[BULLETIN DE CENSURE] : Du roman feuilleton (1844).

Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (12.II.2015)
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Texte établi sur un exemplaire (Bm Lisieux : 2770) du Bulletin de censure : Index français. Tables mensuelles et raisonnées de tous les produits de la librairie française. Deuxième année, n°1 - Mai 1844.
 
DU ROMAN FEUILLETON

Bulletin de censure, mai 1844

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Autrefois le roman était un livre ; aujourd'hui il est un article de journal. Quand le roman était un livre, on ne le lisait que peu ou point ; le roman s'en est aperçu, et, pour se populariser, il s'est fait feuilleton. Beaucoup de personnes honnêtes le redoutaient, ne l'auraient pas touché, quand il avait la forme d'un volume ; maintenant qu'il s'est glissé sur les journaux entre les faits divers et les annonces, on ne le craint plus, on le lit sans peur, sans méfiance, et, sans qu'on s'en aperçoive, il blesse peu à peu, il jette insensiblement sa lave dangereuse, qui consume avec d'autant plus de succès, que ses feux sont plus couverts.

Ce ne sont pas là de vagues considérations, des mots jetés en l'air ; ces considérations, ces mots expriment une idée, et, ce qui est plus grave, ils expriment un fait. Dans toutes les familles, les journaux ont leurs entrées ; la plupart d'entre elles n'envisagent dans ces journaux que la couleur politique ; elles n'attachent pas d'intérêt à leur sens moral et religieux, représenté d'abord par les faits rapportés, et la manière dont ils sont rapportés, représentés surtout par la partie littéraire appelée feuilleton. Ces journaux sont abandonnés à la discrétion de toute la famille : on les voit passer successivement du cabinet d'étude au salon, du salon au boudoir, du boudoir à l'anticharribre ; mais comme la politique ne convient pas à tout le monde, c'est à la partie littéraire du journal, au roman-feuilleton, c'est à la chronique scandaleuse que l'on s'attache de préférence ; de là tant d'intelligences séduites pour avoir voulu satisfaire seulement un vague désir de curiosité. Un seul mot, un seul fait suffit pour enlever à une âme pure et vierge tous les parfums de sa vertu ; il ne faut qu'une étincelle pour allumer l'incendie.

A ce sujet, nous avons pensé qu'il pouvait être utile de jeter un coup d'oeil général sur la partie littéraire, morale et religieuse des principaux journaux qui s'impriment à Paris, et se répandent dans toute la France. Ce ne sera que comme renseignement que nous dirons un mot de leur physionomie politique. Par l'esquisse que nous allons tracer, on verra combien la presse périodique, dont nous respectons sans doute les libertés, est dangereuse quand elle use de sa liberté pour jeter de par le monde, à l'aventure, pour tous, pour quiconque sait lire, épeler, tant de faits, tant d'idées qui démoralisent le peuple, l'attirent et le repoussent, en sens divers, pour donner une publicité sans mesure à des créations qui énervent toujours et corrompent souvent l'esprit, le goût, les moeurs et tous les plus nobles sentiments implantés dans le coeur. C'est, du reste, pour répondre à la demande de plusieurs de nos abonnés que nous avons entrepris ce travail ; nous espérons qu'il pourra être de quelque utilité.

1. LES DÉBATS.

D'abord, à tout seigneur, tout honneur. Il n'y a que les Égyptiens qui aient adoré plus dieux que le journal des Débats. L'aigle peut regarder le soleil en face ; le journal des Débats, qui n'en est pas un, s'est toujours laissé éblouir par l'éclat du pouvoir. Depuis qu'il existe, et il y a longtemps, hélas ! il a salué tous les gouvernements avec des cris d'acclamation et d'enthousiasme ; il n'y a qu'un païen qui puisse ainsi avoir un culte, dresser des autels pour toute divinité quelconque. La profession des Débats, c'est de prodiguer l'encens à tous, si ce n'est au vrai Dieu.

Un journal qui a tant de laisser-aller en fait de politique, doit en avoir plus encore, si c'est possible, en matière de littérature et de morale ; aussi, ce sont les Débats qui, dans ces derniers temps, ont eu la préférence pour la publication des Mystères de Paris. Il n'y avait que les grandes et peu scrupuleuses colonnes de ce journal qui pussent reproduire toutes ces conceptions d'une imagination en délire, entassées dans dix volumes entiers. L'auteur lui-même, comme s'il eût redouté une trop grande publicité, n'avait pas voulu faire un feuilleton de ses Mystères ; il les avait vendus à un libraire pour qu'ils demeurassent un peu plus cachés ; mais le journal des Débats les a découverts ; il s'est fait initier à ses détails sans gêne, et, au poids de l'or, il a acheté le droit de dévoiler tous leurs secrets honteux. Il est inutile de porter ici un nouveau jugement sur ce travail d'une pagination si considérable ; il nous suffit de bien faire remarquer que pendant près de deux ans, il a composé le feuilleton du journal des Débats. Peu de temps auparavant, le même journal avait publié Marguerite, roman de M. Frédéric Soulié, dont nous avons fait justice à notre index, numéro 521, page 442. Que l'on juge, par ces deux exemples, des idées du journal ministériel,en fait de morale et de religion !

2. LE CONSTITUTIONNEL.

Le Constitutionnel était un vieillard usé, fatigué par le poids des ans, miné par les passions rongeuses de la haine, du dépit et de la colère. Il s'en allait mourant, traînant avec peine la longue chaîne de ses vieilles iniquités, le lourd fardeau de ses inimitiés personnelles, de ses préjugés anti- religieux ; c'était pitié que de le voir se débattre dans son agonie ; on commençait presque à l'oublier pour ne pas torturer ses vieux jours, et pour lui épargner le coup fatal, tant on a de respect pour une tête blanche, si laide qu'elle soit. Mais voilà que le vieillard a reverdi ; sans quitter ses misères, il a jeté les haillons, il a pris un manteau plus frais ; mais comme ce n'est pas l'habit qui fait le moine, l'homme, ou  plutôt le journal, est toujours le même. Sa politique, on sait comment elle est constitutionnelle ; elle l'est au profit d'un ministre au petit pied et à la main large, qui se joue de la fortune publique comme de la sienne. Nous ne savons si le Constitutionnel, le vieux, avait jamais eu une littérature ; mais grâce aux annonces à son de trompe, de caisse ou de charivari, pour le Constitutionnel le jeune, nous savons quel sera désormais son bagage littéraire. D'abord, c'est Mme Georges Sand, l'auteur de Lélia, de Consuelo, qui va parler. Madame Sand, on le sait, est une femme virile ; elle porte volontiers la cravache, la culotte courte, les bottes éperonnées ; elle fume la cigarette d'Espagne mieux que vous et moi, aussi bien, pour le moins, qu'un troupier de la vieille garde, ou qu'un lion du boulevard de Gand ; aussi, il faut voir comme elle a pris son sexe en pitié, et comme elle le désavoue et s'efforce de le façonner à son image !

Mme Sand donne donc, en ce moment, Jeanne à son jeune et nouvel ami, le Constitutionnel ; après Jeanne, viendra le Juif errant, par M. Eugène Sue. Le Juif errant aura dix volumes : il était à l'encan ; la Presse voulait le payer 50,000 francs ; le Constitutionnel en a offert 106,000, et force a été à la Presse de reculer devant l'énormité de cette enchère, et de renoncer, en faveur de son heureux rival, objet habituel de ses lazzis, au bénéfice qu'elle s'était promis sur une marchandise déjà pompeusement annoncée à ses abonnés, comme devant faire le digne pendant de Mathilde, autre scandale du même auteur, qu'elle avait publié dans son feuilleton.

3. LE SIÈCLE.

Le Siècle est un journal à bon marché ; en l'a pour rien : aussi, sa popularité est effrayante ; on le trouve partout : dans la taverne enfumée, dans la boutique basse, dans la misérable échoppe, on le lit, on le dévore. Pour satisfaire aux appétits peu délicats de ses lecteurs, et les nourrir sans dépense, le Siècle, qui sans doute a besoin de s'instruire, va aux cours du collège de France ; il écoute MM. Michelet et Quinet avec une religieuse attention, il les reproduit avec une prodigieuse mémoire. Depuis un an, M. Michelet consacre toute sa prétentieuse faconde à raviver de vieilles haines contre le clergé, contre la compagnie de Jésus, contre ceux qui les aiment ; et de peur que M. Michelet ne soit pas entendu au collège de France, le Siècle, avec grand soin, répète ses leçons pour propager ses doctrines. C'est ainsi que nous avons appris une attaque récente de M. Michelet contre le Bulletin de Censure, qu'il appelle le journal de la censure épiscopale.

M. Michelet croit nous faire une grosse injure, il ne dit qu'un mensonge qui nous honore, ou plutôt, nous voulons croire qu'il se trompe de bonne foi. — Quoiqu'il en soit, erreur ou mensonge, nous devons repousser également l'une et l'autre, et revendiquer pour nous seuls la responsabilité, quelle qu'elle puisse être, d'une oeuvre à laquelle nous n'avons nullement et en aucun temps, entendu donner un caractère officiel, qui demeure, nous ne craignons pas de le dire, une oeuvre privée, conçue et exécutée spontanément sans la participation de l'autorité supérieure ecclésiastique, et qui ne puise son importance que dans son indépendance absolue, et dans les sympathies universelles qu'elle a rencontrées.

Avec des formes différentes, M. Quinet s'attaque aux mêmes choses, aux mêmes idées ; dès que sa parole tombe, c'est le Siècle qui la ramasse.

Le Siècle fête scrupuleusement le mardi gras ; aussi ferme-t-il boutique ce jour-là, et ne paraît-il pas le lendemain ; mais il faut dire que ses abonnés n'y perdent rien ; car il leur a donné cette année, après ce léger chomage, un magnifique article contre le parti prêtre, un article à faire envie au Constitutionnel, si bien qu'on prétend que celui-ci n'en a pas dormi de la nuit.

Le grand littérateur du Siècle, c'est l'inépuisable Alexandre Dumas, le véritable Alexandre des feuilletonnistes, dont l'imagination suffit à toute feuille qui paie ; la Presse a publié de lui Sylvandire, qu'on trouvera à notre index sous le n° 436 bis ; puis Amaury ; le Siècle a donné au public Ascanio, qui est venu, lui aussi, se placer à notre index sous le n° 571, et donne depuis quelque temps les Trois Mousquetaires, qui y ont déjà pris place. (1)

Tout le monde sait combien M. Alexandre Dumas a d'esprit, de verve, d'enjouement ; il en a trop, il en abuse. Il colore les choses avec tant de charmes, tant de bonhomie, que souvent on se plaît à l'écouter ; il n'en est que plus dangereux quand on ne se tient pas sur ses gardes.

Ainsi rédigé, avec les leçons de MM. Quinet et Michelet, si hostiles à la cause catholique, avec les romans trop faciles de MM. Dumas et consorts , le Siècle, on le comprend, est un journal dont la lecture ne peut être que dangereuse pour des intelligences que l'instruction et l'expérience n'ont pas affermies et fortifiées.

4. LE NATIONAL.

Le National voudrait presque qu'on le prît pour un de ces purs républicains des premiers temps de la république romaine ; il en est encore à croire au gouvernement des consuls ; la république telle qu'il la rêve serait une république idéale ; notre pays serait la terre de l'égalité, de la liberté ; mais jusque-là jamais d'indépendance, toujours de l'oppression, de la tyrannie. Quant aux souvenirs orageux de nos essais républicains, il les oublie, il n'y croit pas, il est certain que les tempêtes de la révolution ne se renouvelleront plus jamais.Quoi qu'il en soit des promesses du National, nous n'y croyons guère ; il demande la liberté, mais c'est pour lui ; écoutez-le à l'endroit du clergé, de la cause catholique, et vous verrez comme ses intentions sont bienveillantes ; que de fois, mon Dieu ! il a accusé le parti prêtre ; il fait de ce parti prêtre un spectre hideux, un fantôme terrible qu'il faut abattre à tout prix. Jamais dans le National nous n'avons lu une ligne qui ne se ressentit de la haine qu'il porte à la robe noire et à tout ce qui l'entoure. Dieu nous préserve de tomber jamais, en fait de politique et de religion, sous l'autorité gouvernementale des hommes de la feuille républicaine ; les Fabius respectaient les dieux, les flamines, les vestales ; le National n'aime ni ne respecte les ministres de nos autels il demande ses droits, il leur refuse ceux qui leur appartiennent.

On comprend que la littérature de ce journal doit se ressentir de ses idées politiques et religieuses.

5. LA PRESSE.

La Presse est un des journaux de la cour des Tuileries ; aussi est-elle, de son naturel, fort amie de la paix, c'est-à-dire qu'elle est, en politique, conservatrice ; en religion, elle est gallicane comme on ne l'est pas, gallicane comme M. Dupin.

Il y a beaucoup de gens qui aimeraient à lire la Presse, mais ils la repoussent à cause de ses feuilletons. C'est elle qui a créé cette nouvelle branche de commerce, et qui a eu le privilège de servir de miroir et de reflet à presque tous les romans d'Eugène Sue. Fière et orgueilleuse, elle s'en vantait il y a quelques mois aux pieds des tribunaux : dans le sanctuaire de la justice, où elle se mesurait avec le Constitutionnel, elle énumérait, comme des titres de gloire, les romans de Sue qu'elle avait édités, Mathilde, l'Hôtel Lambert, et une foule d'autres. C'était vraiment une chose honteuse à voir que ces deux marchands revendiquant leur part de scandale, et se disputant le droit d'empoisonner les populations !...

La Presse sert souvent aussi d'écho à la plume libre et dégagée de M. Alex. Dumas. Nous venons de dire qu'elle a publié notamment de cet auteur Sylvandire et Amaury.

6. LE COMMERCE.

Le Commerce a publié, il y a quelque temps, un roman intitulé Emmeline ; l'auteur était une femme dont heureusement nous avons oublié le nom. La phrase était large, l'idée étroite ; il y avait beaucoup de mots, peu de pensées ; les sentiments exprimés, quand ils n'étaient pas faux ou nauséabonds, étaient vagues, indécis, pleins d'une sotte tristesse sans cause et sans raison ; évidemment Emmeline fut écrit sous l'impression d'un spleen accablant. Le Commerce publie maintenant un roman de M. Alexandre Dumas, Une histoire de la Régence, pendant que le Siècle publie un roman du même auteur, intitulé les Trois Mousquetaires. Ce sont de fiers lurons que les mousquetaires tels que les fait M. Dumas ; ils entendent parfaitement la bataille et la camaraderie, quelquefois même l'amour, d'une manière assez dégourdie ; pour des hommes d'armes de M. de Tréville, le chef des gardes du roi Louis XIII, il ne faut pas trop les accuser. Mais M. Dumas, dans les colonnes du Commerce, se met encore plus à son aise ; qui peut prévoir où le torrent des idées va entraîner l'auteur ? Jusqu'à présent il est bien dissolu dans son langage et dans les faits qu'il raconte, avec le régent du jeune Louis XV, son ministre Dubois et toute la société dont ils s'entourent. A en juger par les hommes que M. Dumas a pris pour héros, nous aurons de vilaines et honteuses pages à lire.

Ceci suffira pour faire apprécier le caractère de la littérature du Commerce.

7. LE COURRIER PRANÇAIS.

Le Courrier Français voudrait bien, avec les Mystères de Londres, faire la concurrence aux Mystères de Paris. Il faut convenir que nous vivons à une triste époque ! A peine voyons-nous se produire au jour un de ces grands scandales publics, une de ces honteuses spéculations dignes d'être flétries par la main du bourreau, qu'aussitôt nous voyons s'élever à côté une foule de plagiaires, empressés de glaner les quelques pièces d'or laissées par  leur devancier dans le champ du scandale ; de là ce déluge d'affreux mystères qui nous inondent de toutes parts : Mystères de Paris, Mystères de la Province, Mystères de Londres, Mystères de Russie, Mystères de l'Opéra, Mystères des théâtres, etc., etc. ; mystères que l'on peut qualifier en trois mots : Mystères de l'enfer.

8. LA RÉFORME.

La Réforme est-elle luthérienne, calviniste, zwinglienne ? nous l'ignorons ; ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle est très-peu catholique.

9. LA PATRIE.

La Patrie est radicale en politique, et en religion elle crie contre le parti prêtre, contre les envahissements du clergé, contre l'outrecuidance des évêques, qui se permettent de réclamer la liberté de l'enseignement, etc. Ceci en dit assez pour faire connaître l'esprit de sa littérature, si elle a de la littérature.

10. LA FRANCE.
11. LA QUOTIDIENNE.
12. LA GAZETTE DE FRANCE.
13. LA NATION.
14. LA MODE.

La France, la Quotidienne, la Gazette de France, la Nation, la Mode, sont des filles dévouées à la dynastie exilée ; généreuses et constantes, elles servent avec énergie, quoique par des moyens différents, une cause qui leur est commune, et au service de laquelle elles montrent à l'envi des vertus devenues rares parmi nous : la conviction, le dévouement et le sacrifice.

Nous ne ferons pas au feuilletonisme de ces journaux l'injustice de le comparer au feuilletonisme des Débats, de la Presse, du Siècle ; il n'est pas, comme dans ces derniers, une furie échevelée, sans frein, sans mesure, s'attaquant à tout, se riant des choses les plus saintes, ne demandant larmes et émotions que pour les types les plus pervers, et pour les sentiments du coeur que le coeur lui même n'oserait avouer. C'est en s'appuyant sur les bases larges et solides de la morale et de la religion que la France, la Quotidienne, la Gazette de France et la Mode cherchent à étayer leurs doctrines politiques. M. Paul Féval est un des principaux littérateurs de ces journaux. C'est un homme d'une imagination brillante et réglée ; sa plume est élégante, morale et facile ; elle sait plaire sans effort, et avec un merveilleux talent de conteuse.

15. L'UNIVERS.

L'Univers est un jeune et vigoureux champion ; longtemps arrêté dans son essor par des obstacles qui font rarement défaut, de nos jours, aux nobles pensées, sa foi, son ardeur, la sainte cause qu'il sert, celle de la foi et de la religion, l'ont grandi tout à coup. Il ne s'occupe de la politique du monde qu'en tant qu'elle touche à des intérêts plus élevés. Dans ces derniers temps, c'est lui qui a été l'organe de NN. SS. les évêques de France, dont il a reproduit les éloquents et chaleureux mémoires relatifs à la liberté d'enseignement. Toute la presse s'est levée contre lui, et il a résisté avec l'énergie puissante qui n'appartient qu'à ses convictions. L'Univers donne rarement quelques feuilletons : ce sont de pieuses légendes, d'intéressantes chroniques dont le but est toujours moral, la pensée toujours religieuse.

16. LE JOURNAL DES VILLES ET DES CAMPAGNES.

Le journal des Villes et des Campagnes est un bon journal ; c'est le journal des bonnes gens, dans la haute et noble acception du mot. Il fait de la politique, mais sans colère, en causant, comme cela se fait au coin du feu, dans les longues soirées d'hiver, quand la pluie tombe et que le vent souffle. Il est surtout un bonhomme conteur bien amusant ; il est conteur comme on ne l'est plus. Il a un recueil d'anecdotes variées, de nouvelles gracieuses, d'épisodes de tous les temps, de tous les pays, de tous les -goûts. Ses écrits sont simples, naturels ; il amuse et ne veut pas paraître avoir ce rare et précieux talent. Nous savons, dans les campagnes, plus d'un petit châtelain, plus d'un honnête bourgeois, plus d'un bon curé qui font leurs délices du Journal des Villes et des Campagnes. Chacun de ses numéros, au petit castel, dans la métairie aisée, au modeste presbytère, est attendu avec impatience. Quand il est venu, le soir, à la veillée, autour du grand âtre, on se range, on le lit, on le raisonne, on le discute, on cause avec lui, on y a toujours trouvé un plaisir tranquille, on y a souvent puisé une utile leçon.

Nous bornerons ici ce recensement du roman-journal ; nous renouvellerons chaque année cette étude, et esquisserons les tendances morales, religieuses et littéraires de chacune des feuilles de la presse périodique. Nous nous attacherons toujours à nous montrer plus historiens que juges; nous raconterons, et nos lecteurs nous commenteront et tireront les conséquences.

Nous tâcherons aussi de faire de semblables études sur les Revues.


(1) Voir pour ces différens ouvrages, la collection du Bulletin de Censure de l'année 1843.


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