Manuel du nageur ou de la pratique de l'art de nager, suivi d'un Traité sur les Eaux thermales ; terminé par des Observations intéressantes sur l'Art du Plongeur.- Rouen : Bloquel : Frère, 1821.-51 p.-1 f. de pl.
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Manuel du nageur ou de la pratique de l'art de nager,
suivi d'un
Traité sur les Eaux thermales ;
terminé par des
Observations intéressantes sur l'Art du Plongeur

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Manuel du nageur (page de tite et planche - 7,5 Mo)

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Ire per invitas experiamur aquas.
Ovid., Epit.

 
DISCOURS PRELIMINAIRE
 

On s'est occupé utilement des moyens de rendre la vie à ceux que des accidens ou leur imprudence avaient mis en danger de la perdre dans les eaux, ne serait-il pas aussi bon de prévenir le mal que d'y chercher un remède.

Le bain est de nécessité pour l'homme : la propreté est un des salubres avantages qui en résultent ; mais le plus grand, est la santé réparée ou conservée.

Le bain assure aux nerfs le ton qui leur convient, donne une douce température au sang, en modérant en lui une activité excessive, ou ranimant une circulation trop lente ; il rend à l'estomac le ressort qui lui est nécessaire, pour porter et distribuer la vie dont il est le principe, dans toutes les parties du corps qui lui répondent.

De tous les tems, l'homme s'est baigné ; la Religion, chez le premier des peuples que nous connaissions, faisait une loi du bain (1). Les autres nations l'ont reçue du besoin et de l'agrément. Le Lapon, le Russe se plongent dans leurs glaces, comme l'habitant de la Zône Torride, dans ses eaux tiédies ou brûlantes.

Se baigner est donc pour l'homme un plaisir conseillé par la nature ; et s'il est d'une police sage, chargée de la conservation des Citoyens, de les surveiller dans la manière dont ils le prennent, il est de son humanité de le favoriser.

Les bains sont naturels ou artificiels, frais ou tièdes, chauds ou froids, publics ou domestiques. Je laisse aux gens de l'art à faire valoir les chauds ; pour moi, ils me semblent d'un usage dangereux pour l'espèce humaine. Les plus utiles, parce qu'ils sont les plus favorables à la réparation de notre santé, parce qu'ils conviennent à tous les sexes, à tous les âges : ce sont les bains froids, dont je vais dire un mot très rapide.

Les bains froids conviennent à tous les sexes. Si les hommes, les femmes surtout savaient combien l'eau froide donne de fermeté à la peau, et de fraîcheur au teint, les uns et les autres feraient sûrement un usage plus fréquent de ce cosmétique. Il convient à tous les âges ; on plongeait autrefois, dit Monsieur Buchan, les enfans dans l'eau froide, même glacée, pour les endurcir et les fortifier :

Natos ad flumina primum
Deferimus saevoque gelu duramus et undis

Pline nous apprend dans son Histoire Naturelle, qu'on voyait à Rome, au milieu de l'hiver, des vieillards consulaires, sortir du bain tout transis de froid.

Le bain est utile à l'âge le plus avancé : on a vu y parvenir des hommes qui en faisaient un usage fréquent. Le Médecin Antiochus, et le Grammairien Telephe, allèrent, l'un à quatre-vingt, l'autre au-delà de cent ans, sans infirmité, en se baignant à froid dans toutes les saisons de l'année, trois et quatre fois par mois.

Une chose le rend recommandable, c'est qu'il a redonné souvent l'appétit à ceux qui l'avaient perdu, et rétabli les estomacs les plus délabrés. J'en appellerais à l'expérience de ceux qui lui ont dû leur salut, si ce que je dis avait besoin d'être constaté.

Le milieu dans lequel on se lave, influe sur les effets du bain.

Je crois que le bain de lait est une recherche de femme, dont la célèbre Poppéa a donné un exemple plus dispendieux qu'utile.

Celui dont la nature a fait les frais, l'eau d'une rivière, d'un fleuve, a plus d'analogie avec notre corps. La mer dont le sel ne peut être sans effet, nuisant quelquefois, doit lui céder une préférence habituelle.

Il ne faut point entrer dans le bain, dit M. Muret, lorsqu'on est en sueur : la suppression de la transpiration, causée par la pression et le contraste de l'eau, deviendrait funeste.

Alexandre fut sur le point de périr pour s'être baigné en sueur dans la rivière du Cidnus dont l'eau était très froide.

Ce n'est point assez que d'avoir démontré l'utilité du bain, l'usage qu'on peut en faire a ses risques, il faut enseigner à les éviter, ou du moins à ne les pas craindre.

 
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DE LA PRATIQUE DE L'ART DE NAGER
 

Quas natura negat, proebuit arte, vias.

 

L'Art de nager a passé de tous les tems, pour une science indispensable ; on disait chez les Grecs, pour désigner un ignorant, il ne sait ni lire ni nager.

Cet Art a perdu parmi nous de son importance, nous ne le regardons plus que comme un amusement utile. C'est sous ce rapport que je vais le considérer. L'utilité et l'agrément de cet Art, seront l'objet de ce petit traité, ou plutôt son agrément seul.

Il n'est pas besoin, je crois, de dire qu'il peut conserver la vie, le plus grand des dons que nous ait fait la nature, le bien que l'homme aime le plus à conserver, lorsque l'honneur ou l'amour de la patrie, ne lui en commandent pas le sacrifice. Mais il importe de développer tout ce que cet exercice a d'amusant.

 
DE L'AGREMENT DE L'ART DE NAGER.
 

Dans la nécessité où la santé fragile de l'homme le met de se baigner, ou même dans le plaisir qu'il y trouve, bientôt las de rester sur une rive, debout, luttant péniblement contre un courant rapide, ou assis d'une manière incommode sur des caillous, exposé aux regards, quelquefois aux quolibets de la multitude, il lui est au moins agréable de pouvoir se dérober à lui-même le tems qu'il y passe, par quelque exercice qui le lui fasse oublier, ou du moins qui en soit le prétexte.

Il n'y a point de distraction plus capable d'opérer cet effet, que la faculté de parcourir l'élément qui le contient, de pouvoir franchir l'espace qu'il a sous les yeux.

Mais il a besoin d'être enseigné, parce qu'il ne nage point naturellement (2). En destinant l'homme à l'état social, il devait entrer dans le plan de l'Auteur de la Nature, de lui refuser les facultés qui l'auraient dispensé de la perfectibilité, qui, dans cet ordre de choses, était nécessaire, plus pour l'occuper, que pour lui procurer ses besoins qui sont très restreints quand c'est la nature seule qui les dicte.

Il faut donc que l'homme apprenne à nager, comme il apprend à danser.

 
De la Manière de bien enseigner à nager.
 

De tous les maîtres qui enseignent à nager, il n'y en a point de plus mal-adroits que ceux de Paris, où pourtant en général les talens s'acquièrent et se perfectionnent. Ils ne connaissent d'autre manière de guider leur élève qu'en marchant à côté de lui, et lui soutenant le menton.

Ils s'aperçoivent bien qu'ils le gênent dans ses mouvemens : mais que faire ? Ils ne connaissent pas d'autre moyen ; la forme même des bateaux couverts établis pendant l'été sur la Seine, ne leur permettent que celui-là.

Un excellent, à mon avis, est celui qui se pratique dans certaines villes à grande rivière, sur des bateaux dont le nez est saillant.

On entoure, sous les aisselles, le corps de l'apprenti-nageur, d'une serviette un peu lâche, qu'on noue solidement ; on passe ensuite en sautoir, sur sa poitrine et son dos, une corde forte, mince pourtant et flexible, et il est suspendu de manière à ne jamais perdre l'équilibre, quelqu'irrégulières que soient les évolutions qu'il peut faire.

C'est cette dernière raison qui doit faire préférer la manière indiquée à la sangle qui embrasse également le corps du nageur, mais qui, en le laissant tourner, le met quelquefois sur le dos à se débattre, et à s'effrayer sans cause, ou du moins lui donne des positions gênantes, de mauvaises attitudes.

L'homme ainsi suspendu, on s'assure de sa confiance, en son maître, et au soutien qui le porte : (confiance que la timidité naturelle à l'homme le plus intrépide pour un danger qui lui est nouveau, doit au moins ébranler) et en le laissant immobile sur la surface de l'eau, pendant quelques minutes, on lui apprend à ne pas redouter le milieu qui le soutient, à connaître quelle est la résistance qu'il oppose à son action sur lui, à se bien convaincre enfin qu'il a la faculté naturelle d'y rester un moment en équilibre.

Il sent bientôt qu'il est moins question pour lui d'apprendre à se soutenir, qu'à se diriger dans une marche déterminée ; c'est alors qu'on lui en indique les moyens.

Abandonnez-vous, lui dit-on, au milieu qui vous supporte, c'est un sol sur lequel vous reposez, comme vous êtes posé sur la terre : faites usage de vos pieds et de vos bras ; des uns pour vous diriger vers votre but, des autres pour vous y poussez, malgré l'effort contraire de l'eau, ou aidé par son courant. Surtout, et c'est en quoi consiste tout l'art de nager, mettez le plus parfait accord dans vos mouvemens : si l'on peut se passer de cet accord pour se laisser maîtriser par la rapidité de l'eau, on ne parviendra jamais, sans cette simultanéité, à en pouvoir remonter le fil.

Il met ces leçons en pratique, et tout-à-coup aidé de sa réflexion, il prend des habitudes qui deviennent une seconde nature, et qu'il ne peut jamais perdre, fut-il vingt ans sans exercer. Avant de lui enseigner qu'il y a bien des manières de nager, il faut le prévenir qu'on ne nage élégamment qu'autant qu'on ne précipite point ses mouvemens, qu'on ne fait point bouillonner l'eau du bassin qu'on parcourt ; que la tête sort de l'eau, bien franche ; qu'autant qu'on ne manifeste d'effort ou de fatigue, ni par la contraction des narines, des yeux et de la bouche, ni par une respiration péniblement faite, ce qui vient ordinairement de la mauvaise habitude de tenir toujours ses dents serrées les unes contre les autres.

 
Des différentes Manières de nager.
 

Parmi les diverses manières de nager, la plus belle comme la plus analogue à la conformation de l'homme, est celle dont la grenouille nous offre le modèle ; elle donne au corps tout le développement dont il est susceptible, et laisse à la tête cette attitude fière qui la caractérise.

Les principales ensuite, et celles dont toutes les autres participent plus ou moins, sont sur le dos, sur le côté ou debout. Je parlerai successivement de chaque attitude, après que j'aurai dit un mot de la manière d'entrer dans l'eau.

 
De l'Entrée dans l'eau.
 

Je ne puis souffrir cette entrée pusillanime, qui se fait par degrés successifs, et après qu'on s'est frotté les parties les plus susceptibles de froid. Je crois qu'elle est aussi pénible pour le nageur lui-même, qui sent mille fois pour une le combat du froid de l'eau, avec la chaleur de son corps, que désagréable à l'oeil du spectateur qui souffre en le voyant souffrir.

Le bon nageur s'élance sans balancer, sur le dos ou sur le côté, la tête ou les pieds devant.

Je ne tolère les deux premières manières, qu'autant qu'on est couché très près de la surface de l'eau, et qu'on ne fait que rouler pour y tomber.

Si l'on se jette de sa hauteur sur le dos, on se donne des secousses nuisibles à la santé ; si c'est sur les côtés, quoiqu'ils soient défendus par les bras, on ne laisse pas d'éprouver un ébranlement intérieur qui peut être funeste quand il est fort.

Il est plus hardi et moins dangereux de se précipiter la tête ou les pieds devant.

Quand c'est la tête qui doit entrer dans l'eau la première, il faut s'élancer de manière que le corps, en tombant, décrive une ligne perpendiculaire ; et pour cet effet il ne faut que bien tendre le jarret, presser une jambe contre l'autre ; faire du plancher sur lequel on est une espèce de tremplin, de ressort, dont l'élasticité lance la partie inférieure du corps dans toute sa roideur, tandis que la partie supérieure s'incline et tombe : sans cela on risquerait de se frapper à plat, le ventre, l'estomac ou la poitrine, d'une manière désagréable et plus ou moins dangereuse ; on avance encore les mains jointes au-dessus de la tête en forme d'angle : l'effet en est de diviser l'eau, à la manière dont le coin divise les solides.

Si ce sont les pieds, il ne faut que tenir le corps dans la roideur qu'on a dû lui donner, et en appliquant ses bras contre ses cuisses, tomber droit comme un mannequin dont les membres n'auraient aucune flexibilité ; les mains peuvent être laissées en liberté.

Ce qui mérite surtout une grande attention, c'est l'endroit où l'on se jette ainsi ; il ne peut jamais y avoir trop d'eau, souvent il n'y en a pas assez (3).

 
De la Manière de se diriger dans l'eau.
 

Je devrais attendre cette instruction de l'usage et de la pratique, qui sont les meilleurs maîtres : voici pourtant très succintement ce que fait celui qui se dirige bien dans l'eau.

Tout son secret consiste à tourner la tête vers le but qu'il se propose d'atteindre, à raccourcir la main qui est à gauche, s'il veut aller à gauche, et augmenter le travail de l'autre.

C'est ce que fait un batelier ; il ralentit l'effort de la main qui est du côté où il aborde, et double celui de la main opposée.

L'usage des leviers a des lois toujours aussi simples qu'uniformes dans la mécanique naturelle, comme dans l'artificielle.

Veut-on traverser en ligne droite, il faut joindre à tout cela, de lutter beaucoup de la main qui reçoit l'effort de l'eau, et de se proposer toujours un but au-dessus de celui qu'on veut atteindre.

Le nageur a deux efforts à combiner, celui de l'eau et le sien ; lesquels, en physique, produisent toujours une diagonale, lorsqu'ils ne concourent pas dans le même sens.

L'art de plonger tient à ces leçons ; le meilleur moyen pour s'enfoncer, est de s'élancer la tête devant, le corps et le jarret tendus, obliquement, et en formant un angle aigu avec la surface de l'eau ; on fait le mouvement connu des mains ; si l'on rencontre le fond, on peut s'en aider, en le grattant avec les ongles, ou en y marchant, comme on dit vulgairement, à quatre pattes.

On se relève en dressant la tête vers le Ciel, et en agitant les mains et les pieds, en la manière prescrite pour les autres cas.

Comme on voit très clair dans l'eau, assez même pour y trouver quelque chose et le reconnaître, une grande clarté quand on y est, est l'indice qu'on n'a point à craindre en se relevant, de se heurter contre aucun corps, l'obscurité est un signe contraire. Je suppose qu'on connait assez les effets de la lumière, pour distinguer si cette obscurité vient d'objets plus élevés que la surface de l'eau, comme de l'ombre que produisent des arbres, des maisons, etc., ou de corps solides, appliqués immédiatement sur elle, comme un bateau, une planche, etc.

J'ai dit qu'on pouvait nager debout, sur le dos, ou sur le côté.

 
De la Manière de nager debout, ou en Demoiselle.
 

Il est de fait que notre corps étendu, comme on placerait une planche sur la surface de l'eau, n'enfonce que par les pieds ; la tête surnage toujours, sans doute, à cause de sa forme ronde et creuse. Je suppose qu'on n'ignore pas qu'en physique, l'eau oppose de la résistance en tout sens, c'est ce théorème : Liquida premunt in omnem sensum. D'après cela, il suffit pour ne pas enfoncer dans cette situation, c'est-à-dire debout, de frapper l'eau perpendiculairement avec la plante des pieds, qui agissent alternativement. Quand aux mains, on peut s'en servir, ou ne s'en pas servir à volonté ; les nageurs exercés les sortent de l'eau (4), ou les dressent parallèlement à la hauteur de leurs épaules, ou au-dessus.

Je crois que de ne s'en pas servir, est ce qui distingue cette manière de nager, de celle sur le ventre, dans laquelle on est aussi presque droit, parce que, pour s'y donner de la force, il faut toujours avoir les pieds un peu à fond.

I. De la Manière de nager sur le côté, appelée la Marinière.

Dans la position de la grenouille qui nage, tournez alternativement votre tête de droite à gauche, de gauche à droite, en reposant l'oreille sur l'eau : étendez une seule main, et raccourcissez celle qui va bientôt la remplacer.

Il en est qui se bornent à ne marcher que d'un sens ; mais cette manière conseillée par un de nos bras qui n'a jamais la force de l'autre, est sans grâce, et elle fatigue, parce qu'elle rend nulle une partie de nos moyens (5).

II. De la Coupe.

Cette manière consiste à sortir successivement un bras, puis l'autre avant que de frapper sur l'eau le coup que lui porte notre main, laquelle doit être ouverte, et dont les doigts doivent être rapprochés de manière à la rendre un peu concave.

La coupe sert bien le désir qu'on aurait d'aller vite, et est utile où toutes les autres manières seraient vaines.

Les tournoiements qui se font en entonnoir, et dans lesquels les autres efforts n'aboutiraient qu'à faire entrer le plongeur dans l'eau la tête en bas, offrent un péril qu'elle seule fait éviter.

Si elle n'a pas toute la grâce possible, son utilité en dédommage amplement.

 
Des Manières de nager sur le dos, ou de faire la planche.
 

J'ai dit, comme une vérité fondée sur l'expérience, que notre tête n'enfonçait, qu'entraînée par le poids des pieds, ou déterminée par une impulsion qui rompt l'équilibre naturel, dans lequel elle est relativement à l'eau.

Lors donc qu'on s'étend sur sa surface, les yeux élevés vers le Ciel, on peut être assuré que les reins, le dos et la tête seront toujours soutenus ; il ne s'agit plus alors que de parvenir à soutenir également les pieds toujours prêts à enfoncer, et ensuite d'apprendre à diriger leur effort inverse à celui de la natation ordinaire.

Dans cette attitude, on avance en remuant les pieds et les mains ensemble ; les pieds sans les mains, les mains sans les pieds, ou une seule main et un seul pied.

I. Les pieds et les mains ensemble.

Le mouvement des pieds se fait en les retirant à soi, et en poussant ensuite l'eau avec la plante du pied.

Celui des mains se fait de deux manières, en ne passant pas la tête avec les bras, qui se ceintrent en demi-cercle à la hauteur de l'aisselle, pour embrasser l'eau et la repousser ; dans l'autre, ils passent de beaucoup la tête pour chercher et embrasser une grande quantité d'eau, qu'ils poussent ensuite avec force.

C'est dans cette double manière qu'on sent le mieux combien l'accord des mouvemens est utile pour avance.

II. Les mains sans les pieds.

Il faut, pour se passer des pieds, presser les jambes, roidir les jarrets, et agiter les mains de l'une ou l'autre manière que nous l'avons dit.

On peut encore, en fixant les bras contres les hanches, ne faire qu'un très petit mouvement de chaque main, lesquelles deviennent alors une espèce de nageoire, ou d'aviron, appliqué au corps dont il dirige la marche, soit qu'on suive le fil de l'eau, soit, ce qui est difficile, et même impossible dans un courant fort et rapide, soit qu'on le remonte.

III. Les pieds sans les mains.

Il n'y a pour nager, des pieds sans les mains, et sur le dos, qu'une seule manière, c'est de contracter les premiers et de pousser ensuite l'eau avec force de la plante et du talon ; mais il y a plusieurs manières de tenir ses mains.

On les place sur son estomac, à son dos, entre ses jambes, en angle au-dessus de la tête, au col, etc.

IV. Une main et un pied.

On peut aussi ne faire aller qu'une jambe et une seule main qui doit toujours être l'opposée de la jambe, par une indication même de la nature ; elle rend dans l'eau la marche du quadrupède sur la terre.

 
De la Manière de nager circulairement, ou de faire le Moulinet.
 

Pour exécuter cette évolution, raccourcissez les jambes, en rapprochant le talon contre vos reins, et agitez les mains, en observant d'augmenter l'effort de celle qui lutte contre le courant, de diminuer celui de l'opposée.

Voilà les manières principales d'employer le mouvement pour se soutenir, en voici d'autres où l'on s'en passe pour flotter.

J'ai enseigné à ne se servir que des mains ou des pieds, d'une main et d'un pied seul, comme un excellent secours, en cas de crampe, de goutte, de contraction de nerfs, de ligature, causée par des joncs ou des cordes. Il me reste à dire comment on peut flotter, même sans ces moyens, déjà bien simplifiés.

 
De la Manière de flotter sans mouvement.
 

Il faut se placer sur le dos, les jarrets tendus ou non, et embrasser avec ses deux pieds, ou simplement les deux orteils, un poteau, une corde, pourvu qu'elle soit soutenue à fleur d'eau, et tout en demeurant étendu, on pourra se balancer, dormir, les yeux, la bouche et les narines libres. On apprend bientôt de soi-même à conduire son haleine de manière qu'elle ne fasse pas obstacle.

Je crois être le premier qui, d'après cette manière de se soutenir, ait imaginé de cheminer en flottant. Je me suis attaché une vessie à l'orteil d'un pied, et reposant l'autre sur celui qui était attaché, je me suis abandonné dans cette attitude au courant. Ma tête qui ne pouvait enfoncer, et mes pieds ainsi soutenus, auraient été transportés une demi-journée, sans fatigue, comme sans danger, sur un élément rendu officieux contre sa volonté.

C'est une fable, qu'il y ait des hommes qui ne puissent enfoncer dans l'eau, quelque mouvement qu'ils fassent. Nos pieds (cette loi n'excepte personne) ouvrent à notre corps un passage qu'il est obligé de suivre.

On peut seulement, en ménageant bien son haleine, en aspirant lentement, et respirant vite, se soutenir sur l'eau, les pieds enfoncés ; mais on dépend du premier flot qui dérange, de la plus légère inquiétude qui trouble.

Au reste, c'est un jeu, comme le fait que je vais raconter, en témoin oculaire.

J'ai vu quatre jeunes gens qui avaient chargé de nourriture et de vins, une table un peu épaisse et bien large, suivre gaiement et sans peine le courant de l'eau ; ils tenaient les quatre coins de la table, buvaient, mangeaient, et paraissaient sans inquiétude pour leur repas mobile.

Ces amusemens sont agréables, peut-être ne faudrait-il pas les faire à jeûn, si l'on ne voulait s'exposer à terminer bientôt sa promenade.

Pour faire le triton, il faut s'étendre sur la surface de l'eau, la battre successivement du gras de la jambe, du coude de chaque main étendue ; l'eau bouillonne autour du nageur, et il ressemble à un Dieu marin qui sème autour de lui le bruit, et fait jaillir les eaux.

On peut en faire autant sur le ventre, c'est alors de la pointe du pied et de la main qu'on frappe l'eau.

Pour la Croix de Saint-André, on s'étend sur le dos, comme si l'on voulait faire la planche, on écarte les jambes et les bras ; le corps représente une croix en sautoir ou de Saint-André. Si les pieds s'enfoncent, un léger coup donné par eux à l'eau, les replace sur sa surface.

Pour se mettre sur l'un ou l'autre côté, il ne faut que le vouloir, et se tourner comme on le ferait dans son lit ; il n'y a pas de quoi s'effrayer, si l'on avale un peu d'eau. Mais je crains que ma leçon n'ait besoin d'être confirmée par l'expérience ; quand on apprend, on est intimidé de faire un pas, même dans l'attitude la plus commune.

 
De la Manière de sauver un homme qui se noie.
 

Porter du secours à notre semblable, est le fruit d'un instinct qui ne laisse guère lieu à la réflexion. Voici pour vous qui pouvez allier l'un et l'autre.

Gardez-vous bien de vous approcher assez de l'homme que vous voulez sauver, pour qu'il puisse vous saisir par la jambe, le bras ou le corps ; il ne vous lâcherait plus, et vous en péririez avec lui. Prenez-le d'une main avec précaution par les cheveux, et nagez de l'autre, ou poussez-le par le dos vers le rivage.

Vous qui savez plonger, vous pouvez descendre sous l'eau, le lancer par le pieds, devant vous, et continuer, en remontant reprendre votre haleine, jusqu'à ce que vous l'ayez conduit à bord.

Jeunes gens, toujours prêts, par votre carrière d'imprudence, à affronter des dangers, si je vous ai enseigné à vous rendre maître d'un élément redoutable, je ne dois pas vous cacher qu'il est perfide, tôt ou tard il sait attraper sa proie, ou plutôt l'eau est au nageur, ce que le feu d'une bougie est au papillon : l'un et l'autre viennent d'eux-mêmes y chercher leur tombeau.

Ne courez de péril que celui qui sera indispensable ; baignez-vous, nagez, c'est un attrait ; la santé vous le conseille, ainsi que votre plaisir ; mais que ce soit en des endroits sûrs, ou avec des précautions qui vous rendent les dangers peu redoutables.

Que ceux qui ne savent pas nager, ou qui dédaignent de s'en instruire, redoutent même jusques aux bords.

Non benè ripae Creditur.
 
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MELANGES SUR LE BAIN

Je présume qu'on ne me saura pas mauvais gré d'avoir joint à ce petit Traité, quelques morceaux intéressans relatifs à l'art qu'il enseigne ; ils pourront amuser dans la promenade qui précédera ou suivra le bain, du moins s'il est pris en campagne.

 
Ce qu'étaient les Bains des Anciens.

Les Anciens, les Grecs sur-tout, faisaient un fréquent usage du bain. Homère parle des bains en divers endroits de son Odyssée.

Les Romains, si l'on en croit Pline, n'adoptèrent l'usage du bain, que du tems de Pompée.

Dion, dans la vie d'Auguste, rapporte que Mecène fit construire le premier bain ; mais Agrippa, dans son Edilité, les multiplia au nombre de cent cinquante.

A son exemple, Néron, Vespasien, Tite, Domitien, Sevère Gordien, Aurélien, Dioclétien, et presque tous les Empereurs, qui cherchaient à se rendre agréables au peuple, firent bâtir des bains de marbres les plus précieux, et dans les principes de la plus belle architecture. Ils prenaient plaisir à s'y baigner avec lui.

On prétend qu'il y avait jusqu'à huit cens de ces édifices répandus dans tous les quartiers de Rome.

La règle des bains était qu'ils ne fussent jamais ouverts avant deux ou trois heures après-midi, ensuite qu'ils ne le fussent ni avant le soleil levé, ni après le soleil couché.

Alexandre Sevère permit pourtant qu'on les tînt ouverts la nuit dans les grandes chaleurs de l'été, et ajouta même la libéralité à la complaisance, en fournissant l'huile qui se brûlait dans les lampes.

L'heure de l'ouverture des bains était annoncée au son d'une espèce de cloche. Le prix qu'il fallait payer était on ne peut pas plus modique, c'était la quatrième partie d'un as nommé quadrans, qui valait à-peu près un liard de notre monnaie.

Le bain gratuit était du nombre des largesses que les Empereurs faisaient au peuple à l'occasion de quelque réjouissance publique ; mais aussi ce plaisir était, ainsi que les spectacles, interdit dans les tems de calamité.

Il y avait des bains attachés aux palestres, et d'autres qui en étaient détachés, suivant Vitruve, qui nous a donné une description de ces deux espèces de bains.

Les bains détachés étaient un grand bassin appelé en latin natalio piscina, dont la situation était au nord, et dans lequel on pouvait, non-seulement se baigner, mais nager commodément.

Voici la description de ceux qui tenaient aux palestres.

Ils étaient composées de sept pièces différentes, la plupart détachées les unes des autres, et entremêlées d'endroits destinés aux exercices de la palestre.

Ces pièces étaient,

1° Le bain froid, frigida lavatio.
2° L'ELoe othesium, la chambre où l'on s'oignait d'huile.
3° Le lieu du rafraîchissement, frigidarium.
4° Le Propnigaeum, c'est-à-dire, l'entrée ou le vestibule du poêle de l'Hipocaustum.
5° L'Etuve voûtée pour faire suer ; ou le bain de vapeur, Tepidarium.
6° Le Laconique, ou l'Etuve sèche.
7° Le bain d'eau chaude, tepida lavatio, auquel se peut joindre l'apodisterium, ou garde-robe, si toutefois elle n'était pas le tepidarium même.

Nos bains publics où sont entassés dans un espace de huit pieds de large sur vingt de long deux ou trois cens baigneurs, sont d'une grande mesquinerie comparés à ceux dont nous venons de donner une description.

Les bains particuliers, quoique moins vastes, étaient de la même forme, mais souvent plus commodes, ornés de meubles précieux, en or et en argent, de glaces, de marbres, etc.

On pouvait s'y baigner à toute heure, et l'on rapporte des Empereurs Commode et Galien, qu'ils y prenaient le bain cinq ou six fois par jour.

On prenait le bain en sortant des exercices les plus violens ; il n'y avait que les voluptueux qui se baignassent après souper.

Je crois que sans pirrhonisme, on peut révoquer en doute du moins cette dernière assertion de nos Savans. Le bain, après le repas, était sans doute aussi mortel pour un Romain qu'il le serait pour nous.

Au sortir du bain, on se faisait frotter d'huile ou d'onguent par des valets nommés adypae ou unctuarii. Un amateur dit qu'à Rome il y avait huit cent cinquante-six bains, tant publics que particuliers.

Les plus magnifiques bains des Anciens, dont il reste encore quelques débris, sont ceux de Titus, de Paul-Emile et de Dioclétien.

Il y a de beaux restes de bains antiques en plusieurs villes de France, comme à Nismes et à Orange, etc.

Ces bains étaient une grosse tour ronde, bâtie de grosses pierres de taille, et soutenue sur de grands arcs ouverts du Septentrion au Midi, dont deux étaient de chaque côté ; plus bas, à droite et à gauche, on voyait de longues grottes voûtées en menues pierres, qui conduisaient aux lieux où étaient les bains.

 
Opinions religieuses sur le Bain.

Les Indiens voulaient que le bain, pris dans certaines rivières, effaçât entièrement les péchés : c'est ce que ridiculise un poëte par ces deux vers :

O ! nimium facile, qui tristia crimina caedis
Flumineâ tolli posse putatis aquâ.

La populace est chez nous dans l'horrible persuasion que le sang des enfans nouveaux nés, est un remède souverain contre la ladrerie.

Il y avait chez les Juifs le bain dans les eaux amères de jalousie, par lequel ils prétendaient connaître si une femme était adultère.

De tous les tems, le peuple a eu des idées extravagantes.

Il y a des bains salutaires dans la Religion Chrétienne ; mais la vertu qui guérit, n'est pas dans les eaux, elle est dans la foi de celui qui se baigne.

 
De l'Ordre du Bain.

Les Anglais ont un Ordre du Bain, Ordre militaire institué par Richard II, au quatorzième siècle, d'autres disent par Henri IV. Son nom lui vint de ce que les chevaliers se baignaient avant que de recevoir les Eperons d'or, coutume pourtant qui n'eut lieu que dans le commencement de son institution, et se perdit ensuite peu-à-peu.

Son origine, dit Chambden, qui l'attribue à Henri VI, dérive de ce que, pendant que ce Prince était au bain, un Chevalier étant venu l'avertir qu'une femme lui demandait justice, il sortit sur-le-champ, disant qu'il fallait préférer le plaisir de rendre la justice à celui de prendre un bain.

La marque distinctive des Chevaliers du Bain, était l'écu de soie bleue en broderie, chargé de trois couronnes d'or, avec ces mots : Tres in uno, trois dans un.

Richard avait réglé qu'il n'y aurait que quatre Chevaliers du Bain ; mais Henri, son successeur, en augmenta le nombre jusqu'à quarante-six.

Le bain était d'usage dans la création des Chevaliers Français, de vieux titres l'annoncent et marquent que c'était au grand Chambellan à préparer les bains des nouveaux Chevaliers. Les robes avec lesquelles ils y entraient, appartenaient à cet officier.

L'ordre du bain a été oublié pendant plusieurs années, et n'a repris que sous George Ier, qui créa un grand nombre de Chevaliers.

Quoique cet ouvrage ait pour but principal d'enseigner à nager, comme j'y ai parlé aussi du bain, il n'est point déplacé de dire quelque chose sur les Eaux, qui sont la ressource des Médecins, lorsqu'ils commencent à sentir leur insuffisance ou le défaut de ressource dans la nature de leur malade, je veux dire les Eaux Thermales.

 
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EAUX THERMALES DE FRANCE.
 

Les Thermes sont des enceintes qui renferment des eaux qui sortent chaudes de leur source.

On ne s'attend pas, sans doute, que moi qui regarde le bain chaud comme nuisible à l'homme, je sois le panégyriste de ces eaux. Je pense qu'elles doivent tout leur crédit à la singularité qu'elles présentent.

Quant à leur vertu, quelques personnes en sont revenues avec la santé, de-là on a conclu qu'elles guérissaient. On n'a pas cru de même qu'elles tuassent ceux qui y avaient péri.

L'homme est bien fait pour être dupe des apparences et des mots ! Il s'y prête de bonne grace.

Il y a beaucoup de Thermes en Guienne, à Acqs dans les environs de Bayonne. Près du Béarn, on remarque qu'à mettre dans l'eau un oeuf, et l'en retirer sur-le-champ, il est cuit. Un chapon qu'on y plonge se plume ensuite sans aucune peine.

Je vais parler successivement de Saint-Amand, Bagnères, Barèges, Bourbon-l'Archambaut, Bourbon-Lancy, Bourbonne-les-Bains, Forges, Luxeuil, Plombières. Je dirai un mot ensuite des eaux de Spa, d'Aix-la-Chapelle. Enfin une réflexion sur les fontaines à miracles terminera le recueil que je présente.

SAINT-AMAND.

Saint-Amand est une ville des Pays-Bas, dans la Flandre-Vallone, diocèse de Tournay, sur la Scarpe, à trois lieues de Valenciennes.

Il y a près d'elle, dans une prairie, une fontaine minérale dont l'eau claire et insipide se prend contre la gravelle et les obstructions, et dont la boue est souveraine pour les paralytiques qui s'y plongent.

BAGNERES.

Cette ville est en Gascogne, sur l'Adour et près de Tarbes.

Les deux Bains des Pauvres, ceux de la Goute, de Saint-Roch, de la Reine Anne, sont au pied de la montagne la plus proche de Bagnères. Le bain du Salut est à quatre lieues de cette ville. Celui de la Forge, le grand et le petit Bain, sont dans Bagnères même.

Entre les eaux de tous ces bains, on n'a trouvé de différence que dans le dégré de leur chaleur ; d'ailleurs elles sont limpides et sans saveur manifeste.

Un curieux ayant mis des pièces d'argent, d'étain, et de cuivre, dans l'eau de ces bains, à leur source, elles n'y changèrent point de couleur. Aucune de ces eaux ne tire la teinture après qu'on y a ajouté quelques parcelles de vitriol blanc ou de couperose. Elles ne font ni jaunir ni rougir la teinture de tournesol, ni verdir celle de violette, et n'opèrent aucun changement sur la teinture de rose, ni sur le sirop violet ; enfin elles ne fermentent avec aucune dissolution alkaline, telle que l'eau de chaux, l'huile de tartre, etc. ni avec les dissolutions acides, telles que celles d'alun, de cristal et de tartre. Ces bains sont très-salutaires : on y va deux fois l'année, au printemps et en automne.

BAREGES.

A cinq lieues de Bagnères, est le village de Barèges, où sont des bains qui l'ont rendu fameux.

On y en voit 4, de dégrés différens de chaleur. Le premier s'appelle le Grand-Bain, et consiste en deux sources d'eau limpide, dont l'odeur approche de celle de la boue de la mer, et est chaude au quatrième dégré. Lorsqu'on expose de l'argent et du cuivre à la vapeur de l'eau de ce bain, l'argent rougit d'abord, puis noircit, ainsi que le cuivre. Ce changement est encore plus prompt, lorsqu'on plonge, soit à sa source, soit hors de sa source, ces métaux dans l'eau froide, et prise de la veille.

L'eau du second bain est de la même nature que celle du premier, mais elle est moins chaude d'un degré, parce que le canal qui la conduit du réservoir commun au second bain, est plus long que celui qui la porte au plus grand, et d'ailleurs il est de marbre, au lieu que celui du grand bain est de fer.

L'eau du troisième bain est encore moins chaude que celle du second.

Celle du quatrième ou du Bain Rond, est de la qualité des autres, mais elle est affaiblie par le mélange de quelques sources froides, en sorte qu'elle n'est qu'un peu tiède (6).

Ces eaux acquirent une nouvelle réputation par le voyage que fit Louis-le-Grand, pour les aller prendre sur les lieux.

Elles sont comme toutes les autres, bonnes à toutes les maladies.

BOURBON-L'ARCHAMBAUT ou BOURGON-LES-BAINS.

Cette ville de France, dans l'ancienne province du Bourbonnais, à qui elle a donné son nom, est situé à cinq lieues de Moulins, département de l'Allier.

Les eaux minérales de Bourbon-l'Archambaut, sont enfermées dans trois pièces de puits qui ont chacun huit pouce de diamètre. On croirait que ces puits sont autant de sources, cependant ils n'en sont qu'une seule.

Comme on remarque que les bouillons du puits du milieu sont plus abondans, on est porté à croire que la source sort de terre en cet endroit, et que l'eau passe ensuite aux puits latéraux ; au dessous de ces puits, il y a un grand bain carré que l'on appelle le Bain de Pauvres, et à deux pas de chaussée de la rue, qui sont écartées et séparées par un mur mitoyen ; c'est-là que sont les bains qui ont environ trois pieds d'eau.

Il y en a un pour les hommes ; un autre dans lequel on ne se baigne pas : le troisième est réservé pour les femmes. L'eau de ces puits est claire, limpide et si chaude, qu'on ne peut y tenir sa main plus d'une seconde sans se brûler. Cependant les oeufs qu'on y met ne s'y cuisent point, l'oseille ne s'y flétrit point.

Comme il est important que les malades qui ont bu des eaux de Bourbon, et qui y ont pris les bains, évitent pendant quelque tems, avec précaution, les injures de l'air, et sur-tout le froid, la saison du printems est préférable pour les prendre, à celle de l'automne.

BOURBON-LANCY.

Il y a un autre Bourbon dans la Bourgogne, qui contient un beau monument des Romains. Ce monument est un bain rond, pavé en marbre, de soixante pieds de diamètre, pouvant contenir cinq cens personnes. Il n'a point de source propre, il reçoit l'eau de fontaines qu'on nomme le Grand-Limbe, Saint-Leger, la Reine, la Cardinale, et de trois autres qui n'ont pas de nom.

Elles sont renfermées dans une tour qui a environ cinquante pas de long sur quinze de large.

Enfin, en Champagne, se trouve Bourbonne-les-Bains, célèbre par ses eaux chaudes.

FORGES.

Dans la haute Normandie, département de la Seine-Inférieure, est située le bourg de Forges, à neuf lieues de Rouen, sur l'Andelle qui y prend sa source.

Les eaux minérales qui ont rendu ce lieu célèbre, sont au couchant du bourg, dans un vallon où l'on descend par une belle avenue d'arbres que les capucins plantèrent lorsqu'ils y avaient un couvent. Ces sources mêlaient leurs eaux, et n'avaient qu'un même bassin. Louis XIII ayant résolu d'y aller avec la reine, on envoya des fontainiers pour en nétoyer les sources ; dès-lors elles furent distinguées, et leurs eaux commencèrent à sortir par trois endroits différens, dans un enfoncement qui fut fait exprès, et où l'on descend par cinq à six marches. Cest un espace long de deux toises sur une demie de large, revêtu d'un mur de brique à hauteur d'appui. On donna à ces eaux les noms de Reinette, de Royale et de Cardinale, qu'elles portent aujourd'hui.

La Reinette est plus abondante que les deux autres, et a cela de particulier, que vers les six à sept heures du matin, et pour l'ordinaire, sur les six à sept heures du soir, elle se brouille, de sorte que l'eau en devient toute rougeâtre, quoique le reste du jour elle soit claire.

La Royale est plus abondante que la Cardinale, mais moins que la Reinette ; son eau est plus froide à boire que celle de la Cardinale. Cette dernière prit son nom du cardinal de Richelieu, qui but de ses eaux pour la gravelle, dont il était incommodé ; elle donne moins d'eau que les deux autres. Les eaux de ces trois sources sont chargées des principes élémentaires dont le fer est composé, ou plutôt elles ne sont qu'une teinture de mars plus ou moins forte ; ou enfin c'est une dissolution des particules vitrioliques sulfurées et terrestres, qui font toute la substance du fer dans beaucoup d'eau, mais dans une proportion si juste, que tout l'art de la chymie ne pourrait approcher de la perfection de cette opération qui se fait naturellement dans le sein de la terre.

Voici ce qu'y ont remarqué MM. Morin et Dodart.

Quand on jette de la noix de galle en poudre dans les eaux, elles prennent aussitôt une faible couleur de violet qui, pendant une demi-heure, se fortifie toujours et tire enfin sur le noir ; ce qui marque que ce n'est pas du vitriol qu'elles contiennent, mais une limaille de fer très-fine et très-subtile, ou un esprit vitriolique qui tient de la nature du fer. Cet esprit vritriolique dont les eaux sont imprégnées, s'en dégage en quatre ou cinq jours, puisqu'au bout de ce tems elles ne prennent plus de teinture de la noix de galle, toute leur vertu s'évapore avec cet esprit, et par-là on peut régler la distance à laquelle il est permis de les transporter.

Les trois sources charient et jettent tous les jours certains flocons de couleur de rouille tellement légers et déliés, qu'étant pris entre les doigts, ils sont presqu'entièrement impalpables : cependant ils ne se laissent ni rompre ni détruire par l'eau, et conservent assez constamment leur figure.

Ils ressemblent parfaitement à ce saffran de mars qui est une rouille de fer faite à la rosée ou à la pluie.

La superficie des mines de fer par où ces eaux passent, se rouille apparemment par leur humidité, et il s'en détache de légères pellicules qui suivent l'eau.

Les effets médicinaux des eaux de Forges sont connus par l'activité et la volatilité de leur esprit vitriolique ; elles pénètrent rapidement, ouvrent, entraînent par la force astringente, et par l'acreté de ce même esprit ; elles raffermissent les parties solides, leur donnent le ressort nécessaire, et même resserrent les fibres du sang, et en chassent tout ce qui pourrait altérer leur tissure ; delà il est aisé de déterminer quelles sont les maladies auxquelles les eaux de Forges conviendront.

M. Morin rapporte une expérience que fit M. Dodart, et qu'il est à propos de remarquer. Puisse-t-elle être de quelqu'utilité pour ne pas se laisser maîtriser par les opinions populaires.

Il est établi que, pendant le tems qu'on fait usage des eaux de Forges, il est mortel de dormir après dîné, et l'on raconte sur cela plusieurs histoires effayantes et funestes. M. Dodart dit qu'il céda au sommeil, tous les jours après son dîner, quoiqu'il prit les eaux, et ne s'en trouva pas mal.

C'est pendant l'été qu'on va prendre ces eaux, et il y vient des étrangers.

LUXEUIL.

Un petit endroit peu connu dans ce genre, est Luxeuil, ville de France, du département de la Haute-Saône, dans la Franche-Comté, auprès d'un ancien monastère du même nom, à qui elle doit son origine, au pied du Mont de Vosges, à six lieues de Vesoul, et à sept de l'abbaye de Lure. Auprès de cette ville sont des eaux minérales estimées, mais peu fréquentées.

PLOMBIERES.

Enfin dans la Lorraine, à dix-sept lieues de Nancy, est une ville sans murailles, à laquelle les montagnes voisines servent de clôture : c'est Plombières.

Ce lieu est célèbre pour ses bains depuis les tems de Rome : vers l'an 428 de cette ville, AEtius, patrice des Gaules et général des Romains, fut le premier qui fit amasser les eaux chaudes de Plombières, pour y baigner ses soldats malades et blessés.

Jules-César y jetta les effondremens de quatre magnifiques bains, éleva des murs pour porter les toîtures qui sont aujourd'hui en pavillons.Ces bains ont été si bien pavés et cimentés qu'ils subsistent encore depuis l'an 695 de Rome.

Il y a plusieurs sources d'eaux minérales. Trois principales pour l'usage des malades, lesquelles sont limpides, sans odeur, et propres à êtres bues. Les autres sources sont destinées à passer sous deux étuves. Il se trouve encore dans ce lieu trois sources d'eaux froides savonneuses.

Vers l'an 1608, Henri II, duc de Lorraine, commença à boire de ces eaux chaudes pour guérir des douleurs désespérées qu'il avait à l'estomac, dont il ne résultait qu'un suc nourricier digéré à la hâte.

C'est depuis ce tems que Plombières a été en grande réputation. On y a vu accourir des malades de toutes les nations, aux mois de mai et de septembre de chaque année.

Les eaux chaudes minérales de Plombières, sont supérieures aux autres eaux chaudes de l'Europe, sur-tout pour les maladies aigues dont l'estomac est susceptible.

Il y a sur l'efficacité des eaux de Plombières, un mémoire de M. Mengin, premier médecin ordinaire de S.A.R. le duc de Lorraine, qui peut être consulté ; il raconte des guérisons qui tiennent du miracle ; il analyse ces eaux en chimiste, et fait dériver leur propriété des principes qui les composent.

Voici un extrait de mémoire dressé sur les lieux en 1705. On y parle au long de ce qui a rendu Plombières renomé.

Les bains qui rendent ce lieu renommé, sont des eaux qui sortent de ces deux montagnes ; il y en a de trois sortes ; savoir : pour suer, pour baigner, pour boire.

On y trouve deux grands bains. L'un qui est couvert, en figure ronde, appartenait jadis aux chanoinesses de Remiremont, comme dames et patrones de ce lieu. On y descend trois ou quatre dégrés, jusqu'à ce qu'on trouve assez d'eau pour se baigner. Les femmes seules se baignent ordinairement dans cet endroit ; elles le peuvent d'autant plus facilement qu'il est particulier et couvert. Le fond de ce bain est pavé de liais.

Le grand bain est de figure ovale et découvert. On y descend de même par des dégrés, et il est pavé des mêmes pierres. Il y a place pour cent ou cent vingt personnnes, et chacun s'y baigne selon son mal ; c'est-à-dire, l'un le pied, l'autre la jambe ou la cuisse, les autres le corps entier. Il faut pour cela que ces derniers descendent jusqu'en bas, au lieu que les autres demeurent assis sur des dégrés.

Les lieux destinés pour y suer, sont comme des guérites de bois. Les malades y entrent tous en chemise, et y restent l'espace de tems ordonné par un médecin qui est présent, jusqu'à ce qu'ils soient traversés de sueur, et affaiblis par le moyen de ces eaux, qui, au-dessus d'eux, exhalent leurs vapeurs à travers des trous faits au plancher de la guérite : cela étant fait, on les met au lit.

L'eau qui se peut boire est à une autre distance de-là, et sort de l'une des deux montagnes par un petit robinet.

L'acrimonie de cette eau qui est fort claire et tiède, produit un limon blanc, qui se recuit comme des feuilles de coquillage brisées.

On vient à ces bains dans le printems, et on finit de les prendre dans les derniers jours de septembre, quand les gelées blanches ont commencé à refroidir l'air.

SPA.

L'Allemagne a aussi ses eaux minérales ; Spa, dans les environs de Liége, en a cinq sources principales, qui sont Pouxhon, Geronflerde, Savinières, Watpots et Tonneler.

AIX-LA-CHAPELLE.

Aix-la-Chapelle est une ville libre impériale d'Allemagne, dans le cercle de Westphalie, sur les limites de Juliers et Limbourg.

La salubrité de ses eaux, et de celles de Borscheid, qui n'en est séparée que par une prairie, et où l'on va par promenade, y attire tous les ans beaucoup de personnes des deux sexes et de toutes conditions.

On en avait connu la bonté depuis long-tems pour le bain : mais M. Blondel est le premier médecin qui les ait prescrites en boisson : il assure que sur trois livres de ces eaux, poids de médecine, il y a très-souvent quatre scrupules, ou ce qui est la même chose, quatre-vingt grains de sel et autant de souffre et de ses fleurs, deux grains d'argile, presqu'un de sable.

Les eaux de Borscheid diffèrent de celles d'Aix en ce qu'elles n'ont que l'odeur du souffre, beaucoup d'alun, quantité de sel et de vitriol de mars, au lieu que celles d'Aix, ont en substance, avec beaucoup de nitre, peu de sel, de vitriol et d'alun.

On boit les eaux d'Aix, mais on boit rarement celles de Borscheid ; elles ont la vertu de fortifier, de résister à la putréfaction. Elles sont utiles dans le flux de ventre, lientérique et d'urine involontaire.

Elles sont bonnes pour les pulmoniques, auxquels celles de Spa sont nuisibles ; mais elles ont cela de commun, qu'elles guérissent les maladies invétérées, causées par des humeurs froides et grossières.

Elles conviennent aux tumeurs et à la dureté de la rate, aux obstructions du mésentère, du pancréas et des autres parties.

Elles chassent les fièvres tierces et quartes, et profitent aux hypocondriaques. Elles ôtent les pâles couleurs, diminuent la difficulté d'uriner, remédient à l'hydropisie leucoflegmatique, à la ladrerie naissante et même au scorbut.

Les bains d'Aix et de Borscheid guérissent les maladies externes, comme la galle, les dartres, et d'autres maladies de la peau, en résolvant et en fortifiant. On tient que la résolution se fait mieux sentir dans les bains d'Aix, et que ceux de Borscheid achèvent la cure en fortifiant.

Il y a deux saisons pour prendre les bains et boire les eaux. La première vers le 18 mai, la seconde vers le 18 août, et ces saisons sont de six semaines chacune.

Il y a six bains dans la ville, savoir : les petits bains, ceux de l'empereur, ceux de Saint-Quentin, ceux de la Rose, ceux des Pauvres et ceux de Saint-Corneille.

FONTAINES A MIRACLES.

Il y a en France des fontaines dont on boit les eaux, des mares où l'on va se laver ; la médecine adopta les unes, la religion a consacré les autres. Il n'y a point de pays qui n'en ait quelqu'une sous l'invocation d'un saint, où l'on n'aille pour se guérir, l'un de la galle, l'autre du mal d'yeux ; les femmes pour avoir un mari, des enfans ; la beauté même que la nature leur a refusée, elles la demandent au saint de la fontaine. C'est le seul miracle qui ne se soit jamais fait.

Il est fâcheux que le bien que le ciel daigne nous faire par l'invocation d'un saint, la superstition l'attribue à des eaux sans vertu ; s'il n'était pas de sa nature d'être aveugle, elle devrait remercier uniquement l'auteur de la nature, qui seul peut changer un ordre que seul il a établi, et seul contredire dans un instant la volonté qu'il a manifestée dans l'autre.

Je retourne aux observations qui doivent aider à l'intelligence de mes préceptes.

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SUR L'ART DE PLONGER

TOURNEFORT dit que dans l'île de Samos, on ne marie point les garçons à moins qu'ils ne soient en état de plonger au moins à huit brasses de profondeur.

Hérodote rapporte que Scillias de Macédoine rendit son nom fameux, sous le règne d'Artaxerces Mnemon, en faisant sous les eaux huit stades, pour porter aux grecs la nouvelle du naufrage de leurs vaisseaux.

C'est à l'art du plongeur que nous devons les éponges, le corail, d'excellentes huîtres, et surtout les perles dont les dames romaines (7) faisaient un si grand cas.

Cet art a quelquefois été d'une plus grande utilité ; on a sûrement entendu parler du fameux Boussard. Tous les journaux ont célébré sa belle action, toutes les bouches l'ont répétée dans le tems. Un auteur, dont les annales sont un dépôt aussi fidèle que riche des faits de la partie de ce siècle la plus féconde en événemens, s'est chargé du soin de transmettre à la postérité l'action de ce pilote généreux, ou pour lui conserver l'épithète honorable que lui a donné le gouvernement, et le roi lui-même, de ce brave homme.

"La ville de Dieppe, disent les Annales Politiques, vient d'être témoin d'un trait de courage, d'héroïsme d'autant plus beau, qu'il a précédé l'espoir même de la récompense.

Pendant une nuit orageuse du mois d'août 1777, à dix heures du soir, on entendit des cris aux environs de la jetée, la mer était terrible ; elle battait avec fureur, et mettait en pièce un navire échoué ; l'équipage semblait plutôt par ses gémissemens, dire adieu à la vie qu'appeler du secours : il paraissait impossible de lui en porter.

Un pilote-lamaneur du port, appelé Boussard, se précipite dans les flots, seul avec une corde qu'il avait attachée au rivage, il arrive au bâtiment. Il faut avoir vu les vagues irritées et leurs ondulations, sur-tout aux environs d'un objet qui leur résiste, pour se former une idée du danger auquel il s'exposait.

Poussé à chaque instant avec violence contre la carcasse, et remporté sur-le-champ au loin, avec la même impétuosité, il semblait dans ses occillations successives, que la mer indignée se prêtât à ses efforts pour les lui rendre funestes, et qu'ensuite craignant de se voir vaincue, elle se hâtât de le retirer pour lui donner un nouvel élan plus meurtrier. Entouré de débris qui augmentaient encore le péril, couvert de blessures, il parvient cependant au vaisseau, il y lie sa corde, il ranime, il fortifie, il instruit l'équipage il leur montre à gagner la terre à l'aide de ce fil qui leur trace un chemin au milieu de ténèbres et des flots ennemis ; il les porte même quand les forces leur manquent ; il nage autour d'eux comme un ange tutélaire, et luttant contre les vagues qui redemandent en mugissant leurs victimes, il en dépose quinze sur le rivage.

Ce n'est pas tout, épuisé par son triomphe même, il tombe en défaillance ; tandis qu'on lui porte du secours, de nouveaux cris viennent frapper ses oreilles ; un malheureux avait échappé à ses recherches au milieu de l'obscurité. La voix de l'humanité plus efficace que toutes les liqueurs spiritueuses, lui rend sa vigueur : il se replonge dans l'abîme écumeux, cherche l'infortuné que l'Océan s'applaudissait de lui avoir dérobé ; il le trouve, il le ramène, et regagne sa maison, suivi de seize ressuscités qui le proclament à haute voix leur sauveur.

Les réflexions de l'auteur méritent de suivre son récit.

Il n'y a peut-être pas d'exemple, remarque-t-il, depuis les Codrus, les Curtius, etc. d'une semblable intrépidité ; elle deviendra plus intéressante, ajoute-t-il, plus admirable encore, s'il est possible, quand on saura qu'elle est réfléchie de la part de Boussard ; qu'elle n'est pas un instinct aveugle de courage ou une simple impulsion de confraternité, fortifiée par l'habitude de braver les dangers de la mer et d'y échapper, c'est chez cet homme vertueux une résolution formée, subsistante, et un hommage journalier qu'il rend à la mémoire de son père. L'ayant vu se noyer sous ses yeux, sans l'avoir pu secourir, il a fait le voeu, pour expier cet espèce de délit bien innocent, de sauver, aux dépens de sa propre vie, tous les naufragés à qui il pouvait être utile, et il tient sa parole, de sorte que son dévouement est une double vertu ; en servant si chaudement l'humanité, c'est à la piété filiale qu'il paie un tribut ; particularité qui le rend encore plus grand et plus respectable".

Nous avons dit que c'était à l'art du plongeur qu'on devait les perles, voici une courte description de leur pêche.


DE LA PECHE DES PERLES.

On pêche des perles aux Indes orientales, dans les mers de l'Amérique, et en quelques parties de l'Europe ; à l'île de Bahren ou Baharem, dans le Golfe Persique ; à Calife, sur la côte de l'Arabie Heureuse, vis-à-vis Bahren ; à Ménar (8) ; enfin sur les côtes du Japon. En Amérique, la pêche se fait dans le Golfe Mexique, le long de la côte de la Terre-Ferme, et en Europe, sur les côtes d'Ecosse, et dans un fleuve de Barière.

Il y a deux saisons pour pêcher les perles dans les Indes orientales, en mars et avril, en août et septembre.

A l'entrée de chaque saison, le rivage se couvre de barques, dont chacune est montée par trois hommes, dont deux conduisent, et l'autre plonge. Le plongeur s'attache au corps une pierre épaisse de six pouces, et longue d'un pied qui lui sert de lest, pour n'être point emporté par le mouvement de l'eau ; il se lie à un pied une autre pierre pesante, qui le précipite au fond de la mer. Pour avoir facilement les huîtres qui tiennent ordinairement très-fort aux rochers, il arme ses doigts de gants de cuir, quelques-uns ont un rateau de fer : il porte en outre à son cou un panier ou un sac attaché à la barque par une longue corde. C'est dans ce panier qu'il doit mettre indistinctement toutes les perles, tous les coquillages, enfin ce qu'il aura trouvé. Il descend dans cet équipage à quarante ou soixante pieds de profondeur, où il reste autant que l'habitude de maîtriser son haleine et la nature le lui permettent.

Quand il vient à manquer de respiration, il tire un cordon qui avertit ses camarades de le remonter ; il respire et redescend ainsi, jusqu'à ce qu'il se trouve trop fatigué.

Pline dit que de son tems, les plongeurs mettaient dans leur bouche des éponges trempées dans l'huile, pour se ménager quelque portion d'air propre à la respiration.

Cet usage est, dit-on, observé par les plongeurs de la Méditerranée, par la plupart des nègres d'Afrique et par un grand nombre d'américains indigènes.

Ce moyen n'est point utile, comme on l'entend communément, c'est-à-dire, en ce sens, que les pores de l'éponge donnent de l'air au plongeur, mais parce que les particules d'huile qui s'échappent, sillonnant l'eau verticalement, ouvrent un passage à l'air vers le plongeur, ou bien que l'huile remontant sur l'eau, s'étend sur sa surface et la calme (9), comme l'attestent des auteurs anciens, et des expériences modernes.

La bonté d'une pêche ne s'estime pas sur la quantité de nacres dont est rempli le panier du plongeur. Toutes les nacres ne renferment pas des perles. Les huîtres perlières ont un très-bon goût, mais elles sont avares des bijoux qu'elles renferment, il faut attendre pour les prendre, que l'huître s'ouvre d'elle-même ; ce qui n'arrive que huit ou quinze jours après qu'elle est sortie de l'eau.

La pêche des perles n'est pas sans risque, le plongeur est quelquefois dévoré par des poissons monstrueux.

Il y a des personnes peu curieuses de mettre de la vraisemblance dans leurs assertions, qui croient qu'un homme peut rester une demi-heure, trois quarts d'heure, d'autres une heure et demie, deux heures sous l'eau, il importe de fixer ce qu'on doit penser à ce sujet.

Si l'on parle de ce que peut faire un plongeur, sans autre aide que la nature, M. Halley, ainsi que tout homme qui a de l'expérience, apprendra que le plongeur le plus exercé, ne peut rester sous l'eau, plus de deux ou trois minutes sans être suffoqué ; le jeu de l'aspiration et expiration de notre haleine, est essentiel à la machine, il en est le balancier.

S'il pouvait être interrompu une heure, pourquoi ne s'en passerait-on pas toute la vie.

Si l'on donne au plongeur les secours de l'art, plus ses machines seront perfectionnées, plus de tems il restera dans les eaux.

L'art a fait bien des choses pour seconder la nature en ce genre. On a inventé des tuyaux, des cloches ; un charlatan allemand devait construire un vaisseau qui, disait-il, irait à rames sous les eaux.

Rien ne serait, à mon avis, préférable à la machine dont l'annonce a été faite au public il y a quelques années, si elle recevait le dernier dégré de solidité qui paraît lui manquer.

En 1774, le 12 février, quelqu'un proposa à l'académie des sciences, un nouvel appareil, au moyen duquel on pourrait respirer et agir sous l'eau. Cet appareil consiste en un vêtement de cuir qui enveloppe l'homme qui veut plonger, et le rend impénétrable à l'eau. A la partie qui environne la tête répondent deux tuyaux qui aboutissent à une caisse de cuir que l'homme traîne après lui ; cette caisse est remplie d'air, et renferme un soufflet à deux âmes mû par un ressort. Le tuyau du soufflet répond par des conduits de cuir à la bouche du plongeur qui inspire ainsi un air renouvellé, tandis que l'air qu'il exporte est reporté par le second conduit dans la caisse. Par ce mécanisme ingénieux, le plongeur trouve un air respirable tant que le ressort peut faire mouvoir le soufflet.

La première fois que l'épreuve en a été faite, une des parties du mouvement qui fait aller le soufflet, s'est rompue ; dans la seconde, le succès a été complet, le plongeur est resté sous l'eau deux heures environ, sans en être incommodé.

La crédulité du public est un patrimoine pour qui en sait tirer parti.


TOUR DE PLONGEUR.

Monsieur Blake, machiniste physicien, avait, disait-il, conçu seul l'idée d'un bateau dans lequel un homme pourrait vivre sous l'eau douze heures et plus, par le moyen de son air (10) fixe lâché peu-à-peu dans l'air échauffé du coffre. Ce bateau chargé par le dehors, devait couler bas de lui-même par l'addition d'un poids léger qui devait être jeté d'un bateau voisin ; l'homme enfermé dans le bateau, se dégageant à sa volonté de ce surcroît de charge, devait le faire remonter sur l'eau.

Le bateau était préparé, on avait trouvé un homme disposé à faire lui-même l'épreuve ; déjà il y avait des paris considérables, dans lesquels M. Blake avait un gros intérêt pour l'heureux succès de son entreprise. Enfin le jour était fixé, et ce devait être le 2 juillet 1774, devant la ville de Plimouth, en présence du lord Sandwik.

Le 27 juin, le sieur Blake fit secrètement un premier essai de cette invention ; un très-petit nombre de gens étaient dans sa confidence. Sur les deux heures après midi, le bateau avec l'homme fut submergé ; cet homme était enfermé dans un coffre bien lutté, et entouré de vases remplis d'air fixe, dont il devait peu-à-peu faciliter la dilatation, suivant la nouvelle découverte d'un sieur Prieslay, et se procurer par là un renouvellement de matière pour la respiration. Peu de tems après, il se fit sur la surface de l'eau un bouillonnement considérable ; mais les petites valises de diverses couleurs que l'homme devait lâcher selon l'état où il se trouverait, ne parurent point ; on s'alarma dès qu'on eut connaissance dans la ville de ce qui venait de se passer, une foule innombrable accourut sur le bord de la mer, à l'endroit où l'on attendait de moment en moment le retour de l'homme et du bateau. Dans le premier essai, il ne devait pas rester les douze heures, mais la soirée et la nuit entière se passèrent sans qu'on en eut de nouvelle, et cela n'était pas surprenant.

Des lettres de Plymouth ont appris depuis que le sieur Day, qui s'était enfermé volontairement dans le bateau submergé, était un habile plongeur qui s'était ménagé une secrète issue dans le bateau, par où il avait pu gagner sous l'eau la rive la plus prochaine ; on a même assuré qu'il était venu se mêler à la multitude, qui a eu la constance de passer toute la nuit sur le bord de la merr, pour attendre le moment où ce nouveau Jonas serait rendu à son premier élément.

Il avait un intérêt considérable dans les paris formés contre lui, il a dupé de cette manière et M. Blake, et tous ceux qui avaient pris part à sa gageure.


REMEDE AUX APHIXIES DES NOYES.

Le récit d'un événement, dont l'issue peu tragique permettra d'en rire, peut bien précéder une matière aussi sérieuse.


ANECDOTE.

Une femme jeune et bien mise se jeta, il y a quelques années, dans l'étang des Prés-Saint-Georges, en Angleterre. Un passant qui la vit, s'y précipita presqu'en même tems, et la ramena sur le bord : le peuple s'y attroupa, et les secours qui lui furent donnés la rappelèrent à ses sens. En vain on lui demanda quel motif l'avait pu porter à une action pareille, et si elle en avait du repentir, point de réponse. Celui qui l'avait retirée de l'eau et qui paraissait un homme honnête, se mit à lui faire des reproches sur son silence opiniâtre.

"Voyez, lui dit-il, ce que j'ai fait pour vous, en quel état je me suis mis, je me suis tout trempé de la tête aux pieds, j'ai l'air d'un rat noyé, et je ne puis pas savoir si vous m'en avez obligation".

A ce mot d'obligation, quelle fut la surprise de tous les assistans, quand ils entendirent cette femme s'écrier : Retire-toi de mes yeux, assassin, meurtrier ; "Moi, reprit avec indignation le passant, meurtrier, assassin, est-ce qu'au contraire, je n'ai pas risqué de périr pour vous ! quel est l'excès de votre ingratitude, d'appeler meurtrier un homme qui vous a rendu la vie !"

Cette singulière altercation intéressait vivement tous les spectateurs qui attendaient le dénouement d'un fait aussi étrange ; leur curiosité ne tarda pas à être satisfaite ; la dame noyée prenant un ton plus rassis et plus grave : allez, Monsieur, vous pouvez être un galant homme ; mais vous n'avez pas tiré grand fruit de vos études, il faut vous renvoyer à l'école pour y apprendre

Que qui veut sauver femme à mourir résolue,
Aux yeux de sa raison est celui qui la tue.

C'est le sens d'un adage latin, qu'elle fit ronfler aux oreilles de tous les assistans :

Invitam qui servat idem facit occidenti.

A ce trait qui ne laissa pas de doute sur l'état de son esprit, chacun se retira ; le particulier qu'elle avait ainsi apostrophé, touché de compassion, se chargea de la faire conduire chez ses parens.

Revenons aux asphixies.

La société a fait du monde moral une carrière remplie de dangers ; on n'y rencontre pas un agent utile qui ne puisse devenir nuisible, et toujours l'abus s'y trouve à côté de l'usage.

C'est encore pis dans la nature, on n'y aperçoit qu'un combat perpétuel et des risques (11) qui feraient abhorrer la vie, si à la faiblesse qui nous y expose, la Providence n'avait heureusement joint l'ignorance ou la légèreté qui nous en distraient. Le monde physique ne renferme pas un principe qui ne soit tout-à-la-fois mortel autant que salutaire. Pour avoir la force de nous conserver, il faut qu'ils aient aussi celle de nous détruire.

Les acides sont une partie essentielle de la grande machine de ce globe. Ils entrent nécessairement dans l'économie animale, et cependant elle n'a point d'adversaire plus redoutable. Lancés par la fermentation vineuse de certains fluides, accumulés dans les caves, dans les lieux fermés, où un cours d'air nouveau ne le dissipe pas, ils deviennent le poison le plus actif et le plus subtil, et ils sont d'autant plus redoutables, que rien ne les annonce, ils échappent même à la vue, tandis qu'ils affectent avec violence des organes bien moins délicats ; c'est sur-tout sur ceux de la respiration qu'ils agissent, ils en arrêtent l'action ; et en interceptant ainsi le mobile de la circulation du sang, ils produisent tout d'un coup une apparence de mort qui ne tarde pas à être suivie de la réalité.

Contre un venin si actif, il fallait un antidote puissant. Quelques savans se sont occupés de le chercher, M. Sage l'a trouvé il y a quelques années.

Ce qui rend les acides funestes, ce sont les pointes des parties qui les composent, lesquelles en se glissant dans les poumons, y causent un spasme mortel.

L'alkali volatil, apparemment formé d'une espèce de petites éponges, où ces pointes s'engaînent et se fixent, les enchaînent, de manière qu'elles perdent sur-le-champ leurs propriétés fatales, le malade se trouve soulagé presqu'aussi promptement qu'il est accablé.

C'est ce spécifique que M. Sage propose comme infaillible dans tous les accidens qui ont pour cause des vapeurs de cette espèce ; ainsi les asphixies ou suffocations produites par celle du charbon, par les moufettes des urines, par les exhalaisons des fosses d'aisance, disparaissent sur-le-champ par l'usage de cet alkali.

En 1776, le 20 juillet, un homme ayant resté sous l'eau vingt minutes, et en étant sorti sans connaissance, sans mouvement, sans pouls, fut ranimé en un moment par quelques gouttes de cet extrait qu'on lui fit couler par la bouche et dans le nez ; M. Sage, d'après cette expérience, conclut que l'alkali fluor, volatil, devait être la principale partie du traitement par lequel on peut rappelerr les noyés à la vie.

Il conjecture même qu'il est un remède aussi efficace contre la morsure des serpens, contre la rage, l'apoplexie, la brûlure même ordinaire, une simple compresse bien imbibée, appliquée sur la partie offensée par le feu, appaise sur-le-champ la douleur, rétablit le tissu de la peau en peu de minutes, quand il n'y a pas de cloches.

Voici la recette pour composer l'alkali volatil, fluor, c'est-à-dire, en liqueur.

Pour obtenir du sel ammoniac, l'alkali volatil, fluor, il faut mêler exactement une partie de ce sel pulvérisé, avec trois parties de chaux éteinte, introduire ce mélange dans une corne lutée ; et après y avoir versé de l'eau (12), adapter et lutter un grand récipient, dont il faut laisser le foramen ouvert durant la distillation, il se produit une grande quantité d'air, cet air entraîne un alkali volatil très-pénétrant qu'on peu coercer en le faisant passer à travers l'eau distillée, dans laquelle l'alkali resté combiné, tandis que l'air s'en échappe.

Cet alkali volatil est très-fort, quand on n'en a retiré qu'une livre d'un mélange où l'on avait employé une livre de sel ammoniac. L'alkali volatil, fluor, obtenu par le procédé que je viens de décire, est limpide et très-pénétrant, c'est le seul dont on doive faire usage, l'espèce de causticité qui lui est propre le rend plus énergique que tout autre. Il faut bien se garder de le mêler avec quelque huile essentielle pour le rendre laiteux, car alors il est presque à l'état savoneux, et forme ce qu'on appelle l'eau de luce.


SUR L'ART DE NAGER.

Qu'ai-je besoin de vaisseau pour t'aller trouver, disait Léandre à Héro. Je serai à moi-même, vaisseau, gouvernail et pilote.

Idem navigium navita, rector ero.

Ce vers donne une idée complète du talent du nageur ; ce n'est qu'à la force de rames que les autres parviennent à franchir les distances ; mais le nageur, c'est par le seul secours de ses bras.

Les premiers hommes ignorant l'art de construire des ponts, de fabriquer des vaisseaux ; certains peuples, voisins de la mer, étant obligés de poursuivre dans les eaux le poisson dont ils se nourrissaient, devaient être nécessairement d'habiles nageurs ; l'adresse des habitans de Délos, en ce genre, était passée en proverbe.

La science de nager est toujours agréable : elle est utile en bien des occasions ; elle l'est à la guerre, dit Montagne.

Quand les anciens Grecs voulaient accuser quelqu'un d'insuffisance, ils disaient en commun proverbe : Il ne sait ni lire ni nager. César avait cette même opinion, que la science de nager était très-utile à la guerre, et en tira plusieurs commodités. S'il avait à faire diligence, il franchissait ordinairement à la nage les rivières qu'il rencontrait, car il aimait à voyager à pied, comme le Grand Alexandre.

En Egypte, ayant été forcé pour se sauver, de se mettre dans un petit bateau, et tant de gens s'y étant lancés quant et quant lui, qu'il était en danger d'aller au fond, il aima mieux se jeter à la mer, et gagner sa flotte à la nage, qui était plus de deux cens pas au-delà, tenant en sa main gauche ses tablettes hors de l'eau, et traînant à belles dents sa cotte d'armes, afin que l'ennemi n'en jouît pas, étant déjà avancé en âge.

Anciennement les militaires étaient tellement accoutumés à nager, que souvent ils ne quittaient pas leur armure pour passer les fleuves les plus rapides.

Dion-Cassius prétend que les Celtes traversaient à la nage les fleuves les plus rapides, sans abandonner leurs armes.

Horatius Coclès voyant se rompre le pont sur lequel il combattait l'effort d'une armée entière, se jetta teut armé dans le Tibre, et sauva sa vie à la nage.

Scipion l'africain, dit Silius-Italicus, traversait de grandes rivières à la tête de ses soldats, et couvert de son armure.

Sertorius, quoique blessé, passa le Rhône à la nage, sa cuirasse sur le dos.

Marius est forcé de quitter Rome, pour se soustraire à la poursuite de Scylla ; il se promène sur le bord de la mer, où était en rade un vaisseau prêt à faire voile ; on lui conseille de s'y enfermer : accablé d'années, et épuisé de fatigue, il se jette à la nage, et va le rejoindre.

La science de nager est d'une utilité plus ordinaire dans les voyages sur des rivières rapides et profondes ; Rousseau a parlé dans son Emile de la science de nager, comme faisant une partie essentielle de l'éducation : cette opinion a toujours été celle du monde entier.

Il y avait une loi à Athènes qui obligeait les pères à faire apprendre à lire et à nager aux enfans.

A Hermione, ville de l'Argolibe, il y avait des encouragemens, on distribuait des prix à ceux qui l'emportaient sur les autres dans l'exercice de la natation.

A Rome, des pères l'enseignaient eux-même à leurs enfans. Caton instruisait son fils à passer à la nage les fleuves les plus rapides et les plus profonds. Auguste donnait les mêmes leçons à ses petits-fils. On disait de Caligula, en lui reprochant de n'avoir pas su nager :

Hic tam docilis ad caetera, natare nesciit.

Voici ce que dit Rousseau dans son Emile, sur l'utilité de cet art.

"Une éducation exclusive, qui tend seulement à distinguer du peuple ceux qui l'ont reçue, préfère toujours les instructions les plus couteuses aux plus communes, et par cela même aux plus utiles.

Ainsi les jeunes gens élevés avec soin, apprennent tous à monter à cheval, parce qu'il en coûte beaucoup pour cela ; presqu'aucun n'apprend à nager, parce qu'il n'en coûte rien, et qu'un artisan peut savoir nager aussi bien que qui que ce soit ; cependant sans avoir fait son académie, un voyageur monte à cheval, s'y tient, et s'en sert pour le besoin, mais dans l'eau, si l'on ne nage, on se noie et l'on ne nage point sans l'avoir appris.

Enfin l'on n'est pas obligé de monter à cheval sous peine de la vie, au lieu que nul n'est sûr d'éviter un danger auquel il est si souvent exposé.

Comme l'exercice ne dépend pas du risque, on apprendrait dans le canal d'un parc à traverser l'Hellespont ; mais il faut s'apprivoiser au risque même pour apprendre à ne pas s'en troubler".

Il considère ensuite cet art du côté de la santé qu'il procure ou qu'il maintient.

"Lavez souvent, dit-il, les enfans : leur malpropreté en montre le besoin ; mais à mesure qu'ils se renforcent, diminuez par dégrés la tiédeur de l'eau, jusqu'à ce qu'enfin vous les laviez été et hiver à l'eau froide et même glacée".

Cet usage du bain une fois établi ne doit plus être interrompu, et il importe de le garder toute la vie : je le considère non seulement du côté de la propreté et de la santé actuelle, mais aussi comme une précaution salutaire pour rendre plus flexible la texture des fibres, et les faire céder sans effort et sans risque, aux divers dégrés de chaleur et de froid. Pour cela, je voudrais qu'en grandissant, on s'accoutumât peu-à-peu à se baigner dans des eaux chaudes à tous les dégrés possibles ; ainsi donc, après s'être habitué à supporter les diverses températures de l'eau qui, étant un fluide plus dense, nous touche par plus de poids, et nous affecte davantage, on les rendrait presqu'insensibles à celles de l'air".

Les anciens attribuaient beaucoup d'effet à la natation celui entr'autres de procurer le sommeil :

Transnanto Tiberim somno quibus est opus alto, dit Horace.

Caelius-Aurélien, faisait nager les impotens, en soutenant avec des calebasses leurs membres paralysés.

J'ai vu un mendiant bien connu dans l'endroit que j'habite, recouvrer l'usage d'une jambe, par le seul usage du bain.

Cette science n'est point interdite aux femmes : celles des anciens y excellaient (13).

Clélie et ses neuf soeurs, traversèrent le Tibre à la nage pour se sauver du camp de Porsenna.

La mère de Néron, enfermée dans un vaisseau, qui s'entrouvit au milieu de l'eau, par l'artifice, dit-on, de son fils qui voulait la faire périr, sut échapper à ce danger en nageant.

Nous connaissons des femmes, de jeunes filles mêmes, qui se distinguent par ce genre de science.

Les anciens chez qui les exercices du corps étaient en grand honneur, faisaient de l'exercice de la natation un spectacle public.

La naumachie, les jeux qu'on nommait Pleiens, étaient fort usités à Lacédémone ; des jeunes gens se partageaient en deux bandes, et s'amusaient à combattre l'un contre l'autre, jusqu'à ce que l'un des deux champions fût renversé dans l'eau.

Les romains étaient dans le même usage de donner des fêtes Pleiennes, et c'était de grands éclats de rire, lorsque quelqu'un était précipité. Maenetes, renversé par Gias, dans les jeux décrits par Virgile en l'honneur d'Anchise, prêta beaucoup à rire aux troyens.

Illum et labentem teucri et risere natantem.
Et salsos rident revomentem pectore fluctus
.

Les nageurs jouaient dans ces divertissemens des pantomines assez curieuses, ils représentaient la figure d'un trident, d'une rame, d'une ancre de vaisseau.

Manilius a parlé de la science des Anciens dans l'art de nager, en voici quelques extraits intéressans.

Il prédit que qui naîtra sous la constellation du Dauphin, aura la plus grande aptitude à nager : Volitabit in undis. Deux vers expriment parfaitement bien ce que nous avons appelé la coupe, ce sont ceux-ci :

Nunc alterna ferens in lentos brachia tractus, Et plausâ resonabit aquâ.

Tantôt, ajoute-t-il, il se tiendra debout, et nagera comme s'il marchait :

Nunc in aquas rectus veniet passimque natabit,
Et vada mentitus reddet super oequore campum
.

Nous appelons cela nager en demoiselle. Il s'étendra sans faire aucun mouvement des mains, les tenant à son dos ou contre ses flans.

Aut immota ferens in tergus, membra, latusque.

On reconnaît la planche à cette description, ou bien il fera du mouvement, mais il le cachera sous l'eau.

Nunc oequore mersas
Deducet palmas furtivo remus in ipso
.

Et il aura l'air de n'avoir aucun poids.

Non onerabit aquas summisque accumbet in undis.

Ce moyen est celui qui doit donner le plus de confiance au nageur, parce que c'est celui qui lui consomme le moins de forces, ou plutôt il ne lui en demande aucunes.

Pendebitque super tutum sine remige pontum.

Tous les membres ne sont pas utiles à-la-fois dans la natation ; nous avons vu que César se sauvant à la nage au siège d'Alexandrie, tenait le bras gauche élevé hors de l'eau, pour ne point mouiller ses habits, et nageait de sa droite seulement.

On ne saurait guère calculer la distance que peut parcourir un bon nageur, cela dépend de sa force, de sa hardiesse, de la lenteur ou de la rapidité du fleuve dans lequel il nage ; d'ailleurs il peut suivre le fil de l'eau, ou remonter son courant.

Pugnat in adversas, ire natator aquas.

Léandre, dont nous allons donner l'histoire, faisait, en traversant l'Hellespont, pour aller de Seste à Abydos, l'équivalent de quatre fois la largeur de la Seine, au-dessus de Paris ; cela est plus croyable que ce que rapportent certains voyageurs, des sauvages qui demeurent près de la mer ; ils disent qu'ils font quelquefois quarante lieues, plusieurs journées en mer. Ils auront sûrement rencontré ce Gascon qui étant défié à la nage par un camarade, prit des provisions pour huit jours.

Les habitans de Phare, défaits par César dans la guerre d'Alexandrie, parcoururent soixante-quatre toises pour gagner une ville voisine.

Quelques Messinois, pour fuir leur vainqueur, passèrent en Italie à la nage, et firent par conséquent une lieue et demie.

L'historien Josephe dit que, dans son naufrage, Dieu permit qu'il fit rencontre d'un vaisseau qui le reçut après qu'il avait passé toute la nuit à nager.

Pyrrus, célèbre dans l'histoire, se jeta à la mer à l'entrée de la nuit, pour éviter de périr dans son vaisseau qui coulait à fond : Le jour parut avant qu'il eût gagné le rivage.

A ce propos, c'est un bon conseil à donner que celui de ne se point hasarder à nager quand il ne fait plus jour. Ovide nous apprend que la cause de la mort de Léandre, fut qu'il nagea dans l'obscurité.

Soepè petens Hero, juvenis tranaverat undas,
Tunc quoque tranasset
, sed via coeca fuit.

Et Virgile le dit aussi :

Quid juvenis magnum cui versat in ossibus ignem
Durus amor, nempe abruptis turbata procellis
,
Coecâ nocte natat serus freta.

Voici l'histoire abrégée de ce nageur célèbre, qui périt malgré son adresse à nager; elle est tirée d'Ovide, le plus élégant des poëtes latins. Les jeunes gens pour qui ce traité est spécialement destiné, seront sans doute bien aises de retrouver des morceaux intéressans qui leur rappellent leurs études. Au-dessous, pour satisfaire tous les goûts, sera mise une traduction ou plutôt une imitation assez faible du texte en vers français.

Léandre était un jeune homme d'Abydos, amoureux d'une prêtresse de Vénus, nommée Hero, qui demeurait à Seste. Il était obligé, pour l'aller ttrouver, de passer l'Hellespont à la nage, à la clarté d'un flambeau qu'elle allumait sur une tout fort élevée.

Avant que de se jeter à la mer, qui était alors orageuse, il lui écrit cette épître qu'il donne au pilote d'un vaisseau qui partait.

Les Dieux, dit-il, s'opposent à ce que je parcoure un chemin qui m'est bien connu.

Currere me notâ non patiuntur aquâ.

Les vents ont agité l'onde au point qu'il n'y a que le vaisseau que j'ai chargé de ma lettre, et tout le monde le regarde comme téméraire, qu'il ait voulu quitter le port.

Unus et hic audax, à quo tibi littera nostra
Redditur a portu navita feeit iter
.

Mais rien ne peut ralentir l'impatience qu'il a de voir son amie.

Dans cet empressement, le chagrin qui m'accable
M'a fait laisser trois fois mes habis sur le sable,
Et trois fois me livrant à la merci des flots,
J'ai cherché les moyens d'assurer mon repos ;
Mais en vain j'ai taché de braver la tempête,
La vague à m'engloutir m'en a paru plus prête,
Et la mer en courroux de ma témérité,
Malgré moi vers le bord m'a toujours rejeté.
Ter mihi deposita est in siccâ vestis arenâ.
Ter grave tentavi, carpere nudus iter
Obstitit inceptis tumidum juvenilibus oequor,
Mersit et adversis ora natantis aquis
.

Il désire les aîles d'Icare.

Nunc daret audaces utinam mihi Doedalus alas.

Son sort n'a rien qui l'effraie, quiquid erit patiar, pourvu qu'il voie s'élever dans les airs ce corps que les eaux refusent de porter :

Liceat modo corpus in auras
Tollere quod dubia saepè pependit aquaà
.

Un moment favorable lui offre la faculté de nager, qu'il demande avec tant d'ardeur.

Tout-à-coup, quittant toute crainte avec ses habits,

Nec mora deposito pariter cum veste timore.

Il s'élance dans la mer.

Jact abat liquido, brachia lenta mari.

Il fait le récit de sa route.

Admirons avec quel art le poëte sait amuser son lecteur.

La lune me prêtait sa tremblante lumière,
Comme si pour l'amour, me voyant tout oser,
Elle eut pris intérêt à ma favoriser.
 
Luna mihi trmulum lumen proebebat eunti,
Ut comes in nostras officiosa vias
.

Il ajoute :

Hanc ego suspiciens faveas ô candida dixi,
Et subeant animo Latmio sxa tuo

 
Accorde ton secours à l'ardeur qui me presse,
Déesse, et souviens-toi qu'avec moins de repos,
Tu cherchas autrefois les rochers de Latmos.
L'amour qu'Enimion alluma dans ton âme
T'engage à te montrer favorable à ma flamme.
 
Non sinit Endimion te pectoris esse severi.
 
Ce n'était qu'un mortel qui t'en faisait descendre.
Et dans le digne objet qui tient ma liberté,
Je ne cherche rien moins qu'une Divinité.
 
Tu Dea mortalem Coelo delapsa petebas
Vera loqui liceat quam sequor ipsa Dea est.

C'est ainsi, disait Léandre, que je nageais de nuit à travers des flots complaisans :

Per mihi cedentes nocte ferbar aquas.

Le silence de la nature pendant la nuit, est bien peint dans ces deux vers.

Nullaque vox nostras veniebat ad aures
Proeter dimotae, corpore, murmur aquae.

Hors le bruit que faisaient mes bras en fendant l'eau, la mer était partout dans une paix profonde.

Alciones solae memores Coeicis amati,
Nescio quid visae sunt mihi dulce queri.

Le nageur s'élève sur la surface des eaux pour découvrir quelque chose.

Fortiter in summas erigor altus aquas.

Il apperçoit le fanal que lui présente Hero.

Meus igniss in illo est.

Toute ma force est dans cette lumière, dit-il, et à l'instant son courage renaît.

Et subitô lassis vires rediere lacertis.

L'eau devient moins rude.

Visaque quam fuerat mollior unda mihi.

Il désirait par son adresse à nager, plaire aux yeux de celle qui le regardait.

Tunc etiam dominae placuisse labore.

Il arrive enfin au rivage, et s'écrie :

Excipis amplexus, feliciaque oscula jungis
Oseula dis magnis trans mare digna peti.

Hero lui donne de ses habits.

De que tuis demptos humeris mihi tradis amictus.

Elle tord ses cheveux.

Et madidam siccas oequoris imbrecomam.

Son retour n'est pas moins intéressant à lire, par les tableaux admirables qui en embellissent le récit. En partant d'Abydos, dit Léandre, j'étais nageur, je suis naufragé à mon retour.

Cum redeo, videor naufragus esse mihi.

L'eau qui m'emportait vers toi, chère Hero, semble s'opposer à ce que je te quitte.

Ad te via prona videtur
A te cum redeo, Clivus inertis aquae.
Par quel fatal destin, par quel ordre barbare,
Faut-il qu'amis de coeur, un peu d'eau nous sépare.
Hei mei cur animis juncti secernimur undis.

Déjà occupé d'un nouveau voyage, Phixus était heureux dit-il, une brebis le porta sur son dos à travers les dangers de la mer.

Invideo Phrixo quem perfreta tristia tutum,
Aurea lanigero vellere vexit ovis.

Mais qu'a-t-il besoin de ce secours ?

Arte egeo nullâ detur modo copia nandi.
Idem navigium, navita rector ero.

Il n'y a personne qu'il ne pût défier, et surpasser par son talent.

Et juvenem possum superare Palemona nando.

Il sent ses bras se fatiguer à force de nager.

Soepè per assiduas linguent mea brachia motus.
Vixque per immensas, fessa trahuntur aquas.

Pour les ranimer, il leur promet un grand prix.

Jam dominae vobis collatenenda dabo.

Vaines promesses ; elles ne l'empêchèrent pas de se noyer dans le même bras de mer.

De désespoir d'avoir été la cause de sa mort, quoiqu'elle l'eût averti de son danger (14), Hero s'y précipita ; ainsi périrent ces deux amans, l'un victime de son talent, l'autre de son amour;

Voici une épigramme de l'anthologie :

Cùm peteret dulces audax Leandrus amores,
Et fessus tumidis, jam premeretur aquis,
Sic miser instantes affatus dicitur undas,
Parcite dùm propero, mergite dùm redeo.

Et sa traduction par Voltaire :

Léandre conduit par l'amour,
En nageant disait à l'orage :
Laissez-moi gagner le rivage,
Ne me noyez qu'à mon retour.

On a voulu pouvoir braver impunément les dangers de l'eau, et suppléer par l'art à la faculté de nager naturellement, que nous n'avons point. On a eu recours à des habillemens, à des machines, pour se rendre insubmersible.

L'un a imaginé des cuirasses (15), l'autre une jaquette (16), celui-là une soubreveste (17), une ceinture (18) ; l'autre un habit de mer (19), des coffres de fer-blanc (20), etc. : mais rien n'a été suffisant. M. l'Abbé de la Chapelle a fait un corselet en liège qu'il a appelé Scaphandre, ou l'Homme-Bateau, lequel est ce que nous connaissons de mons imparfait.

Cet objet est assez important à la conservation de l'homme, pour que je propose aussi mes idées.


DU SCAPHANDRE.

Si le Scaphandre, comme j'en ai lu la définition quelque part, et comme l'usage auquel il est destiné la doit faire concevoir, est une espèce de cuirasse ou corselet imperméable à l'eau, avec lequel, sans jamais avoir appris à nager, on peut, habillé ou non, se tenir au milieu des eaux dormantes ou courantes, les plus profondes, les traverser en marchant, et y faire des manoeuvres, le corps dans une position qui lui donne la fermeté nécessaire pour toute espèce d'évolution, et qui n'ôte aux bras ni aux jambes la liberté de leurs mouvemens ; la plus grande perfection qu'il puisse recevoir, pour ne gêner en aucune manière les membres qu'il doit revêtir, est d'en prendre la forme et la flexibilité.

C'est un principe fondé sur l'expérience, que l'air captif est ce qu'il y a de plus insubmersible à l'eau. Tous les autres corps ont un poids qui lutte avec l'élément ennemi, contre les avantages de leur propre nature, pour les entraîner à fond.

Cette propriété de l'air n'est pas la seule, il ne faut qu'une petite quantité de ce fluide pour empêcher un gros volume de s'enfoncer. Deux vessies pleines d'air, portent l'homme le plus pesant.

Voici donc comme j'inviterais un habile tailleur à fabriquer un scaphandre.

Il ferait en cuir, en peau ou en étoffe plus légère, comme en taffetas gommé ou en toile cirée, un juste-au-corps complet, bien cousu et bien appliqué sur la taille de l'homme qui devra flotter ; il le recouvrirait d'un double un peu plus lâche, également bien cousu, de manière à ne pas laisser passer d'eau ni échapper d'air. Cet habillement se fermerait aux jambes, au col, aux poignets, comme une chemise.

L'air contenu entre ces deux peaux suffira sans doute pour porter leur homme. Cependant s'il ne suffisait pas, il serait facile de les disposer à être soufflées par un orifice pratiqué à ce dessein au-dessus de l'une des deux épaules. Il me semble que dans un scaphandre ainsi construit, la simplicité est réunie à la légèreté, à la solidité même ; je crains qu'on ne m'objecte qu'il sera difficile de coudre les deux étoffes assez serrées, pour que l'air ne s'en échappe pas dans la compression qu'il reçoit de l'eau.

Ce ne sera pas alors la faute du moyen, mais celle du tailleur ou de l'impuissance de l'art.

Il ne s'agit pas de trouver une cire assez glutineuse pour fermer les pores qu'aura fait l'aiguille, comme on parvient à boucher ceux de l'étoffe même.


Indocti discant et ament meminisse periti.

FIN.


Notes :
(1) Mahomet, depuis, dans son Alcoran, a prescrit aux Turcs de se baigner dans certains cas qu'il spécifie.
(2) Pour en avoir la preuve, on n'a qu'à mettre dans l'eau un enfant nouveau né, il enfoncera : il n'en est pas de même des jeunes animaux.
(3) Il y a un an, qu'un homme se jettant sans aucune précaution, rencontra un banc de sable, qui lui brisa la tête, et le mit dans le cas d'être saigné quatre et cinq fois.
(4) J'en ai vu qui tenaient un verre d'une main, et un petit pain de l'autre, et mangeaient dans cette attitude.
(5) Les bras sont un balancier qui n'est en équilibre que lorsque leur longueur et la force qui les fait agir sont dans un juste rapport sur le point d'appui qui les supporte.
(6) On voit bien que dans cette attribution que je fais, de qualités souveraines aux eaux, je ne fais que répéter ce que d'autres ont dit.
(7) Pline dit que les plus pauvres voulaient avoir des perles, parce quelles les regardaient comme des huissiers, pour leur faire faire place. Affectant jam et pauperes, lictorem feminae in publico, unionem esse dictitantes.
(8) Ce port de mer dans l'île de Ceylan, fournit les plus fines perles de tout l'Orient.
(9) Pline dit que la mer devient tranquille et se calme, si l'on y jette de l'huile, etc. Mare, oleo tranquillari, quoniam naturam mitigat asperam. Voici les paroles de Plutarque : Quin et in fluctus marinos, dit-il, si invergatur (oleum) tranquilitatem facit non ventis ob ejus levitatem indè de labentibus (quod Aristoteles putavit), sed quia fluctus quovis humore ictus subsidat. Plut. de frigido. De nos jours le docteur Franklin, et d'autres bienfaiteurs du genre humain, en ont fait l'heureuse expérience. Je les appèle des bienfaiteurs : tout ce qui peut diminuer pour l'espèce humaine, les dangers d'un élément qui la punit si cruellement de le braver, est toujours un don fait à l'humanité.
(10) M. Blake est connu par ses opinions singulières sur l'air fixe.
(11) Un ancien Philosophe s'écriait en y songeant. "Qualibus in tenebris vitae quantisque periclis degitur hoc quodcumque est oevi".
(12) La quantité d'eau que M. Sage emploie, est égale à celle du sel ammoniac.
(13) Diane se baignait quand Actéon la surprit.
(14) Jeune téméraire, lui avait-elle dit, qui te plais à braver les flots,
Règle si bien l'ardeur qui hasarde tes jours,
Qu'en méprisant les flots, tu les craignes toujours ;
Malgré l'art qu'on emploie à bâtir des galères,
Tu les vois chaque jour céder aux vents contraires,
Et, pourleur résister, tu prétends que tes bras
Acquièrent un pouvoir que leurs rames n'ont pas.
Tu tamen juvenis tumidarum victor aquarum,
Sic facito spernas, ut vereare fretum
Arte laboratae merguntur in oequore puppes
Tu tua plus remis brachia posse putas.

(15) M. Bachstrom.
(16) M. Wilkinson.
(17) M. Bonal.
(18) M. le Comte de Ségur.
(19) M. Gelaci.
(20) M. Ozanam.



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