HÉBERT, Jacques René (1757-1794) : La Grande colère du Père duchesne, [n°] 290, (1793).
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Je suis le véritable Père Duchesne, foutre !

LA GRANDE COLERE
DU
PÈRE DUCHESNE

[N°] 290 [septembre 1793]

CONTRE le palefrenier Houchard qui, comme son maître Custine, a tourné casaque à la Sans-Culotterie. Sa grande joie de voir bientôt ce butor mettre la tête à la fenêtre. Ses bons avis aux braves soldats républicains pour qu’ils lui dénoncent tous les jean-foutres qui regrettent l’ancien régime, et qui préfèrent de porter la livrée du tyran, plutôt que d’endosser l’habit des hommes libres.

QUE des ci-devant nobles, que des calotins, que des financiers, que des robins trahissent la patrie, cela ne m’étonne pas, foutre. D’un sac à charbon on sauroit tirer blanche farine. La caque sent toujours le hareng ; mais qu’un sans-culotte, élevé à un grade éminent, tourne casaque à la république, il y a de quoi se débaptiser, et cependant, foutre, nous n’en n’avons que trop d’exemples, pour l’honneur de la Sans-Culotterie. Qu’elle est donc l’espérance de ces renégats ? Croyent-ils qu’il jouiroient du fruit de leurs trahisons, si la contre-révolution, qu’il est aussi impossible de faire que de prendre la lune avec les dents, pouvoit arriver ? Les aristocrates qui se servent de ces lâches comme le singe de la patte du chat pour tirer les marrons du feu, les méprisent autant que nous. On aime la trahison, mais on déteste le traître. Si les marquis, les ducs, les princes pouvoient remonter sur l’eau, pourroient-ild se fier aux jean-foutres qui ont trahi la patrie ? Ils rougiroient d’avoir eu obligation à de pareils viédases, et ils commenceroient par les faire pendre, pour étouffer avec eux le souvenir des services qu’ils en auroient reçu, et leur faire restituer l’or qu’ils leur ont donné.

Comment se peut-il qu’un foutu palefrenier devenu général, ne soit pas content de son sort, qu’il veuille trancher du grand seigneur, en trahissant la république qui l’a tiré du fumier pour le mettre sur le pinacle ? Un Houchard vouloir singer un Dumouriez ? C’est bien l’occasion de dire que les petits chiens veulent comme les gros pisser contre les murs ! Mais pouvoit-on mieux attendre d’un misérable goujat qui ne s’est élevé qu’à force de bassesses en décrottant les bottes du général Moustache ? tel maître, tel valet, foutre. Si l’infâme Custine n’avoit pas connu l’ame de boue de son ci-devant palefrenier, s’il ne l’avoit pas regardé comme son bras droit, l’auroit-il fait son égal ? C’est le crispin de la comédie, qui prend les habits de son maître pour lui aider à faire un coup de main.

J’espère, foutre, que le procès de ce vil coquin ne traînera pas, et qu’il va, sous peu de jours, jouer à son tour à la main chaude ; mais ce n’est point assez que de détruire ainsi les traîtres en détail, il faut une fois pour toutes faire main basse sur eux, et les balayer dans toutes nos armées, et en purger la république. Pourquoi, tonnerre de Dieu, souffre-t-on à la tête de la troupe de ligne un tas de viédases, ci-devant sergens, brigadiers, maréchaux-de-logis, plus aristocrates que les muscadins qu’ils ont remplacés, et qui ne sont parvenus sous l’ancien régime qu’en décrottant les bottes de leurs officiers ? Ceux qui ont fait le métier de chlagueurs, sont-ils dignes de commander à des hommes libres ? La plupart de ces capons qui doivent tout à la république, qui ne pouvoient tout au plus espérer que devenir porte-drapeaux, ne sont pas contens de se voir aujourd’hui chefs des mêmes régimens, après avoir été les derniers officiers de guérite ; ils clabaudent comme des talons rouges, et poussent des soupirs à faire peur, en racontant la fin piteuse de Louis le traître ; ils méprisent l’habit national, et malgré les décrets de la Convention, ils s’obstinent à porter la livrée de la royauté ; ils veulent continuer d’être des culs-blancs, plutôt que d’endosser l’uniforme de la liberté. Braves défenseurs de la patrie, dénoncez-moi tous les jean-foutres qui vous commandent ; le Père Duchesne est un vieux soldat qui connoit le service ; il sait quel est l’esprit des épaulettiers ; il se souvient de toutes les tracasseries qu’ils lui faisoient ; il n’a pas oublié que pour un verre de vin de plus ou de moins, pour une parole plus haute que l’autre, on vous foutoit autrefois un pauvre fusilier dans un cachot pour trois ou quatre mois. Il faut obéir à ses chefs pour tout ce qui regarde le service, rien de plus juste, foutre ; mais, hors de là, l’officier n’a aucun droit sur vous, et quand un butor avec son plat à barbe s’avise de venir troubler votre chambrée, pour vous empêcher de chanter la carmagnole, envoyez-le-moi faire foutre : s’il ose en votre présence goailler contre la république et regretter l’ancien régime, s’il cherche à vous embêter avec ces journaux du diable, et les feuillets empoisonnés que Pitt et Cobourg répandent dans les armées pour vous foutre dedans, écrivez à l’instant au Père Duchesne, et faites-lui connoître le nom et le grade du jean-foutre qui a la patte graissée pour vous faire faire des pas de clerc ; j’ai le bras long, foutre, quoique je ne sois qu’un marchand de fourneaux ; j’aurois du pain cuit pour le reste de mes jours, si j’avois autant de louis que j’ai débusqué de fripons.

Braves Sans-Culottes des armées, si on vous fait quelque injustice, si vos officiers gaspillent votre prêt, s’ils vous maltraitent encore une fois, adressez-vous au Père duchesne ; il se mettra en quatre pour vous rendre service, et vous venger, mais sur-tout ne me dénoncez pas à tort et à travers, et n’allez pas confondre les braves bougres avec les traîtres ; sur-tout, mes amis, que le service se fasse. Tandis que les brigands qui vous font la guerre, ne remuent que comme des automates, et ne marchent qu’à coups de bâton, faites voir que des soldats républicains connoissent la discipline. Je ne vous recommande pas le courage, vous en avez assez. Suivez toujours les bons avis que je vous donnerai, car jamais je ne vous ai trompé ; ayez toujours confiance dans vos frères les Sans-Culottes de Paris, vous n’avez pas de meilleurs amis ; continuez de combattre et de vaincre pour la république. Plutôt vous foutrez le tour aux esclaves des brigands couronnés, plutôt vous jouirez du fruit de vos exploits. Quelle joie à la paix de vous voir au milieu de vos concitoyens, et d’embrasser vos mères, vos pères et vos frères ! Toutes les jeunes filles qui sèchent d’ennui pendant votre absence, iront au devant de vous pour vous couronner de lauriers, tandis, foutre, que nous autres lurons de la ganse, nous ferons sauter les brocs et les pintes pour vous recevoir. A ce spectacles les aristocrates frémiront de rage, et ils disparoîtront pour jamais.

Lorsque vous serez par-tout fêtés et choyés, les prussiens, les autrichiens, les anglais, les hollandais, les espagnols rentreront chez eux tous penauds, comme des colimaçons dans leurs coquilles. Le peuple de leurs pays, accablé de misère, pour avoir soutenu la cause de ses tyrans, gémira, pleurera à l’approche de ces pileurs de poivre. Toutes les portes leur seront fermées, et ils ne trouveront nulle part un misérable enfant de coeur à étouffer, pas seulement un pot de bierre pour se désaltérer. Dans une république le soldat est citoyen ; il est regardé comme le sauveur de son pays, et dans les nations assez stupides pour se laisser gouverner par un âne couronné, les soldats sont avilis et traités comme des nègres. Guerriers républicains, soutenez jusqu’à la mort la cause de la liberté, ébranlez, renversez tous les trônes des despotes ; vive la république, vive la Sans-Culotterie, foutre.

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Les Soirées de la Campagne.
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