciproquement.

Tandis que les Ministres Anglois, sous l’apparence de la bonne foi, en imposoient à l’Ambassadeur du Roi par des fausses protestations, on exécutoit déjà dans toutes les parties de l’Amérique septentrionale, des ordres directement contraires aux assurances trompeuses qu’ils donnoient d’une prochaine conciliation.

Tandis que la Cour de Londres épuisoit l’art de l’intrigue & les subsides de l’Angleterre pour soûlever les autres Puissances contre la Cour de France, le Roi ne leur demandoit pas même les secours que des Garanties ou des Traités défensifs, l’autorisoient à exiger, & ne leur conseilloit que des mesures convenables à leur repos & à leur sûreté.

Telle a été la conduite des deux Nations. Le contraste frappant de leurs procédés doit convaincre toute l’Europe des vûes de jalousie, d’ambition & de cupidité qui animent l’une, & des principes d’honneur, de justice & de modération sur lesquels l’autre se conduit.

Le Roi avoit espéré que le Roi d’Angleterre ne consultant enfin que les règles de l’équité, & les intérêts de sa propre gloire, desavoueroit les excès scandaleux ausquels ses Officiers de mer ne cessoient de se porter.

Sa Majesté lui en avoit même fourni un moyen aussi juste que décent, en lui demandant la restitution prompte & entière des Vaisseaux françois pris par la Marine angloise, & lui avoit offert sous cette condition préliminaire d’entrer en négociation sur les autres satisfactions qu’Elle avoit droit d’attendre, & de se prêter à une conciliation amiable sur les différends qui concernent l’Amérique.

Le Roi d’Angleterre ayant rejetté cette proposition, le Roy ne vit dans ce refus que la Déclaration de guerre la plus authentique, ainsi que sa Majesté l’avoit annoncé dans sa Réquisition.

La Cour Britannique pouvoit donc se dispenser de remplir une formalité devenue inutile ; un motif plus essentiel auroit dû l’engager à ne pas soûmettre au jugement de l’Europe les prétendus griefs que le Roi d’Angleterre a allégués contre la France, dans la Déclaration de guerre qu’il a fait publier à Londres.

Les imputations vagues que cet écrit renferme, n’ont en effet aucune réalité dans le fond, & la manière dont elle sont exposées, en prouveroit seule la foiblesse, si leur fausseté n’avoit déjà été solidement démontrée dans le Mémoire que le Roi a fait remettre à toutes les Cours, & qui contient le précis des Faits avec les preuves justificatives qui ont rapport à la présente guerre & aux négociations qui l’ont précédée.

Il y a cependant un fait important dont il n’a point été parlé dans ce Mémoire, parce qu’il n’étoit pas possible de prévoir que l’Angleterre porteroit aussi loin qu’Elle vient de le faire, son peu de délicatesse sur le choix des moyens de faire illusion.

Il s’agit des ouvrages construits à Dunkerque, & des troupes que le Roi a fait assembler sur ses côtes de l’Océan.

Qui ne croiroit, à entendre le Roi d’Angleterre dans sa Déclaration de guerre, que ces deux objets ont déterminé l’ordre qu’il a donné de se saisir en mer des Vaisseaux appartenans au Roi et à ses sujets ?

Cependant personne n’ignore qu’on a commencé de travailler à Dunkerque, qu’après la prise de deux Vaisseaux de Sa Majesté, attaqués en pleine paix par une escadre de treize Vaisseaux anglois. Il est également connu de tout le monde que la Marine angloise s’emparoit, depuis plus de six mois, des Bâtimens françois, lorsqu’à la fin février dernier, les premiers bataillons que le Roi a fait passer sur ses côtes maritimes, se sont mis en marche.

Si le Roi d’Angleterre réfléchit jamais sur l’infidélité des rapports qui lui ont été faits à ces deux égards, pardonnera-t-il à ceux qui l’ont engagé à avancer des faits dont la supposition ne peut pas même être colorées par les apparences les moins spécieuses ?

Ce que le Roi se doit à lui-même, & ce qu’il doit à ses sujets, l’a enfin obligé de repousser la force par la force : mais constamment fidèle à ses sentimens naturels de justice & de modération, Sa Majesté n’a dirigé ses opérations militaires que contre le Roi d’Angleterre son agresseur ; & toutes ses négociations politiques n’ont eu pour objet que de justifier la confiance que les autres Nations de l’Europe ont dans son amitié & dans la droiture de ses intentions.

Il seroit inutile d’entrer dans un détail plus étendu des motifs qui ont forcé le Roi à envoyer un corps de ses troupes dans l’Isle Minorque, & qui obligent aujourd’hui Sa Majesté à déclarer la guerre au Roi d’Angleterre, comme Elle la lui déclare, par mer & par terre.

En agissant par des principes si dignes de déterminer ses résolutions, Elle est assurée de trouver dans la justice de sa cause, dans la valeur de ses troupes, dans l’amour de ses sujets les ressources qu’Elle a toujours éprouvées de leur part, & Elle compte principalement sur la protection du Dieu des Armées.

ORDONNE & enjoint Sa Majesté à tous ses sujets, vassaux & serviteurs, de courre sus aux sujets du Roi d’Angleterre ; leur fait très-expresses inhibitions & défenses d’avoir ci-après avec eux aucune communication, commerce ni intelligence, à peine de la vie : Et, en conséquence, Sa Majesté a dès à-présent révoqué & révoque toutes permissions, passeports, sauvegardes & sauf-conduits contraires à la présente, qui pourroient avoir été accordés par Elle ou par ses Lieutenans généraux & autres ses Officiers, & les a déclarés nuls & de nul effet & valeur ; défendant à qui que ce soit, d’y avoir aucun égard. Veut Sa Majesté que ceux de ses sujets qui désireront faire des armemens par mer, à leurs dépens, pour courre sur les sujets dudit Roi d’Angleterre, aient une pleine & entière liberté d’employer les Vaisseaux qu’il feront ainsi armer, à prendre ceux desdits sujets du Roi d’Angleterre, & leurs effets, dans quelques mers qu’ils puissent les rencontrer, & pour cet effet, Elle a annullé & annulle toutes déclarations, ordonnances & arrêts à ce contraires. MANDE & ordonne Sa Majesté à Mons. le duc de Penthièvre Amiral de France, aux Vice-Amiraux, Lieutenans généraux, Chefs d’escadre, Capitaines, & autres Officiers de ses armées navales, Intendans & Commissaires généraux de la Marine, & à tous ses Officiers qu’il appartiendra, de faire exécuter le contenu en la présente, dans toutes les mers & côtes maritimes de son Royaume ; voulant qu’à la diligence de son Procureur en chacun des Sièges de l’Amirauté, elle soit publiée & enregistrée aux greffes desdits Sièges, & affichée sur tous les ports, havres & lieux maritimes, à ce qu’aucun n’en prétende cause d’ignorance. FAIT à Versailles le neuf Juin mil sept cent cinquante-six. Signé, LOUIS. Et plus bas, MACHAULT.

LE DUC DE PENTHIEVRE
Amiral de France.

VU la déclaration du Roi, des autres parts, à nous adressée, avec ordre de tenir la main à son exécution : MANDONS aux Vice-Amiraux, Lieutenans généraux, Chefs d’escadre, Capitaines, Intendans, Commissaires généraux, & à tous les Officiers de Marine qu’il appartiendra, de la faire exécuter suivant sa forme & teneur ; et ordonnons au Officiers des Sièges d’Amirauté, de la faire enregistrer à leur greffe, publier et afficher par-tout où besoin sera, & en la manière accoûtumée. FAIT au Château de la Rivière le dix Juin mil sept cent cinquante-six. Signé L. J. M. DE BOURBON. Et plus bas, par Son Altesse Sérénissime. Signé, Romieu.


A ROUEN, de l’Imprimerie de RICHARD LALLEMANT, Imprimeur ordinaire du Roy, près la Rougemare, 1756.

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