CHARLEUX, Albert (18..-19..) : Pour écrire de la main gauche : conseils pratiques.- Paris : Librairie Armand Colin, [1917].- 24 p. : ill., couv. ill. ; 23 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (22.IX.2011)
Texte relu par : A. Guézou
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : R 327 br).
 
Charleux - couv.

 
Pour écrire de la main gauche
Conseils pratiques

par
Albert Charleux,
Instituteur public.

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AU LECTEUR
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Des milliers de héros sont morts pour notre salut et la gloire de notre pays. Nous ne pouvons que leur rendre le culte de l’admiration et du souvenir. Mais combien d’autres nous sont revenus et nous reviendront encore gravement mutilés, à qui la vie sera pénible, quelque respectueux égards que nous ayons pour eux, s’ils la sentent à la merci de la générosité ou simplement de la reconnaissance nationale. Des heures, des jours, des mois d’enthousiasme qu’ils auront traversés il leur restera une fierté qui ne s’accommodera pas du repos, des loisirs auxquels ils pourraient prétendre. Nous avons dès maintenant le devoir de tout entreprendre pour les mettre en état de rester des travailleurs, des citoyens utiles et libres.

C’est dans cette pensée qu’un jeune instituteur privé entièrement du bras droit a voulu aider les amputés de la guerre de ses conseils et les encourager de son exemple. Ayant subi à l’âge de quatorze ans l’ablation totale du bras droit, il a dû se refaire toute une éducation du bras et de la main gauches. Il aurait pu se laisser abattre, ne pas persévérer dans l’effort nécessaire pour acquérir tout un nouvel ensemble d’habitudes physiques. Mais il était résolu à faire bonne contenance devant le malheur et il est parvenu à apprendre à écrire, à dessiner, à se servir, pour tous les usages, du seul bras gauche. Je l’ai vu à l’Ecole normale faire tous les devoirs comme ses camarades et tenir le premier rang en dessin. De son écriture courante on pourra juger par le fac-similé ci-joint (Avant-propos). Employé actuellement dans un bureau, il y manie les cartons et les dossiers, fait la correspondance, la plie et la ferme sous bandes croisées sans l’aide de personne avec une étonnante célérité.

Lorsque des soldats nous revinrent amputés, il guida leurs premiers tâtonnements, ses leçons leur donnèrent l’espoir et leur enseignèrent les procédés dont avaient besoin ces braves si douloureusement éprouvés.

Il a voulu faire plus et se rendre utile à tous ceux qui sont dans le même cas, en écrivant pour eux un guide pratique, rempli d’expérience personnelle. Ses exhortations et ses conseils trouveront crédit, parce qu’il parle de ce qu’il a éprouvé, des difficultés qu’il a rencontrées et surmontées. La récompense de sa bonne action sera dans l’aide et le réconfort qu’il aura procurés. Cette contribution à l’œuvre de rééducation des mutilés de la guerre n’a pas d’autre prétention.

P.-H. GAY,
Directeur de l’Ecole normale d’Angers.


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AVANT-PROPOS
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avant-proposLa guerre actuelle va laisser derrière elle, outre des deuils et des ruines, des mutilés. Il est du devoir de tous de coopérer à l’œuvre de réeducation de ces braves. A cet effet des écoles ont été fondées. Leurs enseignements leur procureront une profession honorable.

Cependant tous ne pourront pas exercer une profession manuelle. Les amputés d’un bras entre autres sont destinés à remplir des fonctions, soit de dessinateurs, soit d’employés de bureau. Or ceux qui ont subi l’ablation du bras droit sont obligés d’adapter leur bras gauche à un travail nouveau pour lui. A ceux-là nous avons pensé venir en aide en écrivant ce recueil de conseils. Ils sont le fruit de notre expérience personnelle. Nous les avons pratiqués et des résultats obtenus nous n’avons qu’à nous féliciter. Qu’ils satisfassent pareillement ceux qui sont dans la pénible, mais non désespérante, obligation de s’en inspirer, c’est le seul succès que nous leur souhaitons.

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POUR ÉCRIRE

DE LA MAIN GAUCHE
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CONSEILS GÉNÉRAUX
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Écrire de la main gauche n’est pas chose impossible. Les difficultés que l’on rencontre au début et qui paraissent insurmontables s’aplanissent chaque jour à condition qu’on s’applique à les vaincre. Cette lutte de tous les instants semble être, à tout débutant, ennuyeuse et décevante. C’est pourquoi nous pensons qu’il est bon, avant qu’ils l’entreprennent, de leur donner, sous la forme de conseils, deux excellents moyens de vaincre. Ainsi prémunis, les mutilés pourront s’exercer avec de grandes chances de succès.

Tout d’abord il ne faut pas vouloir trop tôt ce que seule la pratique ne donne que lentement. L’éducation d’un individu ne se fait pas du jour au lendemain. L’enfant qui, à l’école, griffonne une feuille de papier, n’est pas encore un calligraphe. Il lui faudra de longues années d’application avant que son écriture revête un caractère définitif et personnel. De même à l’amputé du bras droit il faudra de patients et fréquents exercices avant d’écrire couramment de la main gauche. Ce but – nous nous empressons de le dire – est atteint, assez rapidement même. Seulement – et ce seulement est capital – la tâche demande à être suivie de près. L’élève qui s’absente oublie ce qu’il a appris, il est obligé de revoir ce qu’il n’a pu retenir. Si vous ne persistez pas à travailler chaque jour à l’éducation de votre main, celle-ci, qui commençait à s’adapter, redeviendra paresseuse et, à le recommencer toujours, ce travail vous sera pénible et ennuyeux. Les premiers essais, il est vrai, ne sont pas persuasifs et l’on voudrait voir les progrès s’affirmer de probante façon. On s’inquiète, on doute du succès et insensiblement on s’abandonne à l’idée de ne plus continuer dans une voie qui ne conduit pas assez vite au but. Voilà qui constitue un écueil dangereux auquel tous se heurtent mais où ne sombrent que les faibles, que ceux qui n’ont pas le ferme désir de réussir, que ceux qui ne réagissent pas et jettent le manche après la cognée. Il faut bien se persuader que ce n’est pas après deux ou trois leçons qu’on sait écrire de la main gauche. Le proverbe « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » trouve ici son application. C’est en écrivant chaque jour plusieurs fois qu’on finit par écrire. Car on finit par y arriver et ceux qui prétendent le contraire sont ceux qui ne se sont donné aucune peine. Mais encore une fois il faut persévérer et ne pas oublier que, n’ayant rien sans mal, seule la pratique nous donne de bons résultats.

Un autre écueil à éviter est celui qui consiste à vouloir aller trop vite. Nous entendons par là ne pas assez s’appliquer. Vous rappelez-vous le temps où, petits enfants, vous faisiez, pour apprendre à écrire, des bâtons ? Comme c’était difficile de les faire droits et penchés de la même façon ! Et pourtant vous vous appliquiez : inclinant la tête, tirant la langue – car une jeune élève croit toujours bien écrire quand il tire la langue – vous preniez chaud sans vous presser. Mieux que cela : malgré cette application vous n’étiez pas contents de vous, car il y avait toujours un bâton qui penchait vers la gauche quand son voisin s’inclinait vers la droite. Et quel aspect présentait cette page quand, ayant perdu quelques instants à effacer une tache, vous traciez bien vite, dans le peu de temps qui vous restait, les quelques trois ou quatre lignes qui vous étaient assignées ! Maintenant que vous débutez dans l’art de vous servir de votre main gauche, il faut vous rappeler les débuts de votre main droite : ne pas vous presser. Si vous voulez aller trop vite vous ne ferez rien de bien et, mécontents de vous-mêmes, vous vous découragerez. Prenez bien votre temps, appliquez-vous à bien faire votre premier modèle, ne passez au second que lorsque le précédent est parfaitement réussi : vous l’exécuterez péniblement la première fois, à la deuxième vous constaterez un léger progrès, à la troisième un autre et, petit à petit, sans que vous vous en aperceviez, votre bras s’assouplira, il se prêtera mieux à cette gymnastique à laquelle il n’était pas habitué et finira, ainsi dompté, à obéir à votre volonté. Alors vous serez tout surpris, un jour, de vous voir écrire aussi rapidement et aussi régulièrement que vous pouviez le faire de la main droite. Ces difficultés du début doivent être vaincues l’une après l’autre. Elles disparaîtront insensiblement et il ne vous restera plus que le plaisir de constater les heureux résultats de votre patience. Le meilleur moyen d’aller vite c’est d’aller lentement, parce que l’on va sûrement sans jamais être obligé de revenir en arrière.

Ainsi la volonté, qu’elle se nomme persévérance, patience ou fermeté, permet de conduire à bonne fin une telle entreprise.

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ÉDUCATION DU BRAS

Avant de la commencer, cette entreprise, il faut se dire que l’on va demander au bras gauche des mouvements contraires à ceux que jusqu’ici il avait l’habitude d’effectuer. Aussi vouloir, dès le début, exiger de lui les mouvements minuscules que réclame l’écriture, c’est tenter l’impossible, c’est s’exposer à une déception. Nous ne saurions mieux comparer un homme qui commence à écrire de la main gauche qu’à un enfant qui débute dans l’art d’écrire de la main droite (avec cette différence toutefois que le premier a déjà sur l’écriture des notions que le second n’a pas). Voyez comme la main d’un enfant est inhabile à tenir un porte-plume et maladroite à le manier et voyez les résultats qu’il obtient : son écriture, malgré le beau modèle du maître, est irrégulière, saccadée, désordonnée tant au point de vue de la forme qu’à ceux de la grosseur et de la disposition des pleins et des déliés. C’est que la main de cet enfant, son poignet, son bras ne sont pas éduqués et c’est une erreur de leur faire dessiner des caractères si fins avant de dresser ces différentes parties du membre (1). Une éducation du bras, un « dressage » s’impose donc. Aussi, vous, mutilés, il vous faudra rompre votre bras à une gymnastique préparatoire à l’art d’écrire, indispensable même.

Ce n’est point avec une plume que votre main s’assouplira : c’est avec la craie sur le tableau noir. Nous savons que toute personne n’a pas un tableau noir à sa disposition, mais il est permis, pour une modique somme, de se procurer de quoi le remplacer. Voici la facture :

        1 mètre carré de papier noir.....     0 f. 50
        1 boîte de punaises..................     0 f. 50
        2 bâtons de craie......................    0 f. 10
                                   TOTAL.......     1 f. 10

Ce matériel constitue tout le nécessaire pour permettre à votre bras de s’adonner à cette gymnastique.

Le papier noir fixé au mur à l’aide de quatre punaises, que fait-on ? Il faut laisser de côté les caractères d’écriture pour n’effectuer que les exercices dont le tableau suit, en procédant dans l’ordre indiqué. Chaque fois il faut faire toute la série en tenant compte de la direction des flèches. On donne d’abord au bras toute son amplitude, puis petit à petit on restreint le dessin jusqu’à ce qu’il ne comporte plus qu’un mouvement du poignet. Les exercices numérotés 1 sont ceux qu’il est aisé de tracer parce qu’ils sont dans le sens de la main. Ceux numérotés 2, étant contraires, sont moins faciles à dessiner mais plus propres à discipliner la main.

exercicesCes exercices seront exécutés debout, sans bouger les pieds, sans incliner le corps. Il ne faut pas oublier qu’ils doivent dresser le bras, et lui seul, et que si un mouvement quelconque du corps le seconde, ce mouvement nuit à l’éducation du bras. Il va sans dire que le nombre des lignes de chaque figure n’est pas absolu. L’apprenti peut en tracer autant qu’il lui plaît selon le temps dont il dispose. Toutefois, lorsqu’il en aura fixé le nombre, il devra s’en souvenir pour chacune des trois séries, afin que le tout soit exécuté harmonieusement.

En outre, il ne se bornera pas à ne répéter exclusivement que les dessins placés sous le titre « Applications ». L’initiative est une qualité que tout mutilé doit s’appliquer à développer en lui. Aussi lui laissons-nous le soin de trouver des combinaisons en s’inspirant des trois séries.

Enfin nous ne saurions limiter et le nombre de fois qu’il faut répéter ce tableau d’exercices et le temps qu’il y faut consacrer. C’est à chaque apprenti de travailler jusqu’à ce que ses efforts lui donnent satisfaction. Qu’il ne dédaigne pas ces tâches préliminaires : elles paraissent futiles : elles sont très importantes. Tout acrobate, avant d’émerveiller la foule, assouplit son corps par des exercices de culture physique. Ici c’est un membre que nous assouplissons de la même façon.

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ÉCRITURE AU TABLEAU

La main, le poignet et le bras ayant été dressés grossièrement par ce procédé, l’apprenti achèvera maintenant leur éducation en se livrant au dessin de l’écriture (2). Nous disons dessin... à dessein... car en effet – nous l’avons dit déjà – il faut qu’il s’applique pour obtenir de bons résultats.

Ce n’est pas encore sur le cahier qu’il s’exercera, mais sur le papier faisant office de tableau noir. Comme pour les exercices précédents il ira du gros au fin. Le mouvement du bras diminuera jusqu’à ne plus permettre qu’au poignet et aux doigts de se mouvoir. Ici encore nous continuons l’assouplissement des différentes parties du bras en leur imposant de tracer en gros ce que nous leur demanderons de tracer en fin. La grosseur de l’écriture comportera donc quatre phases :

                1°  12 à 15 centimètres.
                2°    6 à   7    –
                3°    3 à   4        –
                4°    1 cm ½ ou 2 centimètres.

Le travail quotidien comprendra ces quatre phases, chacune d’elles reproduisant le même modèle.

Cette éducation de la main ne doit pas absorber tout le temps dont dispose l’apprenti. Quand l’écriture au tableau noir est régulière, il doit remiser ce matériel et acquérir le nécessaire pour se servir d’un porte-plume.

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ÉCRITURE SUR LE CAHIER

Avant d’examiner comment on écrit sur le papier, il est indispensable de donner certains conseils que l’on ne peut trouver dans d’autres méthodes.

De la tenue du corps. – Ces méthodes, en effet, s’adressent aux personnes disposant de leurs deux bras et plus particulièrement aux enfants. Il y est recommandé de tenir le corps droit afin d’éviter toute déviation de la colonne vertébrale. Bien que nous nous adressions ici à des hommes dont le corps est complètement formé, nous tenons à les mettre en garde contre les conséquences d’une mauvaise tenue du corps.

La personne qui a ses deux bras porte, quand elle écrit de la main droite, le poids de son corps sur le bras gauche. Nous ne pouvons, nous, amputés du bras droit, nous reposer sur le bras gauche. Il faut que celui-ci soit libre de se mouvoir. Or, on le paralyse si l’on s’appuie dessus et l’écriture s’en ressent. Qu’arrive-t-il ? Pour laisser toute liberté au bras on ne s’appuie pas dessus, mais le corps n’étant plus soutenu se laisser aller et penche du côté droit (3).

Cette station nonchalante est défectueuse pour deux raisons. D’abord l’épaule droite s’affaisse et à la longue devient plus basse que l’autre. Ensuite, la tête s’inclinant avec le corps s’approche du cahier et l’on prend ainsi la mauvaise habitude d’écrire en se fatiguant les yeux. Chacun sait ce qui en résulte. Nous pensons qu’à leur infirmité les mutilés ne voudront pas joindre ces deux autres et qu’ils sauront réagir.

Le moyen, nous le trouvons encore dans un appel à la volonté. Sans aucune aide qui le puisse soutenir, le corps doit être maintenu dans sa position normale par le seul désir de vouloir qu’il le soit. Il faut lutter contre cette tendance qui n’est qu’une application du principe du moindre effort, et les conséquences sont assez fâcheuses pour qu’en y songeant on veuille les éviter. D’ailleurs cette bonne habitude est plus facile à prendre que certaines autres dont les effets sont malfaisants.

Il va sans dire que ces observations se rapportent à ceux qui n’ont pas l’articulation du coude du membre amputé et ne se servent pas d’un appareil de prothèse.

De la tenue du cahier. – Sous la main droite le cahier est légèrement incliné vers la gauche ; sous la main gauche il sera légèrement incliné vers la droite.

Pour l’un ou l’autre bras le coude est un pivot autour duquel l’avant-bras se meut dans le même sens : de gauche à droite. Or, pour exécuter ce mouvement que demande l’écriture, l’avant-bras droit décrit une ligne qui s’éloigne du corps en remontant vers la droite, tandis que l’avant-bras gauche en décrit une qui tend vers le corps en descendant vers la droite. Comme le cahier prend la direction de ces lignes, il est compréhensible que sous la main gauche il doit être incliné vers la droite.

Du porte-plume et de la plume. – Le porte-plume doit être dirigé vers l’épaule gauche (4). Les trois premiers doigts légèrement arqués doivent le tenir sans le serrer afin de lui permettre un mouvement facile de va-et-vient.

Le porte-plume ne doit pas être de grosseur démesurée pour être bien en main. Tout ouvrier devant être maître de son outil, il y a lieu de choisir un porte-plume ni trop gros ni trop petit que les doigts pourront tenir et manier sans difficulté.

Certaines personnes croient que les plumes ordinaires ne peuvent être employées pour l’écriture de la main gauche. C’est une erreur : les deux becs de la plume étant symétriques.

Les accents, la ponctuation, etc., seront placés une fois le mot entièrement écrit. Il est nécessaire en effet de lever la plume le moins souvent possible.

Du moyen de maintenir son papier. – Lorsqu’une personne écrit de la main droite, elle tient son papier avec la gauche. Quand on ne dispose que d’une seule main (droite ou gauche) il est impossible d’empêcher le papier de remuer et d’écrire surtout lorsqu’on arrive au bas d’une page. Il faut donc trouver le moyen de maintenir le papier.

Point n’est besoin de se creuser la tête pour le trouver : nous n’avons que l’embarras du choix. Examinons les principaux :

a. Nous avons vu des mutilés fixer leur papier à l’aide d’épingles (5) ou de punaises. Le papier est percé (1er inconvénient) ; toute table ne se prête pas à la circonstance (2e inconvénient) ; le papier est fixé d’une façon trop absolue (3e inconvénient).

b. D’autres emploient des pinces à dessin. Ce procédé, tout en présentant sur le précédent l’avantage de ne pas abîmer le papier, est loin d’être parfait. On ne peut tourner la feuille sans être obligé de tout défaire pour tout réinstaller, d’où perte de temps (1er inconvénient) ; on ne peut remuer la feuille à sa guise puisqu’elle est fixée (2e inconvénient) ; un sous-main ne se déplaçant pas sous les mouvements de la main est indispensable (3e inconvénient).

c. A notre avis, un presse-papier nous semble le moyen le plus pratique : on dispose sa feuille comme l’on veut, sur ce que l’on veut (dans un plan horizontal ou tout au plus légèrement incliné), en outre le presse-papier se déplace facilement et se pose n’importe où. Nous nous servons d’un presse-papier en fer (base carré 5 ½ X 5 ½, poids 530 gr.) portant à sa partie supérieure un bouton, ce qui permet de le soulever aisément.

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DE QUELQUES GENRES D’ÉCRITURE

Nous n’avons pas l’intention, dans ce modeste recueil de conseils, d’étudier chaque lettre en détail comme dans une méthode. Après les notions générales se rapportant à tous les genres d’écriture, nous donnons pour chacun d’eux des notions qui lui sont propres. Les observant, on s’appliquera à reproduire scrupuleusement les modèles donnés. Qu’elle soit grosse, moyenne ou fine, l’écriture est formée de caractères semblables quant à la disposition des pleins et des déliés. Et puis nous ne visons pas à former des artistes. Qu’un porte-plume devienne un outil rapidement maniable pour la main gauche, c’est notre unique but.

NOTIONS GÉNÉRALES

Corps d’écriture. – On nomme ainsi l’espace compris entre les deux lignes qui limitent certaines minuscules telles que a, e, u, o.

Longueur ou hauteur des lettres. – On appelle longueur et hauteur d’une lettre toute partie de cette lettre en dehors du corps d’écriture.

Cette partie se nomme jambage lorsqu’elle se trouve au-dessous du corps d’écriture (p, j, g).

Nous exprimerons les proportions entre les différentes parties d’une lettre en corps ou fractions de corps d’écriture.

Déliés, pleins, courbes. – Les déliés sont les parties fines d’une lettre, ils se font de bas en haut (sauf pour le z). Les pleins en sont les parties grasses ; ils se font de haut en bas. Les déliés sont généralement reliés aux pleins par une courbe dont la grosseur va s’accentuant du délié au plein.


CURSIVE

tableau 1La ligne AB de la figure ci-contre indique quelle est et comment on trouve la pente de la cursive.

1. Tenue du corps, du cahier et de la plume : se reporter au chapitre précédent.

2. Rapports entre les différentes parties des lettres. – Le tableau ci-dessous donne ceux le plus en usage.






3. Ordre d’étude des lettres.

a. Minuscules. – Int-nm-rvp-oca-dqxe-lbhk-jygf.sz.
 


b. Majuscules. РI K H P R B L S M N A O C E T ΠD V W F U X G Y J Z Q.



c. Chiffres. – 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0.




RONDE

Quand les mutilés sauront écrire la cursive – c’est elle qui leur est d’abord nécessaire – ils pourront s’offrir le luxe d’apprendre à écrire la ronde et d’arriver à l’écrire aussi bien que quiconque de la main droite.

La ronde est perpendiculaire à la ligne sur laquelle on écrit.

1. Tenue du corps. – Le corps, bien d’aplomb, est parallèle à la table à laquelle il ne doit jamais toucher.

2. Tenue du porte-plume. – Il doit être tenu plus droit que dans la cursive. On ne doit ni tourner la plume pour les déliés, ni appuyer sur elle pour faire les pleins. Les uns et les autres sont faits avec toute la largeur de la plume. Pour lier une lettre à une autre on trace un trait fin avec l’angle gauche de la plume que l’on tourne à l’aide du pouce.

3. Tenue du cahier. – Question très importante.


a. De la difficulté qui se présente. – La plume, lorsque l’on écrit la ronde de la main droite, est tenue dans la position indiquée (fig. I). L’écriture obtenue est représentée fig. II. Par la main gauche la plume est tenue comme l’indique la fig. III. L’écriture prend alors cette physionomie (fig. IV). Mais ce n’est plus de la ronde réglementaire. Très compréhensible d’ailleurs : la plume étant dans une position opposée, les pleins tiennent la place des déliés et réciproquement.

b. Du moyen de vaincre cette difficulté. – Comment procède-t-on pour obtenir avec la main gauche la même ronde que l’on obtient de la main droite ? Arrêtés nous-mêmes par cette difficulté, nous en avons trouvé la cause – énoncée ci-dessus – dans la position contraire de la plume. Alors, en nous tournant les doigts, nous avons réussi à placer la plume dans la position que la main droite lui donne. L’écriture ainsi obtenue ressemblait davantage à la vraie ronde. Mais la gymnastique imposée aux doigts en rendait l’exécution lente. Mécontents de nous-même, nous avons cherché un procédé qui, tout en nous donnant de meilleurs résultats, serait plus simple, plus aisé.

Le raisonnement nous a secondé. Par rapport aux lignes AB et CD qui doivent contenir l’écriture, la plume est tenue dans la position I par la main droite, dans la position II par la main gauche. Comme il nous faut l’amener de la position II à la position I et que notre dernier moyen est délaissé, nous avons pensé qu’au lieu de tourner la plume en contraignant les doigts à se contracter, il était préférable de laisser à la plume sa position naturelle et de tourner le papier (fig. III). Or si l’on compare la figure III à la figure I on constate que la plume est dans la même position par rapport aux lignes AB et CD.

Ainsi donc en écrivant verticalement, de haut en bas, on obtient avec la main gauche, la même écriture qu’en écrivant horizontalement, de gauche à droite, avec la main droite.

Cette position du papier ne présente aucune difficulté. On arrive à écrire aussi rapidement aussi bien que quiconque dans un temps très court. Nous pratiquons cette méthode depuis longtemps et nous n’avons qu’à nous en louer. Il en sera de même, nous nous en portons garant, pour ceux qui l’adopteront (6).

4. Rapports entre les différentes parties des lettres. – Ils sont consignés dans le tableau ci-après.



5.  Ordre d’étude des lettres.

a. Minuscules. – int-mn-oad-rcxe-jyqpg-lbhkf-svwz.



b. Majuscules. – I K H R B F P L M N Q X O A C T S E V W D Z U Y J G.



c. Chiffres. – 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0.




BATARDE




La bâtarde est tracée avec les mêmes plumes que la ronde. Le cahier occupe la même position. La pente de la bâtarde est donnée par la ligne AB de la figure ci-contre. Les proportions entre les différentes parties des lettres sont sensiblement les mêmes que pour la ronde. La grosseur du corps pour chacune des grosseurs d’écriture équivaut à 8 largeurs de bec. L’ordre d’étude des lettres est le même que pour la ronde. Le bec de la plume doit être parallèle aux lignes contenant l’écriture (fig. I) et non faire un angle avec elles (fig. II) comme pour la ronde.



GOTHIQUE

Mêmes positions du cahier et de la plume que pour la ronde. Mêmes plumes. La grosseur des corps est également la même. Les points, le t et le d dépassent d’un tiers de corps. Les autres lettres, l b f h k  et g j p q y z et les majuscules dépassent de deux tiers de corps.



NOTES :
(1) Même remarque pour le dessin.
(2) On trouvera page 19 les indications indispensables quant aux proportions qu’ont entre elles les différentes parties des lettres : il s’agit de la cursive.
(3) Nous avons vu certains mutilés n’ayant qu’un court moignon se coucher dessus. Cette attitude est très mauvaise.
(4) Pour la cursive. Les conseils de ce chapitre (tenue du porte-plume et du cahier) se rapportent à ce genre d’écriture.
(5) Il est bon toutefois d’avoir toujours une épingle à sa disposition. On s’en sert lorsqu’à la poste on est obligé de remplir un imprimé de petit format.
(6) Si un instituteur amputé du bras droit avait à faire un modèle de ronde au tableau noir, il userait d’un tableau mobile sur chevalet et le tournerait de la même façon qu’un cahier.


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