SÉRIGNY, Mme Blanche de : [Article] Modes du Conseiller des Dames et des Demoiselles, journal d'économie domestique et de travaux d'aiguille. Décembre 1862.
Saisie du texte et relecture : C. Thuret pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (05.VI.2004)
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)

Orthographe et graphie conservées.

Texte établi sur un exemplaire (BmLx : 35071) du Conseiller des dames et des demoiselles, journal d’économie domestique et de travaux à l’aiguille Tome XVI, 1862-1863.

Modes
par
Blanche de Sérigny

Décembre 1862


Nos toilettes d'été ont été bien sombres, bien demi-deuil, ma chère Isabelle ; par compensation, nos toilettes d'hiver s'égaient plus que de coutume, nous quittons enfin ce noir et ce gris auxquels nous avons été si fidèles. La mode pense que l'hiver avec ses nuages tristes et ces jours brumeux n'a pas besoin d'être encore assombri, et je lui donne dix fois raison.

Donc, nos pardessus peuvent être gris-sarde, violet, bleu impérial, elle le permet ; elle aborde même le lilas, le gris-maïs, mais voilà où je ne vous conseillerai pas de la suivre, car les nuances foncées ou neutres que je vous nommais en premier ont bien plus de partisans que ces dernières.
 
J'ai vu de petits paletots faits en velours de laine de ces couleurs, qui m'ont paru d'une coquetterie pleine d'élégance et de bon goût : ils étaient bordés par des bandes de taffetas rassorti, hautes de deux doigts et enrichies de lignes de piqûres.
 
Les rotondes se portent aussi en velours de laine, même plus que l'hiver dernier, où elles étaient impossibles à cause de leur lourdeur ; cette année elles sont d'un poids supportable parce qu'elles sont moins longues. Les confections à manches sont toujours préférées, cependant les collets conviennent très-bien aux jeunes filles.
  
Ces formes rondes se portent principalement en velours et se garnissent avec une bande de chinchilla, large de trois doigts, c'est la grande nouveauté ; vous hésiterez peut-être à adopter cette garniture si vous avez quelque autre fourrure de prix, car il serait impossible de les porter ensemble ; et il faudrait ou vous passer de manchon, ou l'acheter semblable à votre nouvelle fourrure ; voilà ce qui vous semblera peut-être un obstacle. Eh bien ! renoncez au chinchilla en faveur de quelques jolis ornements de passementerie ou de guipure et vous serez fort bien dédommagée. On fait surtout de cette dernière manière de très-riches ornements : ce sont des entourages avec quilles qui remontent tout autour du bas de la rotonde.
 
Pour les vêtements d'intérieur, vous n'aurez pas les mêmes raisons de prohiber le chinchilla, je vous le conseillerai donc pour encadrer une veste de velours, à moins que vous ne préfériez le véritable astrakan ou bien les passementeries de jais avec aiguillettes.
  
Je reviens à l'article guipure, pour vous dire que l'on fait ainsi de fort belles ceintures qui complètent et enrichissent les toilettes habillées. Elles sont composées d'une petite bande qui fait le tour de la taille, puis de larges coques et de longs pans; on les laisse transparentes, ou bien on les double d'un taffetas d'une nuance tranchée : ainsi, sur une robe de soie noire, la ceinture sera doublée de vert moyen ou de bleu bleuet; sur une robe grise on pourra la doubler de bleu ou de rouge, sur un taffetas mélangé elle sera de la couleur des motifs.

On complète souvent cette parure avec des bretelles semblables garnies de barrettes, c'est d'un fort joli effet sur une robe de mousseline ou de tarlatane, ces ornements sont d'une nouveauté du meilleur goût ; on les laisse tout transparents, ou bien on les double de taffetas rose ou bleu ciel.

Je ne dois pas oublier de vous dire que toutes les ceintures longues se nouent par derrière, c'est le dernier décret de la mode.
 
Passons en revue quelques jolis arrangements de robes.
 
Robe de taffetas noir à fleurettes magenta, garnie au-dessus de l'ourlet par un large zigzag de velours coupé à la pièce et bordé de chaque côté d'une passementerie magenta ; le même ornement est reproduit plus petit sur le revers des manches.
 
Robe de taffetas gris fauvette faite à la Gabrielle, le bas est recouvert d'une bande de taffetas plus foncé sur le milieu de laquelle court un large dessin de soutache même nuance ; cette bande, qui est garnie de chaque côté par une ruche passante en ruban assorti, s'élève sur le devant de la robe pour former tablier et plastron. Le revers des manches se font de même.
 
Robe de popeline rayée noir et vésuve, faite à gilet; le bas est orné d'une ruche passante en velours noir, le revers des manches est garni de même ainsi que le devant et le bas du corsage.
 
Robe d'épingline noire à filet satiné bleu, garnie au bas d'une ruche passante en ruban de taffetas bleu, manches avec revers et jokey à deux pointes encadrés de même.
 
Robe de basin de laine, nuance havane, enrichie au bas par une grecque de velours noir posée au-dessus de l'ourlet, ceinture ronde ornée d'une petite grecque, manche demi larges avec même ornement.
 
Robe de popeline noire à fleurettes blanc argent ; trois volants en ruban de taffetas noir liseré de blanc garnissent le bas de la robe ; ils sont montés à plis creux et peu espacés l'un de l’autre.
 
Robe d'épingline noire quadrillée de lignes vertes ; au bas, une ruche passante en alpaga uni mis à double, manche presque complètement longue et fort resserrée du bas; le revers est encadré; d'une même ruche qui se prolonge jusqu'à l'entournure.
 
Avec ces manches étroites dont je vous parle, on met des manches de lingeries terminées par une très-haute manchette droite qui monte presque jusqu'à la moitié de l'avant bras, et n'est point ajustée.
 
Je vous ferai remarquer que pour toutes les robes ordinaires, dont on ne veut pas garnir le bas, une petite ruche d'alpaga noir, comme je vous l'indique pour la dernière toilette, est fort gentille et remplace avec avantage le lacet ordinaire dont vous bordez toutes vos robes simples, mais, comme certaines parties s'useront plus vite, surtout celle qui frome un peu traîne par derrière, je vous conseille de tenir en réserve du même alpaga afin de pouvoir remplacer les endroits usés ou trop défraîchis.
 
La cravate Louis XIV, voilà une des grandes modes du moment, et ce qui semble pour beaucoup de femmes une nouveauté; mais pour vous, ma chère Isabelle, voici le troisième hiver que vous la porterez; je vous l'ai indiquée il y a deux ans : elle venait de paraître chez notre habile lingère Mme Favereaux, où l'on crée tant de jolies nouveautés. Les modes sont quelquefois fort longues à se répandre, et il y a grande utilité et grande économie à les accepter dès le début; de cette manière, on peut les porter jusqu'à leur fin, sans être forcé, parce qu'elles sont tombées en défaveur, de les enfouir toutes fraîches et toutes neuves au fond d'une armoire. Ajoutez à cela qu'il y a encore une raison de grande élégance, et, comme je comprends tout cela parfaitement, comptez sur moi, chère amie; pour vous indiquer toujours les nouveautés dès leur début; vous serez au courant des modes du jour et même du lendemain, s'il m'est possible.
 
Comme vêtement utile, je vous parlerai des camisoles du matin en nansouck ouaté et piqué, ou bien en flanelle rouge, on bleu ciel, garnies d'un large dessin de piqûres blanches; c'est une sorte de coin-de-feu tout à la fois élégant et négligé, que l'on met au sortir du lit et que l'on garde pour faire sa toilette.
 
Comme modèles nouveaux et très en faveur, je mentionnerai les capotes de crêpe blanc à coulisses fort espacées, garnies d'un bavolet de velours plein, soit vert, bleu, solférino ou havane; la passe est bordée d'un velours pareil; sur le côté ; pouf de dentelle noire où repose un groupe de fleurs en velours de même nuance, mélangées de brins de plumes d'autruche qui, se tenant droits, forment aigrettes. Ces chapeaux sont quelquefois ornés par un groupe de plumes frisées, ou une simple plume plate.
  
Je vous citerai encore : un chapeau très-élégant en velours royal rose avec écharpe de tulle blanc posée sur la passe ; elle est maintenue dans le haut par un groupe de fleurs de velours rose avec feuillage de nuance havane et grosses tiges. Un bouquet des mêmes fleurs se trouve sur le côté du tour de tête.
  
Un chapeau de crêpe blanc tendu mis à plusieurs doubles, bavolet recouvert d'une haute blonde, draperie dé crêpe blanc retenue par une plume blanche. Chapeau de velours vert garni d'une fanchon de dentelle noire posée fort en arrière; elle est ornée d'une touffe de plumes frisées vertes et noires.
  
Chapeau de velours mauve piqué à carreaux et garni d'une plume déchirée de même nuance. Fleurs blanches dans le haut du tour de tête, brides blanches.
 
Pour toilette d'enfant, je vous citerai : une robe de popeline grise parsemée de petites rosaces de soutache bleue, une guirlande en soutache court au-dessus de l'ourlet ; la ceinture, qui est nouée par derrière, est toute brodée de soutache, les revers des manches sont de même; une ruche passante en ruban de taffetas bleu garnit le bas de la jupe et la ceinture. Cette toilette conviendra pour une petite fille de quatre à six ans.
 
Pour une enfant au-dessous de cet âge, je conseillerai une chemise russe en mérinos solférino, une jupe rayée blanc et noir et garnie de deux bandes solferino.
 
Robe de taffetas à petits carreaux noirs et rouges, au-dessus de l'ourlet est placée une résille formée de velours noirs, un même ornement garnit le tour du corsage, qui est décolleté carrément, et les manches.

 
Pour une petite fille de six à huit ans, j'aimerais une robe de popeline bleue avec camail pareil: vous pourriez ajouter sur l'un et sur l'autre une garniture de soutache noire, ou bien une petite grecque en velours noir; si vous voulez confectionner vous-même ces dessins, vous en trouverez bien des modèles dans vos planches de l'année dernière Le bord de la jupe et le revers des manches pourra en outre être orné d'une ruche passante en ruban de velours. Le chapeau sera rond, en velours noir, à forme élevée comme on les fait cette année, puis garni sur le devant d'un groupe de plumes frisées : deux bleues et une noire.
 
Pour une petite fille d'une dizaine d'années : robe de soie ou de popeline marron illustrée de trois petits volants liserés de noir et montés à plis creux; entre chaque rang on place deux étroits velours. Les manches ont un revers orné d'un volant pareil qui remonte jusqu'à l'entournure.
 
Pour petit garçon de trois ans, je vous conseillerai un costume en popeline grise ayant un corsage à revers qui se ferme sur le côté, une ceinture ronde pareille bordée de velours bleu, manches à revers pointus placés sur le dessus; poches garnies d'un parement pointu; le tout est bordé de velours gros bleu surmonté par deux rangs de soutaches même nuance posés en ligne droite.
 
Robe de popeline grise de même forme que la précédente, mais ayant le revers de manche et du corsage, la ceinture ronde et le bord de jupe en velours grenat.

                                                             BLANCHE DE SÉRIGNY.


retour
table des auteurs et des anonymes